À Mont-Tremblant, l’économie locale tourne autour de la station de ski et du tourisme. (Photo: 123RF)
FOCUS RÉGIONAUX. La pénurie de main-d’œuvre actuelle porte un coup dur aux PME du Québec. Aucun secteur n’est épargné, mais c’est celui de la restauration qui est le plus touché au quotidien. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, 79 % des entrepreneurs et 70 % des employés travaillent plus d’heures pour compenser le manque de bras.
À Mont-Tremblant, où l’économie locale tourne autour de la station de ski et du tourisme, l’Association de villégiature Tremblant (AVT) a dû faire preuve de créativité pour attirer des travailleurs. Ils ont créé la marque Tribu Tremblant, incarnée par un portail web qui met en valeur les avantages de vivre à Tremblant, les postes à pourvoir et plusieurs témoignages de travailleurs comblés. Quatre employés — une répartitrice de ski, une réceptionniste et deux employés en cuisine — témoignent du calme de l’endroit, de la proximité avec la nature et du travail satisfaisant.
Une pénurie annoncée
Cristina Romero, directrice générale de l’AVT, observe que la pénurie de main-d’œuvre planait au-dessus des commerçants bien avant la pandémie. Déjà, en 2019, l’association songeait à créer une « marque employeur », mais le projet a été mis sur la glace en mars 2020. Une fois la première onde de choc covidienne passée, les commerçants devaient rebâtir leurs équipes et « jouer du coude » pour attirer du talent, se souvient Cristina Romero. L’AVT a vu une occasion en or pour relancer le projet. Depuis le lancement du site web, plus de 3000 CV ont été reçus et plus de 150 personnes ont été embauchées dans 80 entreprises. Afficher une offre d’emploi sur le site est gratuit. « Pour une PME, développer une stratégie de ressources humaines est long et coûteux. On voulait faciliter ce processus, » dit Cristina Romero.
Léo Séné a entendu l’appel de Tribu Tremblant. Le Français d’origine a déménagé de Chambly à Mont-Tremblant en août. Il travaille en logistique pour une chaîne de restaurants. Il connaissait déjà la « belle ambiance » de Tremblant grâce à une amie qui y vivait. Elle lui envoyait des offres d’emploi trouvées sur le portail Tribu Tremblant. « Un jour, j’ai craqué », dit-il, souriant modestement. Ses attentes ont été comblées ; il profite des randonnées entre deux quarts de travail et attend la saison de ski avec impatience. S’il obtient sa résidence permanente au Canada, il compte rester plusieurs années.
L’entrepreneur Will Azeff est propriétaire de quatre entreprises tremblantoises. Avant la pandémie, il s’est allié avec plusieurs commerçants pour créer le programme VIE (« Very Important Employee »), qui accorde des réductions aux employés des entreprises membres. Il s’est aussi joint au projet Tribu Tremblant, qui lui a permis de recruter plusieurs employés.
« Tribu fait en sorte que les occasions d’emploi à Tremblant sont plus connues et que nous puissions facilement joindre les candidats, » note celui qui est propriétaire d’une salle d’évasion, un centre de laser tag, un studio de poterie et un bar à jus. « Le site est bon pour vendre les avantages de vivre et travailler ici. »
Autour du projet, l’AVT a construit une communauté qui se réunit autour d’événements annuels (soirée de reconnaissance, équipe aux 24 h de Tremblant), ce qui permet de créer un « branding » unique et de renforcer l’équilibre travail-vie personnelle et l’implication sociale. Will Azeff considère que l’esprit de solidarité forgé pendant le confinement aide les participants à collaborer pour surmonter la pénurie de main-d’œuvre.
« Dans la plupart des complexes touristiques, tu as un grand employeur, comme la station de ski, qui promeut ses emplois par-dessus les autres », observe-t-il. « Mais tu pourrais avoir la meilleure station de ski au monde, s’il n’y a personne pour entretenir les chambres ou nourrir les clients, ça ne marchera pas. La force de Tribu est là : on fonctionne comme un tout. »
Selon l’AVT, les entreprises tremblantoises doivent encore pourvoir plus de 400 postes. Pour Will Azeff, la pénurie de logements abordables freine le recrutement. Dans son expérience, elle a déjà fait fuir plusieurs candidats. Comme plusieurs employeurs locaux, il loue un condo pour quelques-uns de ses employés, faute de meilleures options. À l’AVT, Cristina Romero met en place un comité pour étudier la question ; elle attend des propositions concrètes dans les prochains mois. Une chose est certaine, la collaboration entre employeurs reste primordiale. « Seuls, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin, » résume la directrice.