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Malté: les deux pieds dans la drêche

Claude Fortin|Édition de la mi‑juin 2022

Malté: les deux pieds dans la drêche

Olivier ­Breault-Tourigny et ­Philippe ­Rioux, cofondateurs de ­Malté, une entreprise qui produit et distribue du shampoing, du revitalisant et du savon conçus à partir de drêche. (Photo: courtoisie)

FOCUS RÉGIONAUX EN BALADO. Prenez deux amis d’enfance en congé forcé pour cause de pandémie, laissez-les réfléchir quelques mois à leur avenir et vous pourriez vous retrouver avec une entreprise comme Malté, déterminée à mettre en valeur les résidus de production des microbrasseries de la province. Depuis novembre dernier, l’entreprise de Brossard, en Montérégie, produit et distribue du shampooing, du revitalisant et des pains de savon fabriqués à partir de drêche. Et la jeune pousse nourrit de grandes ambitions pour la suite.

« On voulait créer une compagnie basée sur l’économie circulaire avec une mission écoresponsable, explique Olivier Breault-Tourigny, cofondateur de Malté, avec son partenaire et ami Philippe Rioux. L’élément déclencheur a été la découverte de la drêche : c’est vraiment là qu’on s’est rendu compte qu’on avait un intrant qui était un gros problème au Québec, et avec lequel pouvait avoir un impact sur l’environnement. »

La production de bière génère des tonnes de résidus organiques. Chaque microbrasserie québécoise générerait en moyenne 500 kilogrammes de drêche par semaine, soutient l’entrepreneur de 27 ans. Elle doit soit l’enfouir — un processus coûteux —, soit trouver une manière de la revaloriser, ce que fait Malté en la transformant en intrant pour produire ses shampooings, revitalisants et autres pains de savon.

« Nous sommes encore très petits. Notre objectif est de croître et d’avoir un impact réel sur l’environnement », reconnaît le diplômé en administration qui voit déjà le gel douche, le savon à main et les crèmes s’ajouter à sa gamme de produits.

Pour y arriver, Malté devra toucher la fibre écologiste des consommateurs dans un segment de marché déjà passablement occupé, croit Emmanuelle Grégoire, conseillère au démarrage d’entreprise et à l’économie sociale à Développement économique de l’agglomération de Longueuil (DEL), qui accompagne l’entreprise. « Malté doit parler du produit tout en valorisant l’économie circulaire et l’achat local, mais l’entreprise doit surtout rappeler aux gens que les produits sont fabriqués avec de la drêche récupérée », insiste-t-elle.

 

Le vent en poupe

L’économie circulaire occupe une place grandissante dans le discours entrepreneurial québécois. Le gouvernement du Québec y est d’ailleurs pour quelque chose en raison, notamment, de son initiative Québec circulaire. « Parce que la matière première coûte de plus en plus cher, que les coûts de transport sont de plus en plus élevés et que l’enfouissement des matières résiduelles coûte de plus en plus cher aussi, il devient de plus en plus rationnel pour les entreprises de réutiliser la matière », analyse Jessy Fournier, conseiller au développement durable à DEL.

Jonathan Rodrigue fait partie de ces entrepreneurs qui ont saisi le potentiel de l’économie circulaire. L’entreprise montréalaise qu’il a cofondée, Still Good, récupère une quinzaine de tonnes de matière organique fraîche chaque semaine, comme la pulpe de jus et la drêche de bière, qu’elle transforme en farine. C’est d’ailleurs elle qui fournit Malté en drêche déshydratée, en plus de fabriquer ses propres biscuits et barres nutritives.

L’entrepreneur pousse même la circularité un peu plus loin, grâce à son partenariat avec la chaîne de restaurants Les 3 brasseurs, qui produit ses propres bières. Still Good récupère la drêche générée par ses succursales montréalaises, la transforme en farine qui sert ensuite à la fabrication des pains à hamburger et des panures pour les produits qui figurent au menu des restaurants. « Cela permet d’atteindre une circularité totale, car l’entreprise évite de retourner l’ensemble de sa matière organique à l’enfouissement », précise Jonathan Rodrigue.

 

Plus qu’une mode

Le concept d’économie circulaire remonte au moins au début des années 1960, rappelle le professeur Ben Amor, professeur agrégé et directeur du Laboratoire interdisciplinaire de recherche en ingénierie durable et en écoconception de l’Université de Sherbrooke. « Avant, on appelait ça de l’écologie industrielle », précise-t-il. 

Selon lui, l’économie circulaire est non seulement là pour de bon, mais est appelée à gagner en importance étant donné les avantages qu’elle permet. Pour l’environnement, d’abord, grâce à la réutilisation de déchets, puis pour l’industrie, parce qu’elle favorise des approvisionnements stables. 

« Les entreprises qui la pratiquent n’ont plus à s’approvisionner sur des marchés où les prix sont volatils et où les retards de livraison sont fréquents, note-t-il. Leur fournisseur se trouve souvent à proximité, ce qui sécurise les approvisionnements et leur permet de respecter leur carnet de commandes et de livrer à temps. »

 

 

Malté en chiffres 

Fondateurs: Olivier Breault-Tourigny et Philippe Rioux

Nombre d’employés: 2

Début des opérations de production: Novembre 2021

Fabrication des shampooings et revitalisants: Delson

Fabrication des pains de savon: Brossard

Fabrication des tubes de shampooings et de revitalisants: Granby

Unités de shampooing et de revitalisant produites: 6000

Unités de pain de savon produites: 3000