Robotiq constate une forte reprise de la demande pour ses solutions en Asie, notamment en Chine, à la suite de la levée des mesures de confinement. (Photo: Robotiq)
FOCUS RÉGIONAL: CHAUDIÈRE-APPALACHES. Robotiq vend de la productivité. L’entreprise lévisienne de 130 employés conçoit et fabrique des composants pour robots collaboratifs, ou «cobots». Ses produits, des mains robotisées électriques flexibles, des capteurs d’effort et des logiciels de suivi de rendement d’opération robotiques en temps réel, ont comme particularité de s’intégrer facilement à des lignes de production déjà en place. L’entreprise affirme d’ailleurs qu’elle «libère les mains humaines des tâches répétitives». Pour ses clients, des fabricants, son déploiement se traduit en un rendement de l’investissement assez rapide.
Paradoxalement, ce fleuron de la robotique québécoise est méconnu au Québec et au Canada. La société achemine 95 % de sa production à l’extérieur du Canada, par l’entremise de son réseau de quelque 300 distributeurs disséminés partout sur la planète. Les États-Unis et l’Europe représentent à eux seuls plus de 70 % des ventes de l’entreprise, suivis par l’Asie, qui génère environ une vente sur cinq. «Le secteur manufacturier du Canada est pourtant peu automatisé. Les entreprises du pays ont longtemps misé sur la faiblesse du huard, un avantage compétitif qui s’est traduit en un retard considérable à ce chapitre», déplore Samuel Bouchard, PDG et cofondateur de Robotiq.
Virage 4.0
Les manufacturiers québécois tardent à prendre le virage de l’industrie 4.0. Malgré les milliards de dollars injectés par l’État — majoritairement sous forme de crédits d’impôt —, peu d’entre eux ont investi dans l’automatisation intelligente et dans l’intégration de nouvelles technologies à leur chaîne de valeur, de nécessaires prémisses à la «révolution du 4.0». «Le tissu manufacturier du Québec est en grande partie composé de PME qui sont bonnes pour innover, mais pas nécessairement pour produire de manière innovante, analyse Clément Gosselin, professeur à l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en robotique et mécatronique. Avec le vieillissement de la main-d’oeuvre et le choc démographique qui y est associé, cette stratégie ne pourra pas fonctionner indéfiniment.»
Au début des années 2000, Clément Gosselin a vu passer Samuel Bouchard et ses partenaires d’affaires Vincent Duchaine et Jean-Philippe Jobin, alors tous étudiants à la maîtrise ou au doctorat, dans son laboratoire. De fait, Robotiq a démarré à partir de technologies développées initialement par son équipe de recherche. «Les gens de l’équipe ont bien saisi les réalités et les besoins de leur clientèle, ce qui est un exploit à la fois technique et commercial. La clé de leur succès aura notamment été de comprendre l’importance d’un intermédiaire pour intégrer leurs produits de robotique de pointe aux systèmes préexistants», explique le chercheur.
De manière surprenante, la crise sanitaire de la COVID-19 aura peut-être pour effet de stimuler la prise du virage 4.0. Du jour au lendemain, de nombreuses entreprises manufacturières québécoises et canadiennes se sont vues propulsées à l’avant-plan de la lutte du nouveau coronavirus.
Plusieurs ont néanmoins dû réaliser un tour de force dans un contexte d’effectifs réduits, occasionné entre autres par la distanciation physique et la réorganisation de quarts de travail qui y est associée. «Ça représente environ de 10 % à 20 % des entreprises manufacturières. La pandémie leur aura ouvert les yeux sur l’importance de l’automatisation», dit Samuel Bouchard.
Robotiq constate par ailleurs une forte reprise de la demande pour ses solutions en Asie, notamment en Chine, à la suite de la levée des mesures de confinement. Le retour à la «normale» dans ce marché est prometteur pour les mois à venir. «Le léger ralentissement dont nous avons été victimes sera bientôt de l’histoire ancienne», pense l’homme d’affaires, qui prévoit que ce scénario se répétera ailleurs sur la planète.