Déjà débordés, les gestionnaires n’ont pas nécessairement le temps de décortiquer la multitude de programmes gouvernementaux de subvention. (Photo: 123RF)
FORMATION. Il existe une multitude de programmes gouvernementaux de soutien à la formation en entreprise. Il est peut-être toutefois difficile de s’y retrouver et de s’assurer de sélectionner les meilleures formations pour améliorer les compétences de ses travailleurs.
Selon un sondage de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) mené en février 2020, 44% des 1 110 dirigeants de PME interrogés au Québec n’utilisent pas les mesures du gouvernement touchant la main-d’œuvre, y compris celles favorisant la formation. Parmi les répondants, 40% indiquent que la méconnaissance de ces programmes ou leur complexité sont des freins à leur utilisation (33%). «Il faut se mettre dans la peau des dirigeants d’entreprise, alors qu’entre 89% et 96% des entreprises de la province comptent moins de 50 employés», mentionne François Vincent, vice-président pour le Québec de la FCEI. Déjà débordés, les gestionnaires n’ont pas nécessairement le temps de décortiquer le tout, estime-t-il.
Denis Hamel, vice-président aux politiques de développement de la main-d’œuvre au Conseil du patronat du Québec (CPQ), recense effectivement une dizaine de programmes d’aide à la formation en entreprise à l’échelle provinciale. Certains, comme le Programme d’apprentissage en milieu de travail (PAMT), appuient le compagnonnage, alors que d’autres, comme la Mesure de formation de la main-d’œuvre (MFOR), permettent de couvrir une partie du salaire de l’employé en formation. Sans compter les actions ponctuelles qui s’ajoutent. «Il peut être difficile de s’y retrouver, puisque chacun des programmes a ses particularités», note Denis Hamel.
Des mesures à connaître
Une réalité que constate sur le terrain le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet. «J’essaie de faire la promotion des différentes mesures, mais je réalise que, souvent, elles ne sont pas assez connues, se désole-t-il. Je rencontre des entrepreneurs qui me disent par exemple qu’ils ne savaient pas qu’à l’occasion d’une réorganisation du travail qui vise à accroître la productivité, ils pouvaient avoir des subventions pour former leurs employés.»
Le ministre insiste sur l’importance des 254 conseillers aux entreprises qui sont répartis dans les 163 bureaux de Services Québec, la «porte d’entrée» pour les entreprises désirant de l’accompagnement.
Il rappelle que depuis janvier 2019, leur rôle a été «transformé», faisant de ces conseillers «de véritables consultants» pour les entreprises. «Ils peuvent les accompagner dans leurs efforts de recrutement, de gestion prévisionnelle de la main-d’œuvre ou des ressources humaines et cela donne de très bons résultats auprès des PME», assure Jean Boulet.
La FCEI offre également des services d’accompagnement aux entrepreneurs, alors que les comités sectoriels de main-d’œuvre proposent parfois des programmes de formation. «Les organisations peuvent aussi regarder ce qui se passe dans leur communauté, puisqu’il existe plusieurs initiatives en collaboration avec des établissements universitaires, des cégeps et des écoles professionnelles», mentionne Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) du Québec.
Faire les bons choix
Au-delà de l’aspect financier, les dirigeants doivent aussi réfléchir au contenu des formations à proposer à leurs employés. Ce qui n’est pas si simple. «Même que cela représente un défi pour plusieurs PME qui n’ont pas de professionnels en ressources humaines pour les soutenir et pour s’assurer qu’ils font les bons choix», indique Manon Poirier. Il est toutefois possible pour les membres de l’Ordre d’agir à titre de consultants pour ces entreprises. «Ils peuvent les aider à faire le bon diagnostic et à répertorier l’offre disponible.»
En effet, sans regard extérieur, il est facile de se tromper de cible, avertit-elle. Il faut aussi s’assurer de développer une vision plus globale de la réalité pour arriver à atteindre les objectifs de l’entreprise. Ainsi, les spécialistes des ressources humaines ont tous les outils en main pour évaluer le rendement de l’investissement en matière de productivité, par exemple.
Un élément crucial, alors que 91% des entreprises au pays estiment que la formation constitue un investissement important pour leur entreprise, a déjà mesuré la FCEI. Une donnée qui remonte à 2014, mais qui donne une bonne idée de la réalité, estime François Vincent. Pour avoir une image claire de la situation, la FCEI avait alors réalisé un sondage auprès de ses membres propriétaires de PME de toutes les régions du pays et de tous les secteurs de l’économie, auquel ont participé 6 705 répondants. Cette recherche avait pu mesurer que les entreprises avaient investi 14 milliards de dollars (G$) en formation, dont 5G$ en formation formelle. On peut y lire que «39% des dirigeants affirmaient aussi ne pas investir dans la formation formelle parce que cela coûtait trop cher.»
Ce qui montre encore une fois l’importance d’établir le bon diagnostic et d’avoir un plan de développement des compétences assorti d’indicateurs de performance précis. Il s’agit d’une manière de s’assurer d’un bon rendement de l’investissement. «Et le fait de former en interne permet aussi de combler certains besoins sans devoir recruter, rappelle Manon Poirier. De plus, cela permet de fidéliser les travailleurs et d’augmenter leur sentiment de loyauté.» Autant d’atouts en contexte de pénurie de main-d’œuvre.