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Redorer l’image des marchés publics

Simon Lord|Édition de la mi‑octobre 2021

Redorer l’image des marchés publics

(Photo: 123RF)

GÉNIE-CONSEIL. Un récent rapport de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) montre que les firmes de génie-conseil ont perdu l’appétit pour les marchés publics, surtout dans le milieu municipal. Une réalité qui pourrait freiner les grands chantiers du gouvernement, croient des représentants de l’industrie. Des solutions sont néanmoins envisageables.

Publié en avril 2021, le rapport intitulé « Consultation visant à évaluer le niveau d’intérêt des entrepreneurs et des professionnels envers les marchés publics » peint le portrait d’une industrie mécontente. Il montre par exemple que 40 % des professionnels — ce qui inclut les ingénieurs-conseils et les architectes — ont connu une baisse d’intérêt à soumissionner sur les marchés publics depuis les cinq dernières années. Cette baisse varie toutefois considérablement d’un donneur d’ouvrage à l’autre (voir encadré).

« Le désintérêt, on le sent beaucoup et surtout dans le milieu municipal », précise Bernard Bigras, PDG de l’Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG). Selon lui, ce désintéressement pourrait même ralentir certains chantiers publics. « Malheureusement, c’est clair que ça pourrait avoir un impact, observe-t-il. Dans un contexte où Québec a lancé un projet de loi pour accélérer les projets d’infrastructure, on se retrouve déjà avec des appels d’offres pour lesquels il n’y a qu’un seul, sinon aucun soumissionnaire. »

 

Trois causes

Les causes de ce désintérêt sont plutôt variées, mais Bernard Bigras en détermine trois plus importantes. La première est ce qu’il qualifie d’« irritants » à l’entrée au marché. 

« Les mandats et les appels d’offres sont de moins en moins clairs, les paliers d’approbation trop nombreux et les délais de paiement s’allongent », explique-t-il. Sur ce dernier point, par exemple, RCGT note que les délais de paiement ont un effet important ou très important sur la baisse d’intérêt quant aux marchés publics chez 73 % des 178 professionnels interrogés.

La deuxième cause de désintérêt a trait à une réalité que les ingénieurs-conseils décrient depuis déjà quelques années : les honoraires sont jugés inadéquats. En effet, les tarifs inscrits au décret qui dicte les honoraires des ingénieurs dans le cadre des contrats avec les ministères et les organismes publics n’ont pas été indexés depuis 2009, souligne Bernard Bigras. « Les ingénieurs sont encore payés à des taux qui datent de près de 12 ans ! Ceux-ci ne sont plus représentatifs des taux du marché, surtout avec la pénurie de main-d’œuvre. »

Sans surprise, ce sont donc 89 % des ingénieurs qui jugent que le tarif maximal autorisé par le décret a un effet important ou très important sur leur intérêt quant aux marchés publics.

La troisième cause concerne le mode d’octroi des contrats. Pour 94 % des professionnels interrogés, celui-ci a un effet négatif important ou très important sur leur intérêt envers les marchés publics. Le rapport rappelle que la formule habituellement utilisée dans le secteur municipal pour la sélection des firmes de génie-conseil donne une importance prépondérante au prix. Selon plusieurs acteurs de l’industrie, le principe du plus bas soumissionnaire fait cependant souvent en sorte qu’il est difficile de livrer des projets innovants et de qualité.

« La conception représente 4 % du coût total d’un projet, chiffre le PDG de l’AFG. Couper à cette étape-là, c’est une mauvaise idée. L’ancien pont Champlain, par exemple, a été conçu sur la base d’une formule du plus bas prix et on a dû le refaire après seulement quelques années. Arrêtons de penser à court terme. »

 

Solutions simples

Les solutions au désintérêt des firmes pour les marchés publics sont assez simples, estime Jonathan Duguay, directeur général de Pluritec, une firme d’ingénieurs-conseils basée à Trois-Rivières. « D’abord, il faut revoir les tarifs qui sont gelés depuis 2009, estime-t-il. Concevoir des usines d’eau potable, rendre des intersections plus sécuritaires, c’est utile et rempli de défis techniques stimulants. Les ingénieurs veulent simplement que les taux soient mis à jour. » Un avis partagé par Bernard Bigras. 

Le rapport de RCGT suggère par ailleurs de revoir également le mode d’octroi des contrats. Une avenue que soutient l’AFG. Son PDG favorise par exemple un mode de sélection basé sur la compétence et la qualité. « Je suis convaincu que si les municipalités du Québec allaient dans ce sens-là, on retrouverait beaucoup plus de soumissionnaires sur le marché », avance-t-il.

Enfin, pour réduire les irritants, le document commandé par l’AFG et cinq autres organismes liés à l’industrie de la construction suggère quelques pistes : clarifier la documentation d’appels d’offres, réaliser des études d’avant-projet et instaurer un calendrier de paiement avec des délais fixes.

« Il y a des façons simples de réintéresser les firmes aux marchés publics, convient Jonathan Duguay. Il faut juste que les intervenants concernés, autant l’industrie que les donneurs d’ouvrage, commencent à s’en parler. »

Un récent rapport de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) montre que les firmes de génie-conseil ont perdu l’appétit pour les marchés publics, surtout dans le milieu municipal. Une réalité qui pourrait freiner les grands chantiers du gouvernement, croient des représentants de l’industrie. Des solutions sont néanmoins envisageables.
Publié en avril 2021, le rapport intitulé « Consultation visant à évaluer le niveau d’intérêt des entrepreneurs et des professionnels envers les marchés publics » peint le portrait d’une industrie mécontente. Il montre par exemple que 40 % des professionnels — ce qui inclut les ingénieurs-conseils et les architectes — ont connu une baisse d’intérêt à soumissionner sur les marchés publics depuis les cinq dernières années. Cette baisse varie toutefois considérablement d’un donneur d’ouvrage à l’autre (voir encadré).
« Le désintérêt, on le sent beaucoup et surtout dans le milieu municipal », précise Bernard Bigras, PDG de l’Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG). Selon lui, ce désintéressement pourrait même ralentir certains chantiers publics. « Malheureusement, c’est clair que ça pourrait avoir un impact, observe-t-il. Dans un contexte où Québec a lancé un projet de loi pour accélérer les projets d’infrastructure, on se retrouve déjà avec des appels d’offres pour lesquels il n’y a qu’un seul, sinon aucun soumissionnaire. »
Trois causes
Les causes de ce désintérêt sont plutôt variées, mais Bernard Bigras en détermine trois plus importantes. La première est ce qu’il qualifie d’« irritants » à l’entrée au marché. 
« Les mandats et les appels d’offres sont de moins en moins clairs, les paliers d’approbation trop nombreux et les délais de paiement s’allongent », explique-t-il. Sur ce dernier point, par exemple, RCGT note que les délais de paiement ont un effet important ou très important sur la baisse d’intérêt quant aux marchés publics chez 73 % des 178 professionnels interrogés.
La deuxième cause de désintérêt a trait à une réalité que les ingénieurs-conseils décrient depuis déjà quelques années : les honoraires sont jugés inadéquats. En effet, les tarifs inscrits au décret qui dicte les honoraires des ingénieurs dans le cadre des contrats avec les ministères et les organismes publics n’ont pas été indexés depuis 2009, souligne Bernard Bigras. « Les ingénieurs sont encore payés à des taux qui datent de près de 12 ans ! Ceux-ci ne sont plus représentatifs des taux du marché, surtout avec la pénurie de main-d’œuvre. »
Sans surprise, ce sont donc 89 % des ingénieurs qui jugent que le tarif maximal autorisé par le décret a un effet important ou très important sur leur intérêt quant aux marchés publics.
La troisième cause concerne le mode d’octroi des contrats. Pour 94 % des professionnels interrogés, celui-ci a un effet négatif important ou très important sur leur intérêt envers les marchés publics. Le rapport rappelle que la formule habituellement utilisée dans le secteur municipal pour la sélection des firmes de génie-conseil donne une importance prépondérante au prix. Selon plusieurs acteurs de l’industrie, le principe du plus bas soumissionnaire fait cependant souvent en sorte qu’il est difficile de livrer des projets innovants et de qualité.
« La conception représente 4 % du coût total d’un projet, chiffre le PDG de l’AFG. Couper à cette étape-là, c’est une mauvaise idée. L’ancien pont Champlain, par exemple, a été conçu sur la base d’une formule du plus bas prix et on a dû le refaire après seulement quelques années. Arrêtons de penser à court terme. »
Solutions simples
Les solutions au désintérêt des firmes pour les marchés publics sont assez simples, estime Jonathan Duguay, directeur général de Pluritec, une firme d’ingénieurs-conseils basée à Trois-Rivières. « D’abord, il faut revoir les tarifs qui sont gelés depuis 2009, estime-t-il. Concevoir des usines d’eau potable, rendre des intersections plus sécuritaires, c’est utile et rempli de défis techniques stimulants. Les ingénieurs veulent simplement que les taux soient mis à jour. » Un avis partagé par Bernard Bigras. 
Le rapport de RCGT suggère par ailleurs de revoir également le mode d’octroi des contrats. Une avenue que soutient l’AFG. Son PDG favorise par exemple un mode de sélection basé sur la compétence et la qualité. « Je suis convaincu que si les municipalités du Québec allaient dans ce sens-là, on retrouverait beaucoup plus de soumissionnaires sur le marché », avance-t-il.
Enfin, pour réduire les irritants, le document commandé par l’AFG et cinq autres organismes liés à l’industrie de la construction suggère quelques pistes : clarifier la documentation d’appels d’offres, réaliser des études d’avant-projet et instaurer un calendrier de paiement avec des délais fixes.
« Il y a des façons simples de réintéresser les firmes aux marchés publics, convient Jonathan Duguay. Il faut juste que les intervenants concernés, autant l’industrie que les donneurs d’ouvrage, commencent à s’en parler. »