Comment mieux gérer son portefeuille en cette ère de surinformation?
Jean Décary|Publié le 06 novembre 2024« L’enjeu c’est qu’il y a peu d’information utile et beaucoup d’information accessoire », résume Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille et conseiller principal en gestion de patrimoine, groupe Plante, à la Financière Banque Nationale. (Photo: Adobe Stock)
GESTION DE PATRIMOINE. Bombardé par le flux incessant d’information accessible en continu (médias traditionnels et réseaux sociaux) et sur toutes les plateformes (ordinateur portatif, téléphone, tablette et même casque de réalité virtuelle), l’investisseur doit composer avec cette réalité et apprendre à faire fi du bruit ambiant pour éviter de faire dérailler le train de ses placements.
C’est souvent plus facile à dire qu’à faire, que l’on soit riche ou non.
« L’information circule plus rapidement que jamais et en plus gros volume », constate Sylvain B. Tremblay, vice-président, Gestion Privée, chez Optimum Gestion de Placements, qui parle même d’infobésité. À son avis l’investisseur doit limiter son exposition à un certain nombre de sources fiables et prendre du recul. « Il faut digérer l’information avant d’agir. L’investisseur peut discuter avec son conseiller ou des gens de son entourage. »
« L’enjeu c’est qu’il y a peu d’information utile et beaucoup d’information accessoire », résume Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille et conseiller principal en gestion de patrimoine, groupe Plante, à la Financière Banque Nationale.
Il prend en exemple les élections présidentielles américaines et son potentiel impact sur la direction que prendront les marchés boursiers. « C’est de l’info accessoire, c’est du bruit », dit-il. « Personne ne base sa stratégie d’investissement en fonction de qui occupera la Maison-Blanche pour les quatre prochaines années…»
En revanche, fait-il remarquer, de l’information utile concernerait des données sur la rentabilité des entreprises du S&P 500, le PIB, les ventes au détail ou l’inflation. « La Bourse c’est le reflet de la profitabilité des entreprises. Lors des deux premiers trimestres de 2024 les entreprises ont affiché des hausses respectives de leurs bénéfices de l’ordre de 17 % et 10 % respectivement. Ça, ce sont des faits sur lesquels on peut s’appuyer. »
Cimon Plante est d’avis qu’une meilleure éducation financière permet aux investisseurs de mieux faire le tri, de filtrer ce qui relève des ouï-dire ou du bruit ambiant. « Je réalise l’effet des réseaux sociaux et leur biais souvent négatif sur la perception qu’ont les gens du marché boursier ou de l’économie en général. Il y a un flot constant de micro-informations auxquelles ils sont confrontés, comme une chambre d’écho. »
Les plus fortunés sont souvent mieux entourés, par un conseiller ou une équipe. « Ils peuvent parler de leurs préoccupations et on peut les aider à gérer leurs émotions. » Cela n’est pas le cas d’investisseurs avec de plus petits portefeuilles, souligne le conseiller principal en gestion de patrimoine. « De nos jours il suffit d’un simple clic pour vendre ou acheter. »
Même son de cloche pour Sylvain De Champlain, président chez De Champlain groupe financier, qui soutient que le conseiller va venir ajouter de la valeur au portefeuille en agissant comme tampon entre l’investisseur et ses émotions. « On va s’assurer que le client garde le cap. Moi non plus je n’aime pas entendre de mauvaises nouvelles, mais rester pleinement investi c’est la chose à faire. »
Il rappelle qu’un investisseur qui aurait investi 10 000$ en 1986 dans la Bourse de Toronto, se serait retrouvé avec un pécule de 177 410$ en 2022. « Mais s’il avait manqué les 10 meilleures journées en Bourse pendant la période, son pécule vaudrait deux fois moins. S’il avait manqué les 30 meilleures journées, sa fortune vaudrait seulement 35 549$. »
Pour Cimon Plante, une catégorie de gens plus fortunés demeure cependant plus à risque face à la réalité de la surinformation : les jeunes entrepreneurs qui ont vendu leur entreprise ou ceux qui ont hérité d’une somme importante.
« Ils ont plus de temps, mais veulent demeurer actifs et s’impliquer et n’ont pas encore connu de correction de marché. » En revanche, les gens avec des fortunes plus anciennes risquent d’être plus ‘téflon’ par rapport à la surinformation. « Ils ont déjà leurs cicatrices de guerre. Ils ont traversé les crises boursières de 1987, 2001, 2008 et 2020. Ils en ont vu d’autres. »
Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuille à Claret, mentionne que son équipe et lui ne portent leur attention que sur de l’information (des faits) qui a son utilité dans leur méthodologie de placement. « Nous ne prêtons pas d’attention aux anticipations des états financiers. Le reste, si on le lit, c’est pour être à l’affût de ce que les autres pensent, pour savoir sur quelle planète ils s’en vont! »
Selon lui, en finances, on doit se poser les questions suivantes : est-ce que l’information est un fait ou une opinion personnelle ? Est-ce que l’information a été générée par quelqu’un qui gagne à m’influencer ? « En cherchant des faits émis par des individus qui n’ont pas de conflit d’intérêts et qui n’essaient pas de vous vendre des licornes, on arrive à écarter 99 % de la surinformation et de la désinformation. Si on ne se fie qu’à des sources sûres, on réussit à éviter la plupart des pièges. »