Eddyfi Technologies a étendu ses activités non seulement dans d’autres champs d’activité, comme l’aéronautique et l’énergie, mais aussi aux quatre coins de la planète. (Photo: courtoisie)
FOCUS CAPITALE-NATIONALE. En 2009, Martin Thériault lançait Eddyfi Technologies avec cinq employés et l’ambition d’en faire rien de moins qu’une multinationale. Dix ans plus tard, ce concepteur d’appareils et de logiciels d’inspection de haute technologie emploie plus de 460 personnes, exporte 95 % de ses produits dans une centaine de pays et compte 8 bureaux à l’étranger. L’entreprise, dont les revenus devraient atteindre les 100 millions de dollars d’ici la fin de l’année, vient même de se classer pour la quatrième fois consécutive dans le palmarès nord-américain Technology Fast 500 de Deloitte.
« J’en rêvais, mais c’est au-delà de mes espérances », avoue le président et chef de la direction d’Eddyfi, qui est détenteur d’un baccalauréat en génie mécanique de l’Université McGill et d’une maîtrise en administration des affaires de l’Université Duke.
Martin Thériault travaillait auparavant chez Zetec, une entreprise américaine également spécialisée dans la production d’équipements d’inspection non destructifs, où il a notamment occupé le poste de directeur général du bureau canadien. En 2009, la crise le force à réduire les dépenses en mettant à pied 40 % des effectifs québécois et en abandonnant certaines activités. Il décide lui aussi de quitter, non sans avoir racheté au passage une technologie d’inspection jugée prometteuse par des clients, mais qui s’avérait déficitaire pour Zetec qui ne souhaitait donc plus la développer davantage.
Des produits et clients de prestige
Aujourd’hui, l’entreprise rivalise avec le géant japonais Olympus, d’ailleurs installé à un jet de pierre du nouveau siège social d’Eddyfi à Québec, et la multinationale américaine General Electric. Et compte des clients prestigieux comme les grandes sociétés pétrolières, Siemens, les motoristes Rolls Royce et Pratt & Whitney, les avionneurs Airbus et Boeing, le producteur d’énergie Électricité de France (EDF) ou encore la NASA et SpaceX.
« On a réussi à se positionner en offrant des produits avec une signature haut de gamme, avec des produits d’une grande avancée technologique et plus chers. Pour les autres plus grands joueurs, ça demanderait trop de recherche et développement et de produits sur mesure, tandis que les plus petits concurrents n’ont pas la technologie », explique M. Thériault. L’entreprise consacre d’ailleurs un pourcentage très élevé (18 %) de ses revenus en R-D. « C’est énorme, mais ça nourrit un pipeline d’idées et de produits exceptionnels qui nous permettent justement de nous démarquer et de connaître une telle croissance », fait-il valoir.
Les équipements d’essais non destructifs développés par Eddyfi sont comparables à des examens comme les rayons X ou l’échographie utilisés en imagerie médicale. Elles permettent de détecter les défauts (fissures, corrosion) d’un équipement industriel qui sont invisibles à l’œil nu ou difficiles d’accès, sans les endommager, et ainsi prévenir des bris éventuels. Même si le prix de ces équipements est élevé, entre 25 000 et 150 000 $ US, « le coût d’inspection est minime comparativement au coût d’une catastrophe », fait valoir M. Thériault.
Croissance par acquisition
L’entreprise a d’abord fait sa marque dans les industries du nucléaire puis de la pétrochimie, au Canada et aux États-Unis. Elle a rapidement étendu ses activités non seulement dans d’autres champs d’activité, comme l’aéronautique et l’énergie, mais aussi aux quatre coins de la planète.
Depuis 2016, afin de poursuivre sa croissance et son déploiement, elle a réalisé six acquisitions. « On a acheté des compagnies qui avaient des technologies et équipements complémentaires, ce qui nous a donné accès à de nouveaux secteurs d’activité et marchés géographiques », indique M. Thériault.
En février dernier, elle a acheté le fabricant de systèmes de caméras et de véhicules robotisés Inuktun, établie depuis 30 ans en Colombie-Britannique. « Nous allons pouvoir intégrer nos technologies dans leurs systèmes robotisés et leur donner une valeur ajoutée. On pourra encore mieux desservir nos clients, surtout dans les secteurs du nucléaire et de la pétrochimie », se réjouit M. Thériault.
Eddyfi avait l’an dernier acquis M2M, une société française spécialisée dans le domaine de l’instrumentation en ultrasons dont les clients œuvrent dans les secteurs industriels de la pétrochimie, de l’aéronautique et de la production d’électricité. De plus, M2M exploitait un bureau en Chine qui permettra donc à Eddyfi d’accroître sa présence dans ce pays.
En 2017, l’entreprise avait déjà renforcé sa présence en Europe en acquérant deux entreprises au Royaume-Uni. L’une d’elles, la compagnie TSC Inspection Systems, a notamment développé une technologie en collaboration avec les sociétés pétrolières BP, Conoco et Shell qui souhaitaient améliorer la fiabilité des inspections sous-marines de leur plate-forme de forage en mer.
Ces acquisitions ont été facilitées par le soutien financier de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui, en mars 2017, est devenue un actionnaire minoritaire de Eddyfi.
L’entreprise vient par ailleurs d’aménager dans un nouveau complexe de 14 M$ d’une superficie de 5 000 m2. Avec ce nouvel édifice certifié LEED, qui compte une salle d’entraînement, des espaces de travail collaboratif et même un terrain de volleyball de plage à l’extérieur, Eddyfi espère aussi que l’environnement de travail soit assez stimulant pour solutionner le problème de recrutement de main-d’œuvre.
« L’enjeu du recrutement de la main-d’œuvre est plus que réel. Il y a une vraie guerre pour le talent », note M. Thériault qui a même engagé un traiteur pour offrir le lunch à ses employés.