Même les petites entreprises doivent prendre le virage numérique
Pierre Théroux|Édition de février 2020Jean-Paul Gagné, éditeur émérite de Les Affaires, Pierre Plangger, PDG de Solacom, et Denis Harrisson, recteur de l'UQO. (Photo: Sébastien Lavallée)
FOCUS RÉGIONAL OUTAOUAIS. Solacom s’y connaît en matière de technologies numériques. L’entreprise de Gatineau a en effet développé des systèmes de communication d’urgence 911 qui sont vendus au Canada, aux États-Unis et en Australie. Mais la venue du 4.0 l’amène à « mieux connaître et intégrer les données collectées afin d’améliorer nos systèmes et nos services en cybersécurité », a souligné son PDG Pierre Plangger, panéliste en compagnie de Denis Harrisson, recteur de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), lors d’une rencontre organisée en décembre dernier par Les Affaires, à Gatineau, afin de discuter de transformation numérique. Une vingtaine d’autres entrepreneurs, intervenants économiques et élus de la région y participaient.
Un trop grand nombre d’entreprises tardent toutefois à prendre le virage numérique, a constaté Bernard Breton, PDG d’Adaptiv Networks, qui classe les entreprises en trois groupes distincts : celles qui ont embrassé la transformation numérique (Uber, Airbnb, Facebook), celles qui sont en réflexion et celles qui sont demeurées dans le déni et ont raté le bateau, comme Sears – qui aurait pu, selon lui, devenir un Amazon.
« Pourtant, dans certains cas, comme dans le secteur du commerce, ce n’est rien de très complexe. Il faut simplement se doter d’un site transactionnel et de mettre son catalogue de produits en ligne », a indiqué M. Breton, dont l’entreprise fournit des réseaux infonuagiques sécurisés pour les communications vocales, vidéo et de données.
Un pas à la fois
« Même les petites entreprises doivent prendre le virage numérique, sinon elles se retrouveront dans les livres d’histoire », a illustré André Durivage, président d’Epsi, dont les outils d’évaluation en ligne pour l’embauche de personnel sont utilisés dans quelque 80 pays. L’entreprise de Gatineau travaille à intégrer des fonctionnalités automatisées et l’intelligence artificielle dans les services de gestion des ressources humaines offerts à ses clients.
Plusieurs dirigeants d’entreprises peinent toutefois à savoir comment s’y prendre et, surtout, à trouver le temps, a noté Anne-Marie Proulx, directrice générale de la Chambre de commerce de Gatineau. « Ils sont pris dans les opérations quotidiennes et à remédier au problème de pénurie de main-d’oeuvre. »
« Il s’agit simplement de commencer en réalisant de petits projets à la mesure de leur capacité », a conseillé M. Plangger. Jean Lepage, directeur général de l’organisme de développement économique ID Gatineau, a fait écho à ses propos : « La transformation numérique peut faire peur. Mais il faut y aller étape par étape. »
« L’enjeu principal est d’arriver à comprendre et d’analyser toutes les données que détiennent les entreprises pour en faire une meilleure utilisation », a estimé Marc Pageau, président d’Oproma, une entreprise de Gatineau qui a développé des logiciels et des services informatiques pour aider ses clients à accroître leur efficacité en matière de gestion de l’information.
De meilleures performances
Au Nordik Spa-Nature, à Chelsea, la transition vers le numérique s’est effectuée en « regroupant les services, notamment le marketing et les technologies de l’information, pour travailler ensemble », a expliqué Sébastien Giroux, directeur du centre d’excellence numérique de l’entreprise.
Georges Émond, PDG et président du conseil d’administration de l’entreprise gatinoise Laiterie de l’Outaouais, a dit encore mal comprendre les notions de transformation numérique. « Par contre, les plus jeunes nous poussent à le faire et nous avons implanté des systèmes pour améliorer le contrôle de la qualité, a-t-il souligné.
La Société de transport de l’Outaouais (STO) a emboîté le pas en investissant grandement en technologie dans la dernière année afin de collecter des données plus précises sur l’achalandage et les habitudes de déplacement, et ce, « dans le but de mieux gérer la flotte d’autobus et d’améliorer le service aux usagers », a expliqué Myriam Nadeau, présidente du conseil d’administration de la STO. La société a également implanté des systèmes de gestion de maintenance par ordinateur de ses quelque 300 autobus.
Le virage numérique a pris, chez Tourisme Outaouais, la forme d’investissements importants en marketing, comme des capsules interactives, la diffusion d’offres promotionnelles ciblées ou l’utilisation des médias sociaux, « pour mieux connaître et attirer les visiteurs dans la région », a souligné sa PDG, France Bélisle.
Le milieu universitaire n’est pas en reste, alors que la transformation numérique « ouvre la voie à de nouveaux domaines de recherche comme la cybersécurité », a indiqué M. Harrisson.
M. Plangger a conclu les discussions en soulignant que la région a tous les atouts pour réussir le virage numérique. « Nous avons une centaine de start-up technologiques, une soixantaine de centres de recherche, la plus forte concentration de doctorants du pays et une population bilingue à 63 % », a-t-il fait valoir. Sans compter que « Gatineau est l’un des trois pôles économiques du Québec », a renchéri M. Lepage.