Devant l’échec de financement, optez pour le microcrédit
Jean-François Venne|Édition de janvier 2023Le réseau MicroEntreprendre réunit 20 organisations. Depuis 22 ans, elles ont accordé 4 373 prêts pour un total de 23 millions de dollars à plus de 33 000 entrepreneurs. (Photo: 123RF)
FINANCEMENT. Les entrepreneurs exclus des services financiers traditionnels peuvent se tourner vers le microcrédit pour démarrer leur projet. Plus de 33 000 entrepreneurs québécois l’ont fait au cours des 20 dernières années.
Karina Minner et son conjoint John-Kevin Morin travaillaient ensemble dans une firme de transport lorsqu’ils ont eu l’idée de lancer leur propre entreprise de mécanique mobile pour véhicule lourd. À l’époque, ni l’un ni l’autre ne disposait de fonds ou d’actifs à mettre en garantie. Les banques refusaient de leur prêter de l’argent.
C’est lors d’une foire de l’entrepreneuriat qu’ils rencontrent Danielle Roy, qui travaille au Fonds communautaire d’accès au microcrédit (aujourd’hui MicroEntreprendre Basses-Laurentides). « Elle a pris le temps de nous écouter, a cru en nous et nous a offert un soutien très important dans nos démarches ».
MicroEntreprendre leur a prêté 5000 dollars. Cela leur a permis d’obtenir d’autres financements d’un fonds pour jeunes entrepreneurs et de la BDC. « Nous avons fondé JKM Mécanique mobile en 2012 et nous sommes passés en trois ans d’une à trois unités mobiles », souligne Karina Minner.
Aujourd’hui, l’entreprise affiche un chiffre d’affaires de 4 millions de dollars, emploie 25 personnes et est en mode croissance par acquisition. Les deux entrepreneurs ont aussi créé une société de location de remorques. Karine Minner trouve tout de même le temps de siéger au conseil d’administration de MicroEntreprendre Basses-Laurentides. « Sans eux, rien de tout cela n’aurait été possible », reconnaît-elle.
Une voie vers l’autonomie financière
« Le microcrédit s’inscrit dans le courant plus large de la microfinance, qui propose des services financiers aux populations exclues du système bancaire traditionnel », explique Jean-Pierre Gueyie, professeur de finances à l’Université du Québec à Montréal. Le microcrédit en reste la manifestation la plus connue.
La formule est relativement simple : un organisme attribue des prêts de faibles montants à des demandeurs qui ne disposent pas des garanties habituellement exigées par les prêteurs. Au Québec, le maximum offert est de 20 000 dollars.
Cette approche génère des retombées très positives, selon le professeur. « Ces prêts permettent à des gens d’intégrer les circuits financiers et d’atteindre leur autonomie, souligne-t-il. Ils constituent un moyen de promotion de l’entrepreneuriat, en particulier féminin. »
Un « investissement d’impact »
Le réseau MicroEntreprendre réunit 20 organisations. Depuis 22 ans, elles ont accordé 4 373 prêts pour un total de 23 millions de dollars à plus de 33 000 entrepreneurs. Cela a créé et maintenu 13 914 emplois. Ces organismes ont surtout fourni près de 700 000 heures d’accompagnement et de formation.
« Nous aidons les gens que nous finançons à développer leurs compétences entrepreneuriales, afin qu’ils puissent réussir leur projet », affirme Mona Beaulieu, directrice générale de MicroEntreprendre Basses-Laurentides. Quant à l’argent lui-même, il peut servir comme fonds de roulement, ou encore à acheter de l’équipement, faire de la publicité, créer un site Web, etc. Un prêt de microcrédit peut aussi devenir un levier pour aller chercher un financement d’une autre source.
Les dossiers sont évalués en fonction de leur viabilité. Les organismes aident donc les demandeurs à rédiger un plan d’affaires réaliste, avant que celui-ci ne soit présenté devant un comité chargé d’accorder ou refuser le prêt. L’argent prêté vient de la communauté. « Ce sont des fondations, des syndicats ou des entreprises qui effectuent un investissement d’impact afin de combattre la pauvreté et l’exclusion sociale », indique la directrice générale.
Des prêts d’honneur
Le microcrédit ne doit pas être confondu avec un don. « Le taux d’intérêt peut aller jusqu’à 8,5 %, explique la directrice générale de Microcrédit Montréal, Indu Krishnamurthy. Cela sert notamment à rembourser nos investisseurs et à créer un fonds de réserve que nous utilisons lorsqu’un emprunteur n’arrive pas à nous rembourser. »
Le taux de remboursement moyen du réseau s’élevait à 79 % en 2021-2022. « Ce sont des prêts d’honneur, donc nous devons d’abord établir une relation de confiance avec les demandeurs, poursuit la directrice générale. Nous visons des gens qui présentent des projets viables, mais surtout qui se montrent ouverts aux conseils et à la possibilité de modifier des aspects de leur projet. »
Microcrédit Montréal prête aussi aux professionnels immigrants qui doivent suivre des cours ou passer des examens pour obtenir le droit de travailler au Québec. L’organisme possède également un volet d’aide et de formations spécifiquement destiné aux femmes entrepreneures. Les femmes représentaient d’ailleurs 70 % des personnes accompagnées par l’organisme en 2021-2022.
« Je crois beaucoup au microcrédit, dans lequel je travaille depuis plus de 20 ans, parce que je vois les impacts de cette démocratisation du capital sur les gens et sur la communauté », confie Mona Beaulieu, de MicroEntreprendre Basses-Laurentides.