Un projet prometteur qui pourrait avoir meilleure mine?
Maxime Bilodeau|Édition de la mi‑septembre 2020(Photo: 123RF)
FOCUS RÉGIONAL: LANAUDIÈRE. En 2006, une tuile majeure tombe sur la tête de la petite collectivité de Saint-Michel-des-Saints. Louisiana Pacific Canada cesse sa production de panneaux à copeaux orientés, justifiant sa décision par la force du dollar canadien et les coûts élevés du bois et du transport, entre autres.
Puis, en 2007, c’est le coup de grâce : l’entreprise forestière, véritable locomotive de l’économie régionale, met définitivement la clé sous la porte de son usine et de sa scierie. Ses 322 employés se retrouvent à la rue sans gagne-pain. Dans la foulée, Saint-Michel-des-Saints assiste à un véritable exode. La valeur des maisons y chute de 40 %.
Aujourd’hui, ces mauvais souvenirs sont derrière les Saint-Michellois. La découverte d’un important gisement de graphite au sud-ouest de la municipalité, en 2015, par Nouveau Monde Graphite (NMG), est venue changer la donne. L’entreprise québécoise a tôt fait, dans la foulée, d’annoncer son intention d’y implanter une mine à ciel ouvert 100 % électrique, donc carboneutre. D’une superficie d’environ trois kilomètres carrés, celle-ci serait située à environ 5 km au sud-ouest du noyau villageois.
D’abord estimé à un potentiel annuel de 52 000 tonnes de concentré de graphite, le projet a doublé à 100 000 tonnes par an en 2018, à la suite de l’étude de faisabilité. «Il y a de la ressource pour une exploitation d’au moins 25 ans. Mais je ne serais pas surpris que le potentiel soit encore plus considérable», affirme Éric Desaulniers, président et chef de la direction de NMG.
Cet enthousiasme pour le graphite s’explique par la croissance mondiale soutenue du marché des batteries lithium-ion, surtout dans le secteur de l’automobile. Le minerai noir friable est une composante phare des piles qui alimentent les véhicules électriques, dont l’adoption s’inscrit dans une logique de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Engouement
C’est ce qui explique pourquoi le gouvernement provincial, par l’entremise d’Investissement Québec, a investi dans le projet. Après la firme londonienne Pallinghurst, l’État québécois en serait le deuxième principal actionnaire. «Nous nous insérons dans la chaîne d’approvisionnement du véhicule électrique 100 % québécois, de l’extraction des minéraux à la fabrication de voitures, que le gouvernement souhaite mettre en place», souligne Éric Désaulniers.
Pour la municipalité de Saint-Michel-des-Saints, ce projet est synonyme de retombées économiques appréciables, notamment sous la forme de généreuses redevances «plancher». NMG évalue qu’environ 160 emplois directs seront créés lorsque sa mine sera mise en exploitation, quelque part en 2022. En outre, de 250 à 400 personnes mettront l’épaule à la roue lors des diverses étapes de sa construction, dont la première pelletée de terre est espérée cet automne.
«Ce projet minier participe à la nécessaire diversification de l’économie locale, mais aussi régionale. Grâce à lui, de nouvelles familles vont s’installer sur le territoire, toute la collectivité va en profiter», se réjouit son maire, Réjean Gouin.
Quelques bémols
Or, encore faut-il que le promoteur obtienne le feu vert, sous la forme d’un certificat d’autorisation octroyé par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Ce qui n’est pas forcément acquis, si l’on se fie au rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sur le projet de NMG, déposé en juin dernier. Le BAPE y soulève que «la conciliation des usages du territoire et l’acceptabilité sociale du projet» sont problématiques.
L’organisme recommande que huit études supplémentaires soient remises afin de guider sa décision. Parmi celles-ci, une évaluation des impacts environnementaux supplémentaires occasionnés par l’usage de véhicules miniers fonctionnant au diesel plutôt qu’à l’électricité, comme le projetait NMG dans son étude de faisabilité.
«Un tel équipement n’existe tout simplement pas à l’heure actuelle. Parler d’exploitation carboneutre comme le fait NMG est mensonger», estime May Dagher, membre du comité administratif de la Coalition des opposants à un projet minier en Haute-Matawinie (COPH).
Ce groupe remet aussi en cause la validité des sondages réalisés auprès de résidents du secteur en 2018 et en 2019, qui concluaient tous deux que plus de 80 % des répondants voient positivement le projet de NMG. «Dans son rapport, le BAPE souligne que les sondages sous-estiment les villégiateurs ; l’échantillon comportait 5 % de villégiateurs, alors qu’ils constituent environ 50 % de la population», relève May Dagher.
La COPH s’inquiète de la menace que le projet minier fait peser sur les milieux naturels, notamment le lac Taureau, un plan d’eau prisé autant par les Québécois que par les visiteurs de l’extérieur de la province. Le récréotourisme représenterait, selon la Coalition, des retombées annuelles de plus de 15 millions de dollars, en plus de générer 300 emplois directs, soit près du double de ceux créés par NMG lors de l’exploitation de sa mine à ciel ouvert.