Un nouveau système domotique vise à offrir une meilleure qualité de vie aux aînés de la municipalité. (Photo: courtoisie)
FOCUS RÉGIONAL: LANAUDIÈRE. Saint-Charles-Borromée est la capitale québécoise de la tête blanche. Cela vient avec son lot de défis, mais aussi d’occasions d’innovations.
Selon l’Institut de la statistique du Québec, elle est la municipalité québécoise de 5000 habitants et plus comptant la plus forte proportion de personnes âgées de plus de 65 ans. En 2016, on en recensait 4470 sur le territoire, soit 2105 de plus qu’en 2006. En fait, le tiers (33,6 %) des Charlois sont des citoyens du troisième âge, ce qui force notamment la municipalité lanaudoise à adapter ses services. Ainsi, les trottoirs y sont plus larges et la durée de passage des traverses pour piétons aux feux de circulation a été allongée.
Si Saint-Charles-Borromée compte autant de retraités, cela tient en partie aux Habitations Bordeleau, d’un promoteur immobilier qui y multiplie les résidences pour aînés dans les dernières années. Son sixième et plus récent projet, en cours de construction, sera d’ailleurs la première résidence intelligente et évolutive pour personnes âgées de la province. Date de livraison prévue du 125, rue Roméo-Gaudreault : fin 2021.
Des assistants chez eux
Une solution technologique de domotique, dans la lignée de l’Internet des objets, fabriquée par la jeune pousse montréalaise Evey, est au coeur de cette innovation. «Chacun de nos 203 logements sera équipé d’un assistant personnel semblable à un Google Home. Le module se présente sous la forme d’un écran tactile gros comme un téléphone intelligent», explique Sébastien Buisson, directeur général adjoint de Les Habitations Bordeleau. Le tout est connecté au Wi-Fi et fonctionne à l’électricité.
Et ça va beaucoup plus loin. «Cette technologie est dotée d’une intelligence artificielle qui « apprend » les habitudes de vie des résidents dans le but de leur fournir une meilleure qualité de soins et un environnement plus sécuritaire. Elle a la capacité de lancer une alerte lorsque survient une période d’inactivité prolongée ou en cas d’anomalie, lors d’une chute, par exemple», illustre-t-il.
La technologie d’Evey a préalablement été éprouvée dans quatre appartements existants du promoteur. Celui-ci est tombé sous le charme de la solution à l’issue de ce projet pilote. «Elle permet de réaliser des économies énergétiques qui, à elles seules, paient le surcoût de son installation, soutient Sébastien Buisson. En outre, l’assistant intelligent allège la charge de travail de notre personnel, un avantage considérable en contexte de pénurie de main-d’oeuvre.»
Pour Evey, la réalisation de ce premier contrat d’envergure est l’aboutissement de cinq années de développement soutenu. «Notre équipe voit enfin le fruit de son travail récompensé. [Cette collaboration] lui permettra de mettre sa technologie au profit du bien-être des aînés vivant en ressources d’hébergement», a fait valoir Keaven Martin, président de la jeune pousse, au Journal de Joliette.
Un intermédiaire
Cette alliance improbable entre Evey et Les Habitations Bordeleau a été rendue possible grâce à un nouvel acteur dans Lanaudière, le Living Lab Lanaudière (LLL). Depuis un peu plus d’un an, cette initiative de la Corporation de développement économique de la MRC de Joliette stimule l’économie de la région par l’entremise de maillages entre des entreprises qui vivent des problèmes et des jeunes pousses qui disposent de solutions technologiques pour y répondre.
Ce faisant, les premières se démarquent de la concurrence tandis que les secondes profitent d’une vitrine technologique inédite. Bref, tout le monde y gagne. «Notre approche en est une de cocréation, sur fond de nécessaire virage technologique des entreprises de Lanaudière», précise Noémie Blanchette-Forget, coordonnatrice du LLL. Les secteurs manufacturiers, agricoles et de la santé sont tout particulièrement ciblés.
Jusqu’à maintenant, trois maillages ont été réalisés par le LLL, incluant celui entre Evey et Les Habitations Bordeleau ; l’objectif est fixé à une quinzaine par année. Si le passé est garant de l’avenir, la formule devrait connaître un beau succès, pense Robert Bibeau, maire de Saint-Charles-Borromée. «La nouvelle résidence des Habitations Bordeleau inspirera d’autres entreprises à innover, notamment au sein de sa concurrence», prévoit-il.
La municipalité, l’une des huit qui constituent la MRC de Joliette, récolte déjà les fruits de cette initiative. Les Habitations Bordeleau souhaitent en effet abriter le premier centre de recherche en gérontechnologie au Canada – et le premier francophone au monde – sous le toit de sa nouvelle résidence. Bien qu’à un stade préliminaire, le projet trouve un écho favorable auprès de Québec. «Le ministère de l’Économie et de l’Innovation a notamment investi quelques dizaines de milliers de dollars dans la réalisation d’une étude de faisabilité, souligne Sébastien Buisson. Cela cadre parfaitement avec la vision des pôles régionaux d’innovation de l’actuel gouvernement.»