Jusqu'à maintenant, plusieurs dizaines de milliers de visières Optimoule ont trouvé preneur. (Photo: Optimoule)
FOCUS RÉGIONAL: CHAUDIÈRE-APPALACHES. Le plastique est une arme de choix dans la guerre contre le nouveau coronavirus. Optimoule, de Thetford Mines, en sait quelque chose : dès le début de la crise sanitaire, la PME s’est lancée dans la conception de visières de protection contre les éclaboussures.
Moins d’un mois plus tard, elle livrait les premiers échantillons de la HERO. Un tour de force pour cette entreprise spécialisée dans les moules à injection depuis plus de 30 ans. «Concevoir un moule n’est pas une mince tâche. Normalement, il nous faut entre huit et douze semaines pour y arriver», indique Catherine Blanchet, ingénieure et responsable du développement des affaires chez Optimoule.
Malgré l’urgence de la situation — la pénurie d’équipement médical était sur toutes les lèvres au Québec au début d’avril —, Optimoule n’a pas tourné les coins ronds. Sa visière, une monture en polypropylène, un écran de protection en acétate et un système d’attache élastique ajustable, est lavable, recyclable et réutilisable. Légère, la HERO a aussi l’avantage d’être parmi les moins chères sur le marché à l’heure actuelle. «Dès le départ, nous voulions offrir un produit québécois avec une véritable valeur ajoutée. Le confort était aussi une priorité ; porter une visière pendant plusieurs heures d’affilée peut rapidement devenir inconfortable», explique-t-elle.
Jusqu’à maintenant, plusieurs dizaines de milliers d’entre elles ont trouvé preneur, notamment auprès du Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches et de la Commission scolaire des Appalaches. Plusieurs commerces de détail et entreprises manufacturières de la région s’en sont aussi procurés dans la foulée de leur réouverture, le 11 mai dernier. Pour Optimoule, ces premiers pas dans un marché qui lui était jusqu’alors inconnu représentent une formidable occasion d’affaires, alors que le discours sur la démondialisation de l’économie est plus actuel que jamais. «Notre objectif est de poursuivre la production de la visière au-delà de la pandémie», affirme d’ailleurs Serge Fraser, président d’Optimoule.
Plus pertinent que jamais
Optimoule n’est pas la seule entreprise de l’industrie de la plasturgie de Chaudière-Appalaches qui a armé la ligne de front au cours de la crise sanitaire. À Saint-Damien- de-Buckland, la «capitale québécoise du plastique», Plastiques Moore et sa division médicale Moore MedTech travaillent par exemple à la fabrication de composants en plastique par injection, comme des plaques microfluidiques pour diagnostic à usage unique. «Les plastiques ont eu moins bonne presse dans les dernières années pour des raisons environnementales. Pourtant, la COVID-19, avec ses enjeux en matière d’hygiène, démontre plus que jamais leur utilité», souligne Simon Chrétien, directeur général d’Alliance Polymères Québec, qui regroupe les quelque 600 entreprises du secteur dans la province, dont près de 70 dans la région.
Bien qu’elle figure au troisième rang des régions québécoises productrices de plastiques, de matériaux composites et de moules après Montréal et la Montérégie, Chaudière- Appalaches est la seule à s’être structurée en créneau d’excellence ACCORD, reconnu par le ministère de l’Économie et de l’Innovation. La plasturgie constitue le gagne-pain de 4 500 personnes, ce qui représente 11 % de l’ensemble des emplois manufacturiers de la région. En tout, les entreprises régionales qui évoluent dans le domaine de la transformation des plastiques, de la mise en forme des matériaux composites et de la fabrication de moules génèrent un chiffre d’affaires de près de 1 milliard de dollars, dont une proportion importante provient des marchés à l’exportation.
Simon Chrétien pense lui aussi que l’après-crise de la COVID-19 sera parsemée d’occasions à saisir pour l’industrie de la plasturgie de Chaudière-Appalaches. «L’innovation est dans l’ADN de plusieurs entreprises de la région. Je pense entre autres à Elfe Plastik et à Équipements REL, qui développent une résine à base de soya qui a l’avantage d’être à la fois écoresponsable et abordable», illustre-t-il. Le secteur devra néanmoins relever plusieurs défis afin de tirer son épingle du jeu, dont celui de l’accès à une main-d’oeuvre qualifiée, qui se faisait tout particulièrement rare avant la pandémie – Chaudière- Appalaches revendiquait alors l’un des plus bas taux de chômage du Canada. «Nos produits sont assez complexes, ce qui permet de nous démarquer des marchés étrangers. En revanche, cela rend l’automatisation des processus plus laborieuse», dit-il.