Le président de Kuma Brakes, Christian Babin (Photo: Roger St-Laurent)
FOCUS RÉGIONAUX EN BALADO. Après avoir vécu un creux à la fin de la dernière décennie, les PME gaspésiennes de l’industrie éolienne anticipent une bouffée d’air frais dans leur région.
D’ici six mois, Hydro-Québec devrait effectivement dévoiler les projets retenus pour un bloc d’électricité éolienne de 300 mégawatts (MW) et un autre de sources renouvelables de 480 MW. La Gaspésie, qui constitue le berceau de l’industrie éolienne au Québec, espère recevoir sa part du gâteau.
«On entrevoit un avenir prometteur dans les prochaines années, assurément», affirme Élie Arsenault, président de Fabrication Delta, une PME qui fabrique des pièces pour les turbines à New Richmond.
«L’union fait la force, poursuit-il en parlant de la concentration d’entreprises de cette industrie. Les gens en Gaspésie se sont bien battus pour l’éolien et cela a permis de pérenniser le secteur. Les entreprises sont en santé et on est connu partout sur la planète.»
Pas seulement du nouveau
La construction de nouveaux parcs éoliens au Québec viendra certainement donner de l’élan aux PME gaspésiennes. Tout comme la réfection ou le remplacement des premières installations ayant vu le jour dans les années 2000 dans la région qui approche aussi à grands pas.
«L’avenir est très prometteur et la Gaspésie est très bien positionnée, assure le président d’Innergex, Michel Letellier. On va avoir une grande activité de construction, d’entretien et de démantèlement dans les six prochaines années.»
Le patron de cette multinationale québécoise qui exploite cinq parcs éoliens dans cette région souligne que la durée de vie de certains d’entre eux pourra être prolongée, ce qui signifie de l’emploi pour les entreprises locales.
«On pense que ce serait intéressant de maintenir des turbines encore viables, précise-t-il. Ce sont des occasions pour les entrepreneurs de Gaspésie de nous aider à trouver des façons de réparer des machines vieillissantes de manière économique.»
Cap sur l’étranger
Le passage à vide des dernières années en matière de construction d’éoliennes au Québec a poussé plusieurs PME gaspésiennes à exporter leur expertise. C’est le cas de Ganex, à Gaspé, qui se spécialise en automatisation et en informatique industrielle pour l’éolien, mais également pour l’énergie solaire.
«À partir de 2017, on a dû nous repositionner, explique son président, Martin Boulay. En 2018, on a ouvert un bureau à Ottawa et un à Calgary. Cette année, un autre à Chicago afin de décrocher de nouveaux contrats et d’être plus proches de nos clients.»
Les activités à l’étranger représentent maintenant près de 75 % du chiffre d’affaires de la PME d’une cinquantaine d’employés. «On prévoit doubler nos effectifs dans les prochaines années, poursuit-il. On sait qu’il y aura une grande demande.»
Selon la U.S. Energy Information Administration, 22 % de l’électricité produite cette année chez nos voisins du Sud provient du soleil, du vent ou de l’eau, et cette proportion devrait grimper à 24 % en 2023. C’est un bond énorme.
Pour des raisons géopolitiques et de ratés des chaînes d’approvisionnements internationales, les gouvernements et les entreprises aux États-Unis veulent de plus en plus d’équipements nord-américains. Christian Babin, fondateur et président de Kuma Brakes, qui fabrique des plaquettes de frein pour les éoliennes à Gaspé, estime que cela permet de diminuer les coûts et d’éviter les retards.
«La proximité du marché nous aide, même si on doit livrer au Texas, mentionne celui dont l’entreprise exporte environ 92 % de sa production. On est plus proche que l’Autriche ou la Corée, et on n’a pas besoin de transport maritime — avec tous les problèmes de logistique qui y sont associés. C’est avantageux d’être en Amérique du Nord, car nos produits se transportent par camion. On est sur le bon territoire.»
Séduire la main-d’œuvre
Afin de croître, les PME gaspésiennes dans ce domaine sont toutes à la recherche de main-d’œuvre. Il s’agit d’un spectaculaire revirement de situation pour cette région qui connaissait un chômage endémique il y a une vingtaine d’années.
«C’est un magnifique coin de pays pour séduire des employés, dit Martin Boulay. On est sur le bord de la mer, il y a du ski et du plein air, donc c’est attirant pour les professionnels. C’est un avantage.» Le patron de Ganex souligne également que son secteur offre maintenant une sécurité d’emploi et que de travailler pour des énergies vertes rejoint les valeurs de nombreux travailleurs.
Pour sécuriser leur exploitation, des entreprises comme Fabrication Delta et Kuma Brakes ont aussi investi dans l’automatisation. «On a la capacité de doubler ou de tripler la production sans acheter de nouvel équipement», note Christian Babin.
Ce retraité de l’enseignement collégial en maintenance industrielle est heureux du chemin parcouru par son industrie, ainsi que par son entreprise, lancée en 2010. «Le but, ce n’était pas de faire de l’argent, mais de démontrer que même au bout de la Gaspésie, on est capable d’être innovant et de stature internationale, fait-il valoir. Je suis fier d’avoir développé une technologie qui concurrence les Européens et les Asiatiques.»