EVA Énergie a besoin de 5 millions de dollars pour créer à Rimouski la première usine pilote du Canada pour la récupération, le traitement et la réhabilitation des petites batteries lithium-ion, qui créerait 200 emplois. (Photo: 123RF)
FOCUS RÉGIONAL. Les écocentres et centres de rebuts reçoivent de plus en plus de petites batteries lithium-ion, issues d’outils électriques ou d’ordinateurs. La jeune entreprise EVA Énergie, fondée à Rimouski en juin 2022, a mis au point une solution pour leur donner une deuxième vie en remettant en état plus de 70 % de leurs cellules.
« Dans certains pays, comme l’Inde, par exemple, les cellules de batterie lithium-ion sont recyclées depuis longtemps, mais aucun chiffre n’était disponible, explique Igor Simonnet, président et principal investisseur d’EVA Énergie. Je tenais à réaliser la première étude sur le taux de récupération de ces cellules, plus particulièrement celles des batteries d’ordinateurs portables et d’outils électriques. » En s’associant à Jean-Louis Chaumel, fondateur de RikiFest, également originaire de Rimouski, le dirigeant associe son expérience entrepreneuriale dans le développement informatique avec celle de ce spécialiste de l’énergie solaire, éolienne et hybride et du stockage d’énergie.
D’excellents résultats avec un bon pré-tri
La jeune pousse commence par recruter un technicien en batteries pour effectuer des tests afin de déterminer le nombre de cellules encore « bonnes » dans les blocs de batterie lithium-ion. La technologie innovante mise au point par l’entreprise permet d’une part de les désassembler et, d’autre part, d’évaluer les cellules qui les composent. L’objectif ? Cibler celles qui offrent encore un excellent rendement, puis les remettre en état.
Une entente, signée en 2021 avec l’agence qui a le monopole sur la récupération de toutes les batteries lithium-ion au Canada, Appel à Recycler, permet à EVA Énergie de traiter des centaines d’entre elles et de démarrer un laboratoire industriel à Rimouski. « Nous avons découvert que le taux de récupération des cellules dépend énormément du pré-tri, souligne Igor Simonnet. Lorsqu’il est bien effectué, nous pouvons obtenir des taux supérieurs à 70 %, ce qui est énorme ! »
Les cellules récupérées sont alors réassemblées et peuvent servir à d’autres applications, par exemple des batteries de stockage d’énergie qui sont de plus en plus utilisées pour les panneaux solaires.
Dotée d’un laboratoire pilote, l’entreprise vend déjà des batteries lithium-ion qui utilisent des cellules en réemploi à plusieurs clients. Parmi elles, Audace Technologies, une entreprise qui fabrique des systèmes d’énergie solaire et éolienne, s’en sert pour le stockage d’énergie. RikiFest, un OSBL d’événementiel et de diffusion culturelle fondé par Jean-Louis Chaumel, utilise pour sa part les batteries lithium d’EVA Énergie pour sonoriser sans aucune génératrice ou alimentation électrique externe la scène mobile Festibus, un autobus « dansant » qui parcourt les quartiers et villages.
Financer la croissance
La jeune pousse est souvent sollicitée pour réparer et réusiner des batteries d’outils, de vélos et de trottinettes électriques. Le succès de ces dernières engendre des besoins croissants en matière de production de nouvelles batteries lithium-ion et de gestion de celles qui sont usagées. « Nous avons les compétences pour le faire, mais nous avons besoin du soutien d’investisseurs ou du gouvernement », explique Jean-Louis Chaumel, pour qui les volumes, modestes pour l’instant, sont appelés à croître.
« La production de rebut de lithium-ion représente 85 tonnes par année au Québec et 135 tonnes en Ontario. Mais il y a une tendance à l’électrification pour de nombreux appareils, comme les tondeuses à gazon qui doivent d’ailleurs passer à l’électrique en Californie dès 2024 », pointe Igor Simonnet.
EVA Énergie a besoin de 5 millions de dollars pour créer à Rimouski la première usine pilote du Canada pour la récupération, le traitement et la réhabilitation des petites batteries lithium-ion, qui créerait 200 emplois. Si l’entreprise est « accueillie à bras ouverts par la région », selon Igor Simonnet — elle a déjà suscité l’intérêt de plusieurs municipalités locales qui gèrent des écocentres et a obtenu du bureau du ministère de l’Environnement à Rimouski le permis pour mettre cette usine en activité —, elle n’est pas soutenue financièrement par Recyc-Québec. « Notre initiative, en dehors de ce corridor, dans le Bas-Saint-Laurent, étonne les pouvoirs publics. Or, beaucoup de gens sont prêts à nous aider financièrement à condition que nous ayons un partenaire d’affaires privé aux reins solides, mais les privés sont frileux et attendent un signal de Recyc-Québec », indique Jean-Louis Chaumel.
Le Québec est en retard pour le recyclage des petites batteries comme celles des ordinateurs, des téléphones cellulaires ou des vélos électriques, estime Igor Simonnet. « En France, beaucoup d’entreprises, soutenues par les pouvoirs publics, s’engagent dans ce secteur, comme VoltR, qui a levé plusieurs millions d’euros et vient d’inaugurer sa première usine », observe-t-il. Le recyclage en circuit court, avec une récupération et une valorisation locale de ces matières dangereuses, permet de minimiser leur transport et de favoriser le développement régional, soulignent les deux associés qui évaluent actuellement d’autres applications et clients pour mettre à profit leur savoir-faire.
Cet article a été publié dans l’édition du journal Les Affaires du 8 novembre 2023.