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Verdir nos bâtiments: surmonter l’obstacle financier

Karl Rettino-Parazelli|Édition de la mi‑septembre 2024

Verdir nos bâtiments: surmonter l’obstacle financier

« Dans tout le pays, on estime que 16 millions de logements et 750 millions de mètres carrés [plus de 8 milliards de pieds carrés] d’espaces commerciaux devront être rénovés pour aider le Canada à atteindre ses objectifs en matière de carboneutralité », affirme dans ce rapport Sandra Odendahl, première vice-présidente et responsable, développement durable, diversité et impact social à la BDC. (Photo: Adobe Stock)

FINANCEMENT. Il est nécessaire d’accélérer la décarbonation du secteur du bâtiment pour que le Canada parvienne à atteindre ses cibles climatiques. Face à l’urgence d’agir, les entreprises canadiennes sont cependant freinées par les coûts initiaux des projets, un obstacle qu’il est possible de surmonter.

Un rapport publié en mai dernier par la Banque de développement du Canada (BDC) a mis en évidence la nécessité de « verdir » les bâtiments à travers le Canada, lesquels ont contribué à environ 13 % des émissions de gaz à effet de serre au pays en 2022.

« Dans tout le pays, on estime que 16 millions de logements et 750 millions de mètres carrés [plus de 8 milliards de pieds carrés] d’espaces commerciaux devront être rénovés pour aider le Canada à atteindre ses objectifs en matière de carboneutralité », affirme dans ce rapport Sandra Odendahl, première vice-présidente et responsable, développement durable, diversité et impact social à la BDC.

Or, les petites et moyennes entreprises (PME) canadiennes hésitent à se lancer dans des projets de rénovations écoénergétiques pour différentes raisons. Certaines évoquent par exemple la priorité accordée à d’autres défis (32 %) ou le fait qu’elles ne voient pas les avantages ou la valeur de tels travaux (35 %), indique un sondage effectué par la BDC en octobre 2023 auprès de quelque 1500 propriétaires de PME.

Une raison se distingue toutefois clairement de toutes les autres : 52 % des dirigeants interrogés jugent que les coûts initiaux sont trop importants. À savoir ce qui les ferait changer d’idée, environ un répondant sur trois répond qu’il aimerait avoir une idée plus claire des avantages pour son entreprise et une proportion semblable souhaiterait obtenir des conseils sur les programmes d’aide pour le financement de projets verts.

Un prix qui effraie

Cette résistance liée au coût des projets de rénovations écoénergétiques ne surprend pas Bernard Melameth, responsable, Accélérateur climat à la BDC. « Les trois plus gros obstacles sont toujours les coûts, le manque de connaissance et le manque de temps, souligne-t-il. C’est important d’offrir l’expertise et les connaissances aux PME pour leur faire voir l’avantage de réaliser ces projets-là, malgré les coûts initiaux. »

Jean-Philippe Hardy, leader technique en énergie et décarbonation chez Ambioner, une firme d’ingénierie qui accompagne des clients commerciaux, industriels et institutionnels dans leurs projets de décarbonation et d’efficacité énergétique, constate les mêmes freins. « Si on dit à un client qu’il doit investir un million de dollars pour réaliser un projet d’économie d’énergie et que ce projet va générer 200 000 $ d’économies par année [et sera donc rentabilisé en l’espace de cinq ans], le rendement est intéressant, mais le million de dollars peut faire peur », dit-il.

Dans certains cas, les entreprises jugent qu’elles n’ont tout simplement pas les capitaux nécessaires pour se lancer ou que le projet proposé nuirait à leur ratio d’endettement, explique le spécialiste.

« Les projets d’efficacité énergétique sortent souvent du champ d’expertise des entreprises. Il devient donc difficile de dépenser pour atteindre des objectifs qui ne sont pas essentiels au bon fonctionnement de la compagnie. Ce sont des frais difficiles à justifier », renchérit Kristopher Chapman, responsable technique en matière de décarbonation chez Dunsky, une entreprise dont la mission est d’accélérer la transition énergétique dans différents secteurs de l’économie.

« Il y a une sorte de compétition entre les investissements, avec un capital limité. Les entreprises vont avoir tendance à prioriser les investissements qui sont directement en lien avec leur mission », comme développer un nouveau produit ou acheter de l’équipement de production, ajoute Jean-Philippe Hardy.

Les rénovations vertes peuvent pourtant occasionner des économies d’énergie substantielles, ce qui permet de rentabiliser l’investissement de départ en quelques années, surtout si on obtient les subventions applicables aux différentes étapes d’un projet.

« Nous sommes bien servis avec les subventions d’Hydro-Québec, d’Énergir et le programme ÉcoPerformance, note Kristopher Chapman. Il y a plusieurs programmes disponibles selon le type d’énergie qu’on veut économiser. »

Fini le statu quo

« Il faut aussi que les entreprises réalisent que le statu quo n’est plus une option », lance Jean-Philippe Hardy, d’Ambioner. Pour des raisons de principe (à cause des changements climatiques), pour des raisons économiques (les hausses de tarifs à venir) et bientôt pour des raisons légales, dit-il.

L’ingénieur fait notamment référence au projet de loi 41 sur la performance environnementale des bâtiments qui a été adopté par le gouvernement du Québec en mars 2024 et dont le règlement est attendu dans la prochaine année.

« Il y aura des obligations de performance pour les bâtiments, donc ceux qui seront sous performants et qui n’atteindront pas leur cible verront leur valeur en être affectée. Pour les propriétaires de ces bâtiments-là, cela représente des enjeux financiers importants, explique-t-il. C’est important d’intégrer tous ces enjeux-là dans la prise de décision et l’analyse financière. »