Hatch en quête d’un aluminium toujours plus «vert»
Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑octobre 2024Hatch a été choisie comme partenaire du projet d’agrandissement de l’aluminerie AP60 de Rio Tinto au Complexe de Jonquière, au Saguenay. (Photo: courtoisie)
GÉNIE-CONSEIL. Compte tenu de son Centre d’excellence en aluminium ainsi que de ses collaborations de longue date avec Alcoa et Rio Tinto, il n’est pas surprenant de retrouver la firme de génie-conseil Hatch aux premières loges de la course au développement d’un « aluminium vert ». Son principal défi : trouver l’équilibre entre l’exclusivité demandée par les donneurs d’ordre et l’esprit d’ouverture et de partage des connaissances inhérent à tout projet d’innovation, à la fine pointe de la technologie.
En entrevue, Daniel Richard, ingénieur et associé de la firme Hatch, nous confirme que l’entreprise est impliquée dans une série de projets visant à réduire l’empreinte carbone de la production de l’aluminium. Comme certains sont « confidentiels », l’associé se limite à nous donner deux exemples : un premier à l’étranger et un second au Québec. « Nos équipes basées en Australie (un des principaux pays producteurs d’alumine) travaillent à réduire l’empreinte carbone du procédé de transformation de la bauxite ; ils participent entre autres au développement de calcinateurs électriques et de torches au plasma. »
Plus près, au Québec, Hatch est partenaire du projet d’agrandissement de l’aluminerie AP60 de Rio Tinto au Complexe de Jonquière. À titre comparatif, les cuves « à faible empreinte carbone » d’AP60 sont deux fois moins énergivores pour Rio Tinto que celles de son usine d’Arvida. « Le procédé traditionnel de transformation [de l’alumine en aluminium] prend beaucoup d’électricité ; on parle de 13 000 kWh par tonne », rappelle l’associé de Hatch.
L’aluminium « vert », comprend-on, demeure pour le moment un métal produit avec une empreinte « réduite », sans prétendre au « net zéro ». « Le terme “aluminium vert” est utilisé de manières différentes, par différents producteurs, explique Daniel Richard. Et il y a une bonne part de marketing dans tout cela. » Pour réduire l’empreinte carbone de l’aluminium, poursuit-il, on peut agir tout au long de la chaîne de valeur : lors de la transformation de la bauxite en alumine (qui a lieu à l’étranger), lors de production de l’aluminium en tant que telle, ou encore, de la production de l’aluminium recyclé, postconsommation.
Confidentialité et gestion du risque
Les projets basés sur des technologies émergentes comportent des défis qui leur sont spécifiques. « Un enjeu fondamental est celui de la confidentialité en lien avec la propriété intellectuelle qui sera développée », explique Daniel Richard. Concrètement, Hatch doit pouvoir s’entendre sur les modalités de l’exclusivité recherchée par le producteur de métaux pour qui elle effectue un mandat. Certains producteurs veulent discuter de la propriété intellectuelle sur tout ce qui est développé, incluant des procédés génériques déjà connus et maîtrisés. « Dans ce cas, ça ne fonctionne pas pour nous », prévient l’associé de Hatch. De préférence, la firme de génie-conseil veut pouvoir quitter un projet avec le savoir-faire et les méthodes de calcul développés, afin de pouvoir les appliquer dans une autre industrie ou pour la production d’un autre type d’alliage.
Les projets de technologies émergentes demandent aussi une approche de gestion particulière. « Ces projets sont plus risqués sur le plan de la fonctionnalité, explique-t-il. Nous ne savons pas toujours comment vont réagir les différents systèmes que nous avons conçus, une fois assemblés. Ça prend un cycle de révisions et d’ajustements, parce que ce sont des procédés qui n’ont jamais été mis à l’échelle auparavant. »
En guise de repère, Daniel Richard évoque le principe du « triangle de la gestion », composé des trois pointes suivantes : la fonctionnalité, l’échéancier et le budget. « C’est humainement impossible de faire un projet qui serait à la fois le moins cher, le plus rapide, avec toute l’envergure souhaitée et qui sera de la meilleure qualité. » Donc, en pratique, la firme de génie-conseil doit s’asseoir avec le client et décider quels sont les « moteurs » de décision du projet. « Si la priorité est d’être en production le plus tôt possible et qu’on ne peut pas réduire l’envergure du projet, il faut prévoir un plus grand budget pour les changements et la correction d’erreurs », explique l’ingénieur.
Enfin, un projet de technologies émergentes demande une participation « active » du client. « Le client doit pouvoir partager avec nous l’expertise qu’il a sur ses systèmes et ses procédés. Il est donc essentiel d’avoir une bonne communication tout au long de la réalisation du projet. »