Dans le cadre d’une vérification diligente, un consultant pourrait par exemple se faire demander par l’acheteur de jeter un coup d’œil aux prévisions budgétaires et financières. (Photo: 123RF)
FUSIONS ET ACQUISITIONS. Dans un monde post-pandémie, la vérification diligente lors d’une fusion-acquisition prend une toute nouvelle dimension. Car non seulement les règles de distanciation et les restrictions de mouvements peuvent compliquer certains aspects du travail, mais les turbulences économiques ajoutent également une couche de complexité. Comment s’y prendre?
Une des premières choses que risque de compliquer la COVID-19 et ses répercussions économiques est l’évaluation des projections financières, estime Denis Gendron, le directeur du DESS-CPA à l’ESG-UQAM.
« Si j’avais à faire une vérification diligente, actuellement, c’est ça qui me préoccuperait, dit-il. C’est même probablement le plus gros défi. Le virus risque de mener à des résultats financiers bien différents pour l’entreprise cible, et ça c’est un enjeu important, pas simple du tout. »
Dans le cadre d’une vérification diligente, un consultant pourrait par exemple se faire demander par l’acheteur de jeter un coup d’œil aux prévisions budgétaires et financières, et d’émettre un avis sur les hypothèses sous-jacentes à ces prévisions, à savoir si elles sont raisonnables ou non.
« En temps normal, on peut se fier sur l’historique des ventes, les taux d’inflation prévus, la croissance du PIB dans un passé récent, dit M. Gendron. On a des données pour vérifier si les hypothèses sont raisonnables. Avec le COVID-19, c’est plus dur. »
Il dit par exemple avoir récemment aidé des organisations à réaliser des prévisions budgétaires pour les six prochains mois. « J’ai émis des hypothèses qui me semblaient raisonnables, dit-il. Mais je ne suis pas devin. Avec l’incertitude actuelle, ce que l’on doit réaliser, et ce qui importe de se rappeler, c’est que les prévisions ne sont pas aussi serrées que d’habitude. »
Plus que jamais, obtenir de l’aide
Le défi est similaire en ce qui a trait aux comptes clients. Est-ce que tous ces gens-là vont payer? « Peut-être pas, dit M. Gendron. En même temps, après 60 jours, on parlerait normalement d’une mauvaise créance. Mais là, si l’économie repart vite, peut-être que c’est pensable de s’attendre à un remboursement en 70 à 100 jours. »
Son conseil pour faire face à ces nouveaux défis du « due dil »? Travailler avec des experts qui connaissent bien le secteur. C’est toujours important, mais dans un contexte d’incertitude, c’est encore plus vrai.
Là ne sont toutefois pas les seules difficultés de la due diligence en temps de pandémie. Oui, la vérification diligente sert à déterminer le prix et à identifier les drapeaux rouges financiers. Mais elle sert aussi à préparer l’intégration, ce qui implique d’apprendre à connaître la culture, les dirigeants, le talent clé. Comment faire lorsque la distanciation sociale est de rigueur?
Demander un deuxième avis
En temps normal, l’acquéreur passera beaucoup de temps avec le cédant au cours du processus de vérification diligente, autant à l’occasion de rencontres formelles qu’informelles, explique Muriel McGrath, présidente de MC2 Consilium et administratrice de sociétés.
Mais aujourd’hui, dans un monde qui appelle à limiter les interactions sociales en personne, il sera plus difficile pour un entrepreneur d’aller souper fréquemment avec le cédant pour bâtir la relation, pour apprendre à connaître sa vision.
« Ce sera également plus difficile pour le VP des ventes d’aller luncher à répétition avec son équivalent pour placoter et tisser des liens », remarque Mme McGrath. Cette étape, celle de l’apprentissage de la culture et de la familiarisation avec l’équipe de la cible, demeure toutefois cruciale si l’on désire mettre en place toutes les conditions gagnantes pour réussir l’intégration à venir. « Je veux comprendre les talents, les rôles, les compétences, dit Muriel McGrath. Est-ce que mon VP des ventes actuel est plus solide que son homologue dans l’entreprise que l’on acquiert? »
Mme McGrath conseille donc, en ces temps de pandémie et de distanciation sociale, de faire appel à des firmes-conseil spécialisées en psychologie industrielle, comme SPB, qui feront des entrevues et des analyses des personnes clés.
« On veut des données pour s’appuyer sur autre chose que l’intuition qu’a développée l’entrepreneur au cours d’un seul souper avec le cédant, dit Mme McGrath. On veut valider, ou infirmer, nos observations. On compense donc la réduction des interactions en personne avec une seconde opinion. »
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Cinq questions pour réussir sa vérification diligente à l’ère de la COVID-19
Une entreprise qui envisage une acquisition dans le contexte de la pandémie devrait redoubler ses efforts lors de sa vérification diligente. Pascal de Guise, un avocat associé chez Blakes qui se spécialise en F&A, suggère de se poser cinq questions à propos de l’entreprise convoitée.
Est-ce que l’entreprise a…
- … imposé les normes sanitaires recommandées par la santé publique?
- … respecté les lois du travail si elle a mis à pied ou licencié des employés?
- … protégé suffisamment ses systèmes contre les cyberattaques?
- … respecté les conditions liées aux subventions, si elle en a bénéficié?
- … les ressources financières pour survivre à un ralentissement pouvant durer plusieurs années?