Le chantier évolutif de la rue Principale Ouest de Magog a valu à la firme trifluvienne Pluritec le Grand Prix du génie-conseil québécois 2022 dans la catégorie Infrastructures urbaines (Photo: Lucas Parker pour Unsplash)
GÉNIE-CONSEIL. Les chantiers se multiplient au Québec : électrification des transports, transition énergétique, virage numérique généralisé, nécessité de revamper ponts, routes, aqueducs et patrimoine bâti de la province. Autant de projets d’ingénierie qui demandent une nouvelle sensibilité environnementale et sociale. Tour d’horizon des talents recherchés pour répondre aux besoins globaux et régionaux.
Le Québec fait face à un vertigineux déficit d’entretien de ses infrastructures. Dans le plus récent Plan québécois des infrastructures (PQI), la facture des travaux se chiffre à 147,5 milliards pour la période 2022-2032. Autant d’autoroutes, ponts, aqueducs, écoles et autres bâtiments publics devant être remis à niveau, ce qui causera bien des maux de tête aux commerçants et aux citoyens québécois.
Les 7 237 nouveaux ingénieurs civils demandés d’ici 2030 (selon l’estimation de l’OIQ) devront tenir compte de l’acceptabilité sociale non seulement des projets en eux-mêmes, mais aussi des chantiers qui les verront naître. C’est ce qu’a fait la firme de génie-conseil Pluritec lorsqu’elle a obtenu un mandat de revitalisation au centre-ville de Magog, impliquant de changer des conduites d’aqueduc et d’enfouir des réseaux de télécommunication.
« Au début du projet, nous avons demandé à la ville quelles étaient leurs préoccupations à l’égard de l’acceptabilité sociale du chantier, explique Jonathan Lefebvre, directeur du Département du transport de la firme de Trois-Rivières. Ils nous ont répondu qu’ils voulaient que le chantier ne soit pas juste “un problème” pour les citoyens et les touristes. Ils voulaient que ces derniers y participent et en voient l’évolution. »
Au nombre des initiatives, la firme trifluvienne a marqué le début des travaux de revitalisation en organisant une fête citoyenne. Semaine après semaine, les clôtures du chantier ont été décorées avec des photos représentant l’avancement des travaux. Le temps d’un week-end, le chantier a été transformé en terrain de volleyball de plage. Puis, à un autre moment, une visite guidée du chantier a attiré « plusieurs centaines de personnes ».
Les travaux effectués sur la rue Principale Ouest de Magog, à l’été 2021 et 2022, sont ainsi devenus une attraction « évolutive », en multipliant les clins d’œil aux passants. En fin de compte, le chantier a valu à Pluritec de gagner le Grand Prix du génie-conseil québécois 2022 dans la catégorie Infrastructures urbaines. Ce cas d’école pourra maintenant inspirer d’autres firmes dans la conduite de leur chantier urbain.
Talents recherchés
« Les disciplines qui apparaissent les plus sous tension sont les professionnels en génie informatique et logiciel », annoncent sans surprise les auteurs de l’étude « Profil de l’ingénieur d’aujourd’hui et de demain », publiée par l’Ordre des ingénieurs (OIQ) en avril 2021. Cette réalité s’explique par « la tendance à la numérisation dans tous les secteurs économiques ». L’étude de l’OIQ prédit une explosion de 130 % de la demande des « professionnels informatiques diplômés en génie » pour la période 2019-2030, ce qui se traduirait par un besoin additionnel de plus de 25 000 ingénieurs en génie informatique et logiciel partout au Québec.
« Dans le domaine informatique, la question de l’accessibilité sociale tourne autour de la protection des renseignements personnels », explique Antoine Normand, président d’In-Sec-M, la grappe canadienne de l’industrie de la cybersécurité. C’est pourquoi, ajoute-t-il, les notions de « vie privée par défaut » — dans la conception logicielle — et de « modèle à vérification systématique d’architecture » (« zero trust ») — dans la mise en œuvre d’un réseau informatique — sont si importantes pour protéger le public et les entreprises.
« On voit de plus en plus de firmes de génie-conseil qui se lancent en cybersécurité pour protéger les infrastructures critiques telles que les réseaux électriques et les usines de traitement d’eau, ou pour sécuriser des objets connectés dans le secteur manufacturier », explique le président de In-Sec-M. Il faut aussi savoir que le gouvernement fédéral constitue un client majeur de ce type de services. C’est ce qui explique la présence d’un pôle d’expertise en cybersécurité à Gatineau. D’ailleurs, la région de l’Outaouais aura besoin de 1721 nouveaux ingénieurs informatiques d’ici 2030, toujours selon l’étude de l’OIQ.
Dans la prochaine décennie, la seconde catégorie d’ingénieurs la plus convoitée proviendra des génies électrique et électronique. Plusieurs de ces professionnels participeront à l’électrification des transports en développant des systèmes électroniques pour propulser des véhicules électriques en tout genre. Dans la région de la Mauricie, où se trouve la Vallée de la transition énergique — candidate à devenir une zone d’innovation —, il faudra près de 150 ingénieurs électriques et électroniques additionnels d’ici 2030. Les emplois proviendront sans doute davantage des fabricants comme Lion électrique (autobus électriques) et AddÉnergie (bornes de recharge) que des firmes de génie-conseil.