(Photo: courtoisie)
FOCUS RÉGIONAL: LAURENTIDES. En raison de la pandémie – et des pertes estimées à plus de 500 millions de dollars (M $) -, la direction d’Aéroports de Montréal (ADM) a décidé de reporter les travaux de 107 M $ dont devait faire l’objet l’Aérocité internationale de Mirabel en 2020. Or, ce délai indéterminé n’inquiète nullement le directeur de Mirabel économique, Gilbert LeBlanc.
«Jamais n’a-t-on vu autant d’activités aériennes qu’au cours des deux dernières années», soutient-il. Gilbert LeBlanc précise que le plus gros avion du monde, l’Antonov 225, s’y est même posé au moins à deux reprises depuis mai, transportant des masques et d’autres marchandises. Depuis le début de la pandémie, l’aéroport a d’ailleurs enregistré une bonne cinquantaine de vols opérés par des transporteurs qui ne font pas partie des utilisateurs réguliers, signale Anne-Sophie Hamel, directrice des affaires corporatives et des relations médias d’ADM. Aux yeux de Gilbert LeBlanc, ce n’est donc qu’une question de temps avant que la direction d’ADM donne le feu vert aux travaux, qui devraient entraîner une augmentation de la capacité du tablier cargo, le développement d’espaces additionnels d’entreposage ainsi que l’aménagement du réseau routier. Une fois réalisé, ce projet permettra à l’Aérocité internationale de Mirabel de répondre aux activités de fret aérien et de chaîne d’approvisionnement, qui ne cessent d’augmenter depuis 2004, année où l’aéroport a changé de vocation.
Bien que 2020 aura été moins occupée que 2019 en matière de vols, ce sont près de 103 000 tonnes de fret qui devraient être manutentionnées d’ici la fin de l’année, soit l’équivalent de l’an dernier, estime Anne-Sophie Hamel.
L’année 2019 s’est effectivement soldée par plus de 29 300 mouvements aériens, soit 120 % de plus qu’en 2016, affirme-t-elle. Cette forte hausse a d’ailleurs motivé NAV CANADA – chargée du contrôle du trafic aérien civil au pays – à rouvrir la tour de contrôle en janvier 2020.
Décollage économique
«Il va de soi que le développement de ce pôle aérologistique représente un projet structurant qui pourra servir à la relance économique du Québec postpandémie», affirme Yan Cimon, professeur titulaire de stratégie à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. Celui qui est membre du Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprise, la logistique et le transport estime que Mirabel «détient des caractéristiques avantageuses pour devenir un pôle aérologistique de premier plan pour le Grand Montréal, mais aussi pour le Québec et l’Est ontarien».
«La Ville de Mirabel pourrait disposer de près de 32 millions de pieds carrés de terrains industriels que le gouvernement canadien serait prêt à lui rétrocéder. Et c’est sans compter les quelque 10 millions de pieds carrés qu’ADM veut développer près des pistes», enchaîne Gilbert LeBlanc. Ces espaces ont l’avantage d’être situés à proximité de grands axes routiers et d’un aéroport qui peut accueillir des aéronefs 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Deux des trois plus grands joueurs logistiques du monde, UPS et DHL Express, sont d’ailleurs déjà présents, note-t-il.
Qui dit terrain à proximité du tarmac de l’aéroport de Mirabel dit toutefois bail emphytéotique avec ADM. Si les grandes entreprises nationales et internationales s’accommodent de cette formule de location à long terme, les PME – et les institutions qui les financent – semblent y voir un frein. «Les PME ont généralement une perception négative à l’égard des baux emphytéotiques», observe Yan Cimon. Pourtant, soutient-il, cette formule peut leur permettre d’investir ailleurs dans l’entreprise et de générer davantage de valeurs.
C’est justement la stratégie qu’a adoptée Stéphane Sarrazin, qui dirige Transit Nord-Plus, une entreprise spécialisée dans le transport et l’entreposage à court terme. En février 2018, cette PME basée à Saint-Jérôme depuis 1997 est venue s’établir sur un terrain de 250 000 pieds carrés près du tarmac de l’aéroport. «En louant le terrain plutôt que d’en être le propriétaire, j’estime avoir économisé 2,5 M $», soulève l’entrepreneur. De l’argent, dit-il, qui a servi à construire son nouvel entrepôt de 25 000 pieds carrés au coût de 3,5 M $.
Cette manoeuvre s’est révélée payante. Transit Nord-Plus compte aujourd’hui 70 employés, soit 30 de plus qu’à son ancienne adresse. «Ce déménagement nous a permis de franchir le cap des 10 M $ de revenus. Aujourd’hui, plus de 50 % de notre chiffre d’affaires provient de l’extérieur du Québec, dont près de 20 % par voie aérienne», mentionne Stéphane Sarrazin.
Transit Nord-Plus ne loue pas que son terrain. L’entièreté de la flotte des 52 camions lourds de l’entreprise repose également sur un modèle locatif. Aux dires de l’entrepreneur, les économies ainsi réalisées vont d’ailleurs servir à l’agrandissement de l’entrepôt qui va doubler, voire peut-être tripler de superficie d’ici le printemps 2021.