Les jeunes qui reçoivent un héritage ont davantage besoin d’encadrement que pour ceux qui ont bâti leur patrimoine par le travail. (Photo: Adobe Stock)
GESTION DE PATRIMOINE. Ils sont jeunes, ils ont hérité d’une fortune ou, comme entrepreneur, se sont bâti un important patrimoine qu’ils souhaitent maintenant faire fructifier. Comment les pros guident-ils ces jeunes riches dans leur nouvelle réalité?
«On va assister au cours des 10 prochaines années [en raison du vieillissement des Baby Boomers] à l’un des plus gros transferts de patrimoine intergénérationnels de l’histoire», fait remarquer Sylvain B. Tremblay, vice-président, Gestion Privée, chez Optimum Gestion de Placements. «Il m’apparaît évident que la nouvelle génération a une vision fort différente de l’argent de la génération précédente.»
«Ce que je vois dans ma pratique, où mon marché est beaucoup celui des entrepreneurs – dont plusieurs sont jeunes –, c’est que la relation avec l’argent et l’ambition a beaucoup changé d’une génération à l’autre», observe Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille et conseiller principal en gestion de patrimoine, Groupe Plante, à la Financière Banque Nationale.
«Beaucoup de jeunes entrepreneurs ont maintenant comme priorité de vivre une vie riche d’expériences, près de leur famille, avec une définition du succès qui n’est pas nécessairement monétaire», dit-il.
Les gestionnaires précisent qu’il faut faire la distinction entre celui qui a gagné son argent à force de bras et l’autre qui en a hérité. «L’entrepreneur qui a créé lui-même sa richesse va avoir moins tendance à prendre de risques avec ses placements que celui qui a reçu sa fortune en héritage», mentionne Sylvain B. Tremblay.
Il concède que des ajustements devront avoir lieu dans l’approche des professionnels. « Les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas différents de ceux d’autrefois, ils sont attirés par les trucs à la mode, l’immobilier, la cryptomonnaie, etc. »
Sont-ils plus éduqués financièrement? «Peut-être un peu, mais dans ma pratique j’observe que ceux qui pourtant devraient hériter d’ici peu se sont montrés plutôt désintéressés.» Quoi qu’il en soit, note-t-il, les jeunes ont de leur côté l’actif le plus précieux qui soit: le temps. «Leur horizon de placement est immensément long.»
Cimon Plante précise qu’une fois que l’argent nécessaire pour maintenir le style de vie désiré est protégé – avec une stratégie plus conservatrice, l’excédent peut servir à d’autres fins d’investissement. «Ces jeunes-là ont encore le désir d’être actifs, ils ont de l’énergie et vont vouloir investir dans des entreprises, dans des fonds d’investissement privés ou dans l’immobilier, dans des placements alternatifs, être sur des C.A. où ils pourront s’impliquer, mais de façon moins énergivore que par le passé. »
«Avec une personne plus jeune, on peut supposer que sa littéracie financière est moins grande, ce sera donc un aspect sur lequel on va s’attarder», soutient Simon Houle gestionnaire de portefeuille au groupe Onyx, IA Gestion privée de patrimoine.
Pour une jeune personne qui a hérité d’un important montant, on va essayer de le conseiller afin qu’il ne tombe dans des pièges, comme celui du voisin gonflable.
Il reconnaît que les jeunes qui reçoivent un héritage ont davantage besoin d’encadrement que pour ceux qui ont bâti leur patrimoine par le travail. «On va d’abord tenter de protéger le capital et, si la tentation est trop forte, on pourra allouer une petite partie du portefeuille à une plus grande prise de risque.»
«On va s’assurer de travailler en amont avec les jeunes de manière à les coacher et à les éduquer, leur présenter ce que représente la richesse », explique Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuille à Claret. Ces jeunes seront d’abord appelés à se créer un budget. «On va les laisser naviguer pour voir comment ils gèrent leurs dépenses.»
Le gestionnaire va ensuite établir avec eux quels sont leurs objectifs et aligner leur portefeuille en conséquence afin de le pérenniser. Il est certain que la personne qui a travaillé pour son argent, plutôt que d’en hériter, va en connaître davantage la valeur, reconnaît-il. «Ils ont probablement une meilleur écoute et comprendront plus rapidement l’importance de protéger leur capital dans le temps.»
Le gestionnaire observe des différences entre les personnes riches plus âgées et celles plus jeunes. «La société évolue et les personnes d’un certain âge ont traversé des périodes difficiles et ont des styles plus conservateurs.»
Il souligne que ces derniers vont peut-être faire plus attention aux dépenses et maintenir un style de vie plus frugal malgré un important patrimoine. «Ils peuvent avoir une maison ordinaire, effectuer leurs propres travaux d’entretien et avoir 15M$ en portefeuille.»
À l’opposé, il a observé que des jeunes à valeur élevée avaient des styles de vie plus flamboyants. «Ils ont un patrimoine important (4M$ à 5M$), mais vivent de façon plus insouciante», dit-il, sans la crainte de voir leur portefeuille subir une importante dévaluation.