Automatisation industrielle: essor organique pour secteur 4.0
Claudine Hébert|Édition de la mi‑septembre 2020La demande d'employés en automatisation a entraîné la création de formations spécialisées dans la région. (Photo: courtoisie)
FOCUS RÉGIONAL: LAURENTIDES. Lorsque Donald Turcotte et son partenaire d’affaires Marc Lussier ont décidé de louer un petit local, rue Nobel, à Saint-Jérôme, en 1995, ces deux passionnés de génie mécanique natifs de Prévost étaient loin de se douter que leur entreprise ferait de la ville une plaque tournante de l’automatisation 4.0 dans les Laurentides.
«Tout ce qu’on voulait, c’était de travailler ailleurs qu’à Montréal ou à Laval. On voulait une belle qualité de vie», raconte Donald Turcotte, directeur général de Conception Génik, une PME spécialisée en automatisation et robotisation industrielle.
Vingt-cinq ans plus tard, les équipements manufacturiers sur mesure que l’entreprise produit rayonnent un peu partout en Amérique du Nord et en Europe. «Ce sont particulièrement les fabricants de pièces automobiles situés aux États-Unis qui raffolent de notre expertise facilitant l’introduction de l’automatisation 4.0 en entreprise», soutient le dirigeant. Depuis 2016, ce marché a explosé ; il représente aujourd’hui 50 % des revenus de Conception Génik, indique-t-il.
Revenus auxquels s’ajoute l’importante part de marché (20 %) que rapportent les demandes des fabricants de piles aux ions de lithium. Mine de rien, les revenus de la PME jérômienne devraient dépasser la barre des 25 M $ d’ici 2021.
Effet boule de neige
L’attrait des fabricants pour les lignes de production et les îlots flexibles de contrôle numérique signés Conception Génik a fait bondir le nombre d’employés de 60 à 115 en moins de cinq ans. Et l’entreprise hautement spécialisée continue d’embaucher. Ce besoin constant de main-d’oeuvre qualifiée a d’ailleurs contribué, au fil des ans, à la création d’un riche écosystème de formation en automatisation dans la ville située «à la porte du Nord».
Lyne Boivin, directrice adjointe du Centre d’études professionnelles (CEP) Saint-Jérôme peut en témoigner. Depuis une dizaine d’années, le programme d’électromécanique de système automatisé, qui accueille 22 étudiants par cohorte, figure parmi les formations les plus populaires de l’établissement.
«Il y a un an, nous avons même dû créer une cinquième cohorte, offerte de soir, afin de mieux répondre à la forte demande des entreprises», indique-t-elle. Des entreprises dont fait partie Conception Génik – un des actionnaires, Marc Bergeron, est même président du conseil d’établissement du CEP -, mais aussi Doppelmayr Canada, Compagnie électrique Lion et Soucy Baron. «Sans compter que plusieurs autres entreprises du Grand Montréal, tels DBM Optix, Automatex et Plaisirs gastronomiques, viennent également recruter nos finissants, dont le taux de placement frôle les 85 %», signale Lyne Boivin.
Ce riche bassin de main-d’oeuvre a justement incité ASI Innovation, spécialisée dans l’automatisation de la fabrication des structures de bois d’ingénierie, à déménager son siège social de Chambly à Saint-Jérôme en 2018. Cette entreprise est l’une des rares au pays, sinon la seule, à créer des systèmes de sciage de bois sur mesure destinés à l’assemblage de murs de maison. Elle offre aussi un service d’entretien de systèmes automatisés – les siens comme ceux des concurrents – qui amène ses techniciens à se déplacer d’un océan à l’autre.
«La demande pour les équipements automatisés dans notre secteur est en pleine expansion. Nous avions besoin de nouveaux techniciens pour répondre à notre clientèle établie partout au Canada, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique, explique Jean-François Lachance, un des cinq actionnaires d’ASI Innovation. Faute de pouvoir recruter sur la Rive-Sud, nous avons décidé de nous rapprocher d’un des meilleurs centres de formation professionnelle en automatisation de la province afin d’assurer notre croissance.» Sans compter que le CEP forme également des soudeurs, dont la PME a besoin.
Le déménagement a porté ses fruits : en moins de deux, l’entreprise est passée de 4 à 10 employés. Aujourd’hui, ASI Innovation, qui soufflera ses dix bougies en 2021, en compte 13.
Donald Turcotte tient à préciser que la technique de génie mécanique offerte au cégep de Saint-Jérôme contribue également à enrichir le bassin régional de main-d’oeuvre en automatisation. «Et la rumeur court que le campus universitaire de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) à Saint-Jérôme pourrait bientôt offrir un programme de baccalauréat en génie», souligne-t-il.
Rumeur que confirme Sylvie de Grosbois, vice-rectrice à l’enseignement et à la recherche de l’institution. «L’UQO – campus de Saint-Jérôme désire effectivement offrir un nouveau programme en génie informatique d’ici les trois prochaines années.» Celui-ci, explique-t-elle, sera une continuité des formations existantes en sciences informatiques et mathématiques ainsi qu’en techniques de l’informatique déjà offertes au cégep de Saint-Jérôme et au collège Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse.