Ecosystem a décroché un contrat de 25 millions de dollars pour rénover la centrale thermique du Stade olympique, tout en réduisant ses émissions de dioxyde de carbone. (Photo: Adobe Stock)
GÉNIE-CONSEIL. Dans le secteur privé, les entreprises ont la pression de réduire leur empreinte carbone tout en demeurant compétitives par rapport à la concurrence internationale. Dans le secteur public, les villes s’engagent vers la résilience climatique avec des budgets limités et des infrastructures passablement « désuètes ». Pour résoudre ces défis, deux éléments clés se dégagent : un meilleur alignement des intérêts financiers des projets et un plus grand effort de priorisation.
En 2018, quand les responsables des installations olympiques ont voulu exprimer leur satisfaction concernant le déroulement d’un contrat de rénovation du système de chauffage, ils auraient dit à la firme Ecosystem : « Vous avez fait en deux ans et en une fraction du coût ce qui nous aurait pris dix ans à faire. » C’est André Rochette, fondateur d’Ecosystem, qui raconte l’anecdote, pour illustrer comment un projet attribué par « appel de solutions » et effectué selon une approche de « conception-construction intégrée » a fait économiser du temps et de l’argent à tous les intervenants.
Concrètement, Ecosystem avait décroché un contrat de 25 mil lions de dollars pour rénover la centrale thermique du stade, tout en réduisant ses émissions de dioxyde de carbone. Comme le contrat était « à coût fixe », il était avantageux pour Ecosystem d’explorer la possibilité de conserver la tuyauterie existante — une opération plus rapide et moins coûteuse que de tout refaire à neuf. La firme assumait la double responsabilité de la conception et de la mise en route du projet, ce qui lui donnait une grande marge de manœuvre dans les stratégies à déployer. Dès le premier hiver, la firme a donc installé à ses frais un système de valves pour rénover la tuyauterie par section. « Pour qu’un projet soit un succès, les intérêts financiers de tous les acteurs doivent être alignés, insiste André Rochette. Une des parties prenantes ne doit pas faire d’argent au détriment de l’autre. »
Selon lui, l’autre facteur de succès est le temps investi dans la conception. « En conception, ça ne coûte pas cher d’apporter des changements à un projet. Quand on est à l’étape de la construction, tous les changements coûtent cher. Une pratique bien intégrée chez nous est de passer beaucoup de temps en conception, à requestionner la solution proposée au client. Si on trouve mieux, ce sera à l’avantage de tout le monde. »
Une question de priorisation
Au-delà de chaque projet individuel, les donneurs d’ordre privés et publics peuvent se dégager une marge de manœuvre financière en effectuant une meilleure « priorisation » de l’ensemble de leurs projets. C’est le travail de Bernard Gaudreault, directeur de la gestion des actifs à Norda Stelo, qui aident des villes à établir leurs priorités en matière de développement et de maintien des infrastructures publiques.
« Annoncer un nouveau projet de développement, c’est politiquement sexy, convient le directeur de gestion des actifs. Toutefois, les villes ont des budgets limités et leurs infrastructures existantes sont dans un état de désuétude avancée. » Bernard Gaudreault leur propose un exercice de réflexion stratégique pour rééquilibrer le budget entre les « nouveaux projets » et les « projets de rénovation ». Le directeur de Norda Stelo prend l’exemple de la Ville de Trois-Rivières, qui a récemment décidé de revoir sa priorisation budgétaire pour obtenir un ratio de 80 % consacré au maintien de ses actifs, pour seulement 20 % au développement. « Le contraste est frappant, quand on voit des villes qui maintiennent des ratios de 50-50 ou de 60-40 en faveur du développement. »
L’exercice stratégique ne se termine pas là. Bernard Gaudreault et son équipe aident aussi les villes à définir des critères et des échelles de priorisation pour voir plus clairement quels projets exécuter en premier. « D’une certaine manière, c’est comme si on comparait des pommes avec des oranges. Est-ce qu’on investit dans la construction d’un parc, dans le changement d’un aqueduc, dans la rénovation d’un bâtiment ? Nous utilisons une approche d’analyse multicritères pour ramener ces projets selon des dénominateurs communs. » Son approche a été développée dans le cadre d’un projet de recherche sur les méthodes quantitatives à l’Université Laval.
Stéphane Charest, vice-président à la décarbonation, aux énergies et aux produits chimiques de la firme de génie-conseil BBA, fait un exercice comparable avec des entreprises du secteur des ressources naturelles qui veulent mettre en œuvre leur plan de décarbonation. « Lorsqu’elles font face à un plan comme ça, on va suggérer une approche par phases. » Les entreprises pétrolières ou minières peuvent commencer par un premier projet d’efficacité énergétique qui, en lui-même, constituera une manière de réduire les coûts d’exploitation. Pendant ce temps, les technologies plus disruptives gagnent en maturité et deviennent plus abordables. « Si on prend l’exemple de la production d’hydrogène vert, le coût d’implantation d’un électrolyseur a passablement diminué dans les cinq dernières années. » La transition peut donc se faire de manière « abordable », mais un pas à la fois.