Comment mieux écouter dans un monde où personne n’est attentif
Dominic Gagnon|Mis à jour le 19 septembre 2024(Photo: Linkedin sales solutions pour unsplash.com)
EXPERT INVITÉ. Je ne sais pas pourquoi, mais dans les dernières semaines, j’ai pris conscience à quel point les gens semblent de moins en moins pratiquer l’écoute active, voire même l’écoute tout court!
Par exemple, il y a quelques jours, je discutais d’un enjeu important avec une personne au bureau. «Oh oui, tu as raison», me dit-il en hochant distraitement la tête après que je lui ai expliqué mon point de vue. Pourtant, malgré les quelques contacts visuels et le fait qu’il bougeait la tête en disant «mm-hmm», j’étais convaincu qu’il n’écoutait pas vraiment. Je lui ai donc demandé de me résumer ce que je venais de dire, et il me répondit sans gêne: «Je ne sais plus trop, j’étais en train de faire autre chose.» Pas surprenant, considérant qu’entre nous se trouvaient un écran d’ordinateur, son téléphone ouvert et une montagne de distractions. J’avais vu juste: il ne m’écoutait pas vraiment et ses yeux qui vagabondaient sur son écran en étaient la preuve.
Cette situation n’est pas surprenante étant donné que, selon plusieurs études, il semble que seulement 10% des gens écoutent efficacement. C’est fou quand on y pense, surtout lorsqu’on réalise à quel point l’écoute active est cruciale pour mener à bien des projets d’envergure! En tant que personne ayant un TDAH, j’ai aussi toujours eu une grande difficulté à vraiment écouter ce que les gens me disaient. Trop souvent, après quelques secondes, j’étais incapable de ne pas finir les phrases de l’autre dans ma tête ou de les interrompre.
En revanche, dans les dernières années, j’ai compris les conséquences néfastes que pouvait avoir ma mauvaise écoute et j’ai travaillé énormément pour m’améliorer! J’ai aussi compris que ce n’est pas en parlant plus fort que les autres qu’on se fait entendre ; c’est en écoutant ce qui se cache derrière les mots.
La valeur de l’écoute
Trop souvent, nous avons le réflexe de valoriser ceux qui parlent fort et prennent toute la place en réunion, mais pour moi, la vraie force réside dans l’écoute. Écouter, ce n’est pas seulement entendre des mots, c’est aussi capter les émotions, les silences, et les non-dits. C’est souvent dans ces moments subtils que se trouvent les vérités les plus importantes. Si vous ne faites qu’écouter les extravertis et ne prêtez pas attention aux réactions des autres, il est possible que vous ne constatiez pas un inconfort important chez une autre personne ou une approbation subtile. En effet, un regard, un soupir ou un silence peuvent en dire long sur la dynamique d’une équipe ou les besoins d’un client. Ce sont ces indices subtils qui font toute la différence.
C’est ce que j’ai vécu à de multiples reprises, notamment il y a quelques mois lors d’une réunion avec différents membres de mon équipe pour discuter de nos défis technologiques. J’étais convaincu d’avoir une bonne compréhension de la situation et des étapes que nous devrions mettre en place. Puis, un développeur, plus réservé, a partagé un point de vue qui m’a fait complètement revoir mon opinion. Si je n’avais pas pris le temps d’écouter, nous serions passés à côté d’une opportunité majeure. Ça m’a rappelé que les meilleures idées ne viennent pas toujours de ceux qui parlent le plus fort.
C’est aussi pour cette raison que lorsque je recherche de nouveaux employés chez Connect&GO, je pense en priorité aux personnes qui savent écouter. Non seulement les personnes qui savent écouter apprennent plus vite, mais elles travaillent plus efficacement en équipe, et elles entendent vraiment les commentaires des clients. Elles contribuent aussi à la création de notre culture d’entreprise: une culture dans laquelle les gens se sentent valorisés, engagés et motivés par leur travail.
Ainsi, après plus de 20 ans comme entrepreneur, j’ai maintenant la certitude que l’écoute est l’un des plus grands leviers pour évoluer. Vous ne pourrez pas devenir un leader sans écouter attentivement vos équipes, mais aussi vos clients. C’est cette écoute qui vous permettra de comprendre réellement leurs besoins et de faire les ajustements nécessaires.
Écouter pour mieux diriger
Être un bon auditeur en tant que leader ne signifie pas juste hocher la tête et dire «mm-hmm». Ça signifie vraiment se connecter avec l’autre, créer un espace où l’autre se sent entendu. Je me souviens d’un moment où un employé m’a dit: «tu sais, Dom, je me sens enfin entendu ici». Ce commentaire m’a frappé, parce que, malgré mes efforts pour être à l’écoute, je sais que je suis encore loin d’être parfait.
C’est pour cette raison qu’aujourd’hui nous organisons des sessions de rétroaction et de partage avec nos équipes. Lors de ces moments, l’équipe de leadership doit s’assurer d’être en mode écoute active pour obtenir de bons retours sur nos produits ou encore pour discuter de problématiques internes. On oublie trop souvent que l’écoute, c’est aussi laisser de la place aux autres, même dans les moments de désaccord. J’ai dû m’entraîner à ne pas toujours vouloir avoir le dernier mot et à accepter que, parfois (souvent), mes idées ne soient pas les meilleures.
La différence entre écouter et écouter de manière exceptionnelle
Il existe une différence entre écouter passivement et écouter activement. La vraie écoute, celle qui transforme les relations professionnelles, c’est celle où l’on capte non seulement les mots, mais aussi le contexte émotionnel. On parle souvent d’écoute à 360°.
Quand je pense à l’écoute, je me rappelle aussi de mes propres défis en tant que personne TDAH. Pour moi, écouter attentivement n’est pas naturel. C’est un effort conscient et constant. J’ai personnellement même dû recourir à du coaching et à l’aide d’une psychologue pour développer cette capacité chez moi. Ce n’est pas encore parfait, mais aujourd’hui, l’écoute active fait partie de mon quotidien.
Voici quelques techniques que j’utilise pour améliorer mon écoute chaque fois que je me surprends à ne pas écouter, en espérant que cela pourra aussi vous aider:
- Regardez dans les yeux. N’oubliez pas de fermer, d’éteindre ou de faire taire toutes les distractions possibles: ordinateurs, téléphones et tout autre appareil susceptible d’attirer votre attention. Une simple distraction momentanée peut totalement perturber votre concentration (du moins, la mienne). Éliminez donc toute tentation.
- Attendez que quelqu’un ait vraiment fini de parler pour répondre. «La plupart des gens n’écoutent pas avec l’intention de comprendre; ils écoutent avec l’intention de répondre.» — Stephen Covey. Parfois, on a l’impression que l’autre personne a juste envie de s’exprimer au moment où nous reprenons notre souffle. Au lieu d’écouter, elle décide de ce qu’elle va dire ensuite. Avant même de réfléchir à votre réponse, attendez que votre partenaire ait terminé.
- Posez des questions ouvertes. Ne vous contentez pas de réponses superficielles. Poser des questions telles que «comment te sens-tu par rapport à ça?» ou «que penses-tu que nous pourrions améliorer?» Cela ouvre la porte à des échanges plus profonds et honnêtes.
- Observez les signaux non verbaux. L’essentiel de la communication ne passe pas par les mots. Les postures, les gestes et même le ton de la voix peuvent en dire long sur l’état d’esprit de votre interlocuteur. N’hésitez pas à les aborder. Un simple «je remarque que tu sembles préoccupé, tout va bien?» peut faire toute la différence.
- Adaptez votre ratio écoute/parole. Les leaders qui réussissent sont ceux qui écoutent plus qu’ils ne parlent. C’est en écoutant que l’on apprend, et c’est en apprenant que l’on évolue. Essayez de parler moins et d’écouter deux fois plus.
En conclusion, être un auditeur actif et attentif est une compétence qui se travaille et se développe. Ce n’est pas toujours naturel, surtout dans un monde où tout va trop vite et où le bruit est constant. Mais c’est précisément en prenant le temps de vraiment écouter que l’on se démarque. En tant que leader, c’est notre responsabilité de créer un environnement où l’écoute est valorisée et encouragée, parce que c’est en écoutant qu’on devient plus forts, ensemble.