Le comestible forestier est l’élément distinctif de la Mauricie, un « produit d’appel » à l’image de l’agneau dans Charlevoix ou des fruits de mer en Gaspésie. (Photo: courtoisie)
FOCUS RÉGIONAUX. Des entrepreneurs de la Mauricie unissent leurs forces autour des champignons sauvages pour en faire un produit d’appel. Le but ? Diversifier l’économie de la région, longtemps dominée par l’industrie forestière. Ensemble, ils croient pouvoir développer la filière mycologique qui pourrait également bénéficier à l’ensemble de la province.
Mousse à l’érable, caramel au lactaire à odeur d’érable, crumble de noix de noyer noir, infusion au chaga et aux fruits d’argousier : la création gagnante du concours Myco 2022, organisé par la Filière mycologique de la Mauricie, a de quoi mettre l’eau à la bouche.
Mais ce concours culinaire, où s’affrontent les chefs de Trois-Rivières à ceux de La Tuque en passant par ceux de Shawinigan, ne doit pas cacher la forêt. C’est grâce à la mise en place en 2014 de la Filière mycologique — après études de marché, missions commerciales et autres concertations autour de la mise en valeur des champignons forestiers — qu’il a pu voir le jour. Objectif : positionner la Mauricie comme chef de file de cette industrie au Québec.
Un produit populaire
Le comestible forestier est l’élément distinctif de la Mauricie, un « produit d’appel » à l’image de l’agneau dans Charlevoix ou des fruits de mer en Gaspésie, plaide Mathieu Martin, directeur des communications et du marketing de la microbrasserie Le temps d’une pinte, partenaire de premier plan de la Filière. « La Mauricie a l’avantage d’avoir plusieurs types d’écosystèmes : forêt mixte, forêt boréale, sous-climats, donc une diversité de comestibles forestiers très élevée, poursuit-il. Le concours Myco est aussi un atout parce que l’industrie de la restauration connaît normalement une légère baisse à partir de septembre, mais Myco vient soutenir l’achalandage jusqu’en octobre. »
La cueilleuse Lorraine Hallé, alliée de première heure de la Filière, tente aussi de maximiser la saison touristique par l’entremise de son entreprise, Les champignons du Lac-Édouard.
Formations et tables gastronomiques en forêt, approvisionnement de restaurateurs, transformation et même confection de bijoux : les champignons lui permettent de gagner sa vie toute l’année.
L’entrepreneuse de 66 ans a pu constater l’engouement de la population lorsqu’elle a utilisé la terrasse du Temps d’une pinte pour lancer un marché de champignons frais. « Les gens ont fait la file toute la journée, dit-elle. À Montréal, tu as le marché Jean-Talon et plusieurs endroits où tu peux t’approvisionner en champignons forestiers frais, mais ici, à Trois-Rivières, pas tant. »
Lorraine Hallé a également représenté la Filière mycologique au sein de l’Association écotouristique du Québec (AEQ), ce qui lui a permis de présenter les attraits forestiers de la région à des voyagistes qui proposent des circuits touristiques aux Européens. « Dans mon ancienne vie, je faisais de l’hébergement en tipi et je me suis intéressée aux champignons parce que beaucoup d’Européens venaient ici et ça fait partie de leur culture, explique-t-elle. Je pense qu’on s’en va vers une intégration des champignons dans la culture des Québécois aussi. »
Mettre les partenariats à profit
L’expertise de Lorraine Hallé est déjà sollicitée au-delà de la Mauricie. L’entrepreneuse participera notamment à la deuxième édition du Sommet du mycotourisme, qui se déroulera à Kamouraska en février. « On va faire des actions et élaborer où on s’en va ensemble, les coudes serrés, pour développer la filière », relate-t-elle.
Développer, coopérer, capitaliser sur la force du nombre et des partenariats, c’est exactement ce que l’organisme voué au renforcement du tissu entrepreneurial Groupé Mauricie–Rive-Sud cherche à faire. Selon sa directrice générale, Michèle Landry, la Filière mycologique représente parfaitement cette intention.
« Je dirais que c’est un très bel exemple de ce qu’on est capables de faire en Mauricie, fait valoir Michèle Landry. Ce qui est intéressant, aussi, c’est que Tourisme Mauricie et une série de partenaires ont emboîté le pas. » Selon elle, le secteur alimentaire a besoin d’aller à la rencontre d’entreprises qui sont dans des secteurs d’activité connexes pour échanger, faire du maillage, multiplier les partenariats stratégiques. « Ça renforce la cohérence de l’écosystème régional. »
Longtemps structurée autour de l’industrie forestière, l’économie de la Mauricie voit désormais son développement sous un nouvel angle. C’est d’ailleurs le Syndicat des producteurs de bois de la Mauricie (SPBM), constatant l’essoufflement de l’industrie, qui s’est d’abord intéressé au potentiel des produits forestiers non ligneux. Cette curiosité a jeté les bases de la filière mycologique qui a encore plus d’un tour dans son sac pour continuer à innover autour du roi de la forêt.