Jeff Beaulieu, vice-président de Drummond Vinyl (Photo: courtoisie)
FOCUS RÉGIONAL CENTRE-DU-QUÉBEC. En 2005, les vinyles semblaient avoir autant d’avenir que les disquettes d’ordinateur aujourd’hui. Cependant, on observe une croissance ininterrompue des ventes depuis 17 ans, aux États-Unis, au Québec, mais aussi en Europe et ailleurs. L’entreprise Drummond Vinyl, fondée l’année dernière, a su flairer la bonne affaire.
Il s’est vendu 900 000 albums vinyles aux États-Unis en 2005. Lorsqu’on se rappelle que les ventes tournaient autour des 300 millions par année dans la décennie 1970, aussi bien dire que cette industrie était cliniquement morte. Cependant l’année 2005 a plutôt marqué le début d’une renaissance aussi inattendue que spectaculaire. En 2022, contre toute attente, il s’en est vendu plus de 41 millions au sud de la frontière.
Jeff Beaulieu, vice-président de Drummond Vinyl, tente une explication. « La culture d’écouter de la musique s’est un peu réinventée par elle-même. Les gens ont compris la valeur de simplement tout arrêter et écouter quelque chose. De plus en plus, les jeunes embarquent dans ça. »
Le retour du vinyle dans la vie des artistes, des producteurs et des mélomanes s’accompagne toutefois d’un problème de taille : peu d’entreprises en produisent. Autrement dit, le marché est incapable de répondre à la demande. Par exemple au Québec, seulement deux entreprises possèdent les équipements nécessaires. La première est située à Québec, la seconde à Montréal.
Quand Drummond Vinyl commencera à presser ses premiers vinyles à la fin de l’été, elle viendra bonifier cette offre et apporter une solution supplémentaire à la pénurie qui nuit à l’industrie. En ce moment, les artistes peuvent attendre presque une année avant de trouver des presses à vinyles disponibles. « Dans le monde de la musique, tout tourne autour d’un lancement d’album. La tournée, les concerts, tout. C’est un lancement de produit. Le vinyle est la pierre angulaire de tout ça, chose que nous n’avions pas vue depuis la fin du CD dans les années 2000. Mais quand un artiste va en studio, termine son album et doit attendre pratiquement un an avant d’enchaîner sur quelque chose, ça n’a pas de sens », se désole Jeff Beaulieu.
Si l’attente est si longue, c’est parce que d’une part, il manque d’entreprises comme Drummond Vinyl, mais aussi parce les artistes les plus connus monopolisent les presses disponibles. Par exemple, Taylor Swift a dépassé le million de vinyles vendus pour son dernier album Midnight, ce qui a ajouté une pression énorme sur les entreprises qui étaient déjà incapables de répondre à la demande du marché.
En comparaison, Drummond Vinyle compte presser environ 485 000 vinyles annuellement à partir de sa troisième année d’existence. D’ici là, sa production sera de 395 000 copies par an. L’entreprise espère ainsi que ses délais d’attente seront de deux à trois mois.
Les commandes affluent
Pour y arriver, l’entreprise a investi plus de 1,3 million de dollars en équipements qu’elle installera dans des locaux loués à la Société de développement économique de Drummondville. Selon le nombre de disques commandés, la couleur et d’autres critères, chaque vinyle qui sortira des presses rapportera entre cinq et dix dollars à l’entreprise.
« Si rien ne change dans l’industrie, les gens vont se tanner du vinyle parce que c’est long et les sorties ne suivent pas tout de suite. En ce sens, l’industrie est en train de se tirer dans le pied, explique Jeff Beaulieu. Ce que nous voulons faire, c’est de contrebalancer pour donner la chance à des artistes plus indépendants », poursuit-il.
Et, sans mauvais jeu de mots, on se presse aux portes de l’entreprise. Des contrats sont déjà signés pour l’automne et les commandes continuent d’affluer. « Plus notre date de début de production approche, plus les différents labels nous relancent. »
L’offre de Drummond Vinyl viendra s’ajouter à celle de l’entreprise que Jeff Beaulieu possède déjà avec d’autres partenaires : Hopeful Tragedy Records, établie dans une ancienne église catholique de Drummondville. La maison de disques enregistre et produit des albums, en plus de s’occuper du design, de la production et de la marchandisation de produits dérivés pour ses clients.
« [Grâce à l’ajout de Drummond Vinyl], les artistes seront servis à 360 degrés. Cela n’existe pas au Canada. Mondialement, on sera pratiquement les seuls à offrir cette culture. On prend l’artiste à ses débuts et on subvient à tous ses besoins », dit fièrement Jeff Beaulieu.
Dans cinq ans, où voit-il Drummond Vinyl dans l’industrie ? « On veut avoir le triple des machines que nous avons déjà et être un des joueurs en importance dans le monde ». Rien de moins.