Un monteur de la PME SBB qui installe une ligne à haute tension au Brésil. (Photo: courtoisie)
FOCUS RÉGIONAL: LAURENTIDES. Les situations explosives ne font pas peur à SBB, bien au contraire. La PME de Blainville court même après les problèmes, qu’ils soient politiques ou climatiques. Elle s’aventure dans des contrées où peu d’entreprises osent aller, comme en témoigne sa présence en Irak, en Afghanistan et au Yémen pendant les conflits armés, ou encore aux Philippines et en Indonésie après les tempêtes tropicales et tsunamis.
«Nos clients sont généralement situés dans des pays qui vivent des situations à risque», indique Patrick Gharzani, PDG de SBB. C’est que l’entreprise se spécialise dans la conception de tours d’urgence qui permettent de rétablir rapidement le courant sur les lignes électriques endommagées. Soit en quelques heures ou en quelques jours plutôt qu’en plusieurs mois.
C’est le fruit du hasard qui a amené SBB à se lancer dans ce marché spécialisé, qui ne compterait, au dire de M. Gharzani, que deux autres entreprises sur la planète – une américaine et une européenne –, et dont elle serait le leader mondial.
Lors de sa création à Laval en 1973, l’entreprise se spécialisait dans la fabrication de structures en acier pour la construction de bâtiments industriels. En 1989, un consultant québécois l’a mise en contact avec la Comisión Federal de Electricidad (CFE), la société gouvernementale qui produit et distribue de l’électricité au Mexique. Cette dernière souhaitait acquérir d’urgence des tours de transmission temporaires en attendant de rétablir le courant sur des lignes électriques endommagées.
L’étincelle de départ
«Ce contrat a allumé une étincelle, explique M. Gharzani. Si une entreprise comme CFE était intéressée à ce genre de produit, il y avait sûrement d’autres clients avec de tels problèmes, et un potentiel de marché à exploiter.»
SBB se met alors à fabriquer des tours modulaires d’urgence, Elle s’est ainsi retrouvée en Colombie dans les années 1990, alors que les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) combattaient le gouvernement, notamment en faisant exploser des tours électriques. Puis, d’autres pays en situation de conflits armés eu besoin de leurs tours d’urgence, dont l’Irak et l’Afghanistan.
Patrick Gharzani s’est lui-même rendu en Irak en 2013, à la demande expresse du gouvernement local, qui souhaitait sa présence au moment de signer le contrat. Le tout pendant que le groupe État islamique s’affairait à prendre le contrôle de plusieurs villes irakiennes pour y instaurer un califat. «J’ai fait un voyage éclair de 24 heures, se souvient-il. Mais on a insisté pour que la formation terrain qu’on offre aux clients se déroule en Jordanie.»
Ces dernières années, SBB profite aussi de la nature qui se déchaîne. L’intensité accrue des tornades et ouragans l’amène à exporter ses tours d’urgence dans de nouveaux marchés, dont il y a deux ans aux Philippines et l’an dernier en Indonésie.
Au Pérou, l’effondrement de pylônes causé par des débordements de rivière a nécessité une tour d’urgence supportant une ligne de 500 kV. Au Brésil, la mise en place de tours de SBB s’est faite à la suite d’un glissement de terrain.
Et aux Bahamas, récentes victimes de l’ouragan Dorian? «Non, répond M. Gharzani. Dans les petites îles qui ont un réseau à bas voltage, l’électricité est transportée par des poteaux de bois plutôt que par des lignes à haute tension.»
Le marché international représente environ 90% des revenus de l’entreprise blainvilloise, dont les produits sont utilisés dans plus de 50 pays.
Comme des blocs Lego
Les tours modulaires d’urgence de SBB sont de minces colonnes qui peuvent atteindre jusqu’à 120 mètres et qui s’assemblent comme des blocs Lego.
Elles se distinguent par leur légèreté ainsi que leur facilité de transport et d’installation, affirme M. Gharzani. Au Congo, l’installation d’une ligne temporaire a par exemple permis de devancer d’un mois le raccordement d’une cimenterie.
«Chaque segment est très léger. Au Pérou, l’ensemble des tours a pu être transporté en montagne à dos d’âne. En Gaspésie et en Colombie-Britannique, on a pu le faire avec des remorques accrochées à des motoneiges. Dans bien des cas, ça évite l’utilisation d’hélicoptères», précise-t-il.
Grâce à un module installé à son sommet, une tour SBB peut même devenir une grue, ce qui permet de hisser des charges et d’éviter de construire les routes nécessaires au transport d’une grue traditionnelle.
Initialement fabriquées en acier, les tours sont maintenant faites en aluminium. Elles sont livrées et entreposées dans des conteneurs maritimes. «De plus en plus de clients achètent nos tours avant qu’une catastrophe se produise, car ils peuvent les installer plus rapidement. C’est comme une police d’assurance.»
SBB a également adapté son système de tours à d’autres marchés. Il fabrique ainsi des mâts de mesure qui servent à analyser le potentiel éolien de nouveaux sites ou la vitesse du vent sur des sites existants. Depuis 2014, l’entreprise s’est aussi lancée dans la fabrication de toits et planchers en aluminium destiné aux marchés des trains de passagers et des autobus.