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Fusions et acquisitions: il y a un renouveau de l’intérêt

Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑juin 2024

Fusions et acquisitions: il y a un renouveau de l’intérêt

Le premier vice-président aux services aux entreprises du Mouvement Desjardins, Jean-Yves Bourgeois (Photo: courtoisie)

FUSIONS ET ACQUISITIONS. Après des lendemains plus difficiles à la suite des années fastes durant la pandémie, le marché des fusions et des acquisitions semble prêt à retrouver une certaine vigueur en 2024.

« L’année a bien démarré, déclare Étienne Brassard, associé en droit des affaires chez Lavery. C’est principalement parce que l’augmentation des taux en 2022 et 2023 est mieux comprise par le marché. Les paramètres sont plus stables. L’environnement financier est moins imprévisible. Donc le créneau des fusions et acquisitions sera actif. »

Le premier vice-président aux services aux entreprises du Mouvement Desjardins, Jean-Yves Bourgeois, estime aussi que ceux qui avaient pris une pause s’activent. « La peur d’une récession est disparue, affirme-t-il. Il y a un renouveau de l’intérêt pour les fusions et acquisitions. Les entrepreneurs dépoussièrent leur plan de croissance. On voit un marché qui va continuer de se développer d’ici 12 mois. »

Les chiffres concernant les investissements privés lors du premier trimestre 2024 confirment un regain, d’après le rapport publié vers la mi-mai par l’association Canadian Venture Capital & Private Equity. La valeur des transactions a augmenté de 52 % par rapport au dernier trimestre de 2023 pour s’établir à 4 milliards de dollars (G$). Les sommes pour les sorties en capital-investissement durant le premier trimestre de 2024 ont surpassé celles de toute l’année 2023 et sont en voie de dépasser celles de 2021 et 2022, selon cette étude. Le document note que 80 % de ces sorties se font par des fusions et des acquisitions.

Le Québec s’est démarqué au premier trimestre avec 2,9 G$ dépensés dans 77 transactions. Cela représente 55 % des transactions au pays et 73 % des montants échangés.

En raison de l’incertitude, de nombreux fonds et de nombreuses entreprises ont reporté certaines décisions l’an dernier, ce qui augure bien pour les deux prochaines années.

« Il y a une quantité impressionnante de capital qui attend sur les lignes de touche, juge François Carrier, vice-président au marché des capitaux chez Desjardins. Il y a un désir de déployer du capital dans le marché. »

Selon le plus récent rapport de la BDC, publié en mai, 10,4 G$ étaient disponibles en capital de risque au pays.

Plus long

La vice-présidente au capital de croissance et au transfert d’entreprise pour le Québec à la BDC, Louise Langevin, croit également que 2024 sera meilleure que l’an dernier. « Une baisse des taux aidera, ajoute-t-elle. Le vieillissement des entrepreneurs favorisera aussi la conclusion de transactions dans les prochaines années, puisqu’ils sont nombreux à vouloir prendre leur retraite. »

Elle remarque cependant que les délais s’allongent, surtout par rapport à la période folle durant la pandémie. Après un marché de vendeurs en 2020, 2021 et une partie de 2022, les acheteurs ont maintenant l’avantage. Ces derniers peuvent prendre leur temps pour faire les vérifications diligentes.

« C’est un retour à la normale après l’effervescence de la pandémie, dit la dirigeante. Avec des délais plus longs et des vérifications plus minutieuses, il y a plus de transactions qui avortent. »

Fixer la valeur de l’entreprise à vendre est un point qui fait souvent achopper les négociations.

« Plusieurs croient que leur entreprise vaut plus que ce qu’elle vaut vraiment, note Jean-Yves Bourgeois. Il y en a beaucoup qui restent avec des évaluations d’il y a trois ou quatre ans. La valeur n’est pas la même avec des taux d’intérêt à 2%-3 %, plutôt qu’à 7%-8 % comme maintenant. C’est un obstacle. »

Des actifs valorisés

Les spécialistes soulignent que les entreprises profitables ont la cote. « Les entreprises traditionnelles sont très demandées comme celles du secteur manufacturier, ainsi que celles avec de vrais actifs comme dans l’agroalimentaire », mentionne Eric Cardinal, conseiller en fusions et acquisitions depuis une vingtaine d’années et vice-président du M&A Club, un réseau de professionnels pancanadien.

« Les gens veulent investir leur argent dans quelque chose de solide, dans des entreprises qui ont peut-être moins le potentiel de tripler, mais qui ont moins de risque de péter », poursuit-il.

Il note que les fintechs et celles des technologies propres (« cleantech ») sont un peu moins populaires qu’avant. « Il y a de l’intérêt, mais la folie est moins là, dit-il. Cela se reflète dans des évaluations plus raisonnables. »

Il y a aussi de la nouveauté, fait valoir Angelo Noce, associé chez Blakes en fusion et acquisitions et capital-investissement. « Avec l’électrification, c’est très actif dans tout ce qui est transport et automobile, remarque-t-il. Ce n’était pas là il y a cinq ans, tout comme l’intelligence artificielle. »

Eric Cardinal estime que les acheteurs, que ce soit des fonds d’investissement ou des entreprises, sont beaucoup « plus critiques » avant de sortir leur chéquier. Selon lui, les acquéreurs ne cherchent plus autant qu’avant à grossir à tout prix, mais ils désirent surtout mettre la main sur des actifs stratégiques pour améliorer leur processus et pour atteindre une nouvelle zone géographique.

« L’accent est mis sur l’efficacité, dit-il. Ce qui est certain, c’est que les entreprises moins rentables n’intéressent personne. »

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