Catryn Picard dirige Nationex, une entreprise de transport déployée dans tout le Canada. (Photo: Jérôme Lavallée)
FOCUS RÉGIONAL: MONTÉRÉGIE. Catryn Pinard a un rêve : que chacun des colis qui transitent par son entreprise puisse être suivi à la trace et à la seconde près. C’est ce qu’a révélé la présidente et cheffe de la direction de Nationex, à l’occasion d’une rencontre organisée en février dernier par Les Affaires, à Mont-Saint-Hilaire, en compagnie d’une quarantaine d’entrepreneurs, d’intervenants économiques et d’élus de la région réunis pour discuter de transformation numérique.
«C’est la performance de nos services de livraison de colis qui séduit nos clients. Il faut sans cesse améliorer nos outils logistiques afin de leur donner un maximum d’informations. On veut pouvoir dire au client que son colis arrive dans quelques minutes, qu’il est à deux coins de rue de chez lui, littéralement», a expliqué la dirigeante de l’entreprise de transport dont les 250 chauffeurs sillonnent l’ensemble du Canada.
Grandeurs et misères
Plus simple à dire qu’à faire pour Nationex, qui évolue dans un secteur hautement concurrentiel. «Mon père a réalisé la programmation de plusieurs de nos solutions logicielles il y a près de 30 ans, à une époque où l’intelligence artificielle n’existait pas. Aujourd’hui, j’ai une équipe composée de dix programmeurs à temps plein mobilisée sur ce seul dossier», a indiqué Catryn Pinard. La femme d’affaires admet cependant être contrainte de se tourner vers des ressources externes pour suivre le rythme de cette transformation numérique galopante. «Parfois, on ne sait plus où donner de la tête», a-t-elle cependant admis.
Chez Tremcar, troisième plus important fabricant de remorques-citernes d’Amérique du Nord, le récent virage vers l’industrie 4.0 a permis d’améliorer la productivité de la main-d’oeuvre de 10 % à 20 % en deux ans. Ce n’est pas rien ; cela représenterait l’équivalent de 15 soudeurs qui travaillent à temps plein ! «Comme nos produits sont conçus sur mesure pour chacun de nos clients, on ne peut donc pas automatiser nos lignes de production. Les écrans favorisent un meilleur transfert d’informations et permettent de lutter contre le phénomène du téléphone arabe», a dit Daniel Tremblay, PDG de Tremcar.
La présence de grands écrans tactiles à chaque poste de travail a pour effet d’améliorer la motivation de chaque employé, selon lui. «Chaque fois qu’il peut prendre sa propre décision sans en référer à son supérieur, il se sent valorisé. Il devient le propre acteur de sa performance», a-t-il illustré. Cette innovation s’est cependant butée à une résistance de la part de certains contremaîtres, a-t-il reconnu. «L’ouverture n’est pas toujours là. Certains sont pris dans leur routine et peinent à s’adapter à ce nouvel environnement de travail.»
Enjeux de communication
Une situation qui n’est pas sans rappeler celle qui prévaut chez Demers Braun, meneur dans la conception, la fabrication et la distribution d’ambulances au Canada et aux États-Unis. Comme chez Tremcar, les 900 employés de cet important groupe manufacturier se fient désormais à des écrans plutôt qu’à des feuilles de papier. Normal : ils doivent assembler environ 2 500 composants pour chaque ambulance produite. «Nos travailleurs sont conscients de la nécessité de ces changements dans notre industrie. Désormais, quand on ne fabrique pas un bon produit, dans 95 % des cas, quelqu’un dans l’organisation le sait», a-t-il affirmé. Cette information n’est toutefois pas toujours remontée vers le haut, déplore-t-il.
Catryn Pinard, dont l’entreprise planche à automatiser ses propres installations, a, elle aussi, remarqué ces problèmes de communication. Selon elle, la solution passe par une meilleure éducation des gestionnaires de premier niveau. À Nationex, ceux-ci sont par exemple formés à ce sujet durant six mois, dès leur entrée en poste. «Ils sont la courroie de transmission entre le plancher et la direction. Il faut qu’ils soient à l’aise avec les chiffres et leur signification pour les communiquer efficacement», a-t-elle fait valoir. Daniel Tremblay constate par ailleurs que les attentes diffèrent d’une génération à l’autre. «Les moins de 30 ans communiquent différemment des plus de 50 ans. Il faut que les contremaîtres en tiennent compte.»