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Les clients veulent des cabinets plus engagés

Jean-François Venne|Édition de la mi‑mai 2021

Les clients veulent des cabinets plus engagés

«Dans presque tous les cas, le client potentiel va nous poser des questions sur les engagements ESG du cabinet, en particulier sur le sujet de la diversité», dit Me Simon Seida, associé chez Blakes.

LES GRANDS DU DROIT. Les clients recherchent de plus en plus des cabinets d’avocats qui épousent les mêmes valeurs environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) qu’eux. Cela se reflète dans les bureaux québécois où les initiatives fleurissent, entre autres pour favoriser la diversité et l’inclusion.

Me Anne Drost, associée chez Blake, Cassels & Graydon (Blakes), soutient que les clients ont des exigences liées aux critères ESG depuis longtemps. Elle constate cependant que cette préoccupation est plus présente que jamais. « La pandémie, notamment, a amplifié les questions ESG, tout comme les mouvements sociaux qui ont suivi la mort de George Floyd aux États-Unis », ajoute-t-elle. 

Si les questions environnementales ont trôné en tête de lice des demandes des clients ces dernières années, les requêtes concernant la diversité et l’inclusion augmentent rapidement. Cela se manifeste même sur les appels d’offres des grandes multinationales et des entreprises cotées en Bourse. 

« Dans presque tous les cas, le client potentiel va nous poser des questions sur les engagements ESG du cabinet, en particulier sur le sujet de la diversité, précise Me Simon Seida, lui aussi associé chez Blakes. Ils veulent savoir si le bureau favorise la parité hommes-femmes dans sa gouvernance et sa direction ou encore si des avocats issus de la diversité compteront parmi les responsables du dossier. »

 

Intervenir en amont

Selon Me Drost, les clients y voient une question de justice, mais également un avantage d’affaires. « Des recherches ont démontré ces dernières années que des équipes diversifiées sont meilleures pour résoudre les problèmes et obtiennent des résultats plus intéressants, indique-t-elle. Or, nos clients vivent des défis très complexes, donc ils souhaitent bénéficier d’équipes composées de professionnels dotés de différents profils. »

Pour augmenter sa diversité à l’interne, Blakes agit très en amont, avant même le recrutement, avec des initiatives qui visent les étudiants. Le cabinet a notamment créé une bourse à l’Université McGill pour soutenir un étudiant en droit qui a dû affronter des obstacles systémiques dans son parcours de vie. La firme a également instauré un programme de stage annuel pour les Autochtones, afin d’en attirer davantage dans la profession.

Les comités de recrutement reçoivent des formations sur les biais inconscients, l’équité, la diversité et l’inclusion. Mais une attention particulière est aussi portée aux conditions dans lesquelles les avocats évoluent après leur embauche. « Tous nos groupes de pratique utilisent un système de répartition du travail basé sur la capacité et la disponibilité des nouveaux avocats, plutôt que sur leur relation avec un collègue plus ancien ou un donneur d’ouvrage, afin d’éviter les biais », confie Me Seida.

 

Agir dans la société

De son côté, le cabinet Davies, Ward, Phillips & Vineberg a créé, ces dernières années, des groupes ou des réseaux d’affinité en interne pour les femmes, les personnes LGBTQ2, les Autochtones et les Noirs. 

Me Philippe Johnson, associé directeur du bureau de Montréal de Davies, croit comme les deux associés de Blakes que l’un des défis reste de susciter des vocations chez les jeunes issus de certaines communautés, qui n’ont peut-être pas le droit sur leur radar. « Dans certains milieux, on trouve peu d’avocats et encore moins d’avocats d’affaires, donc les jeunes manquent de ce type de modèle et ne pensent pas qu’ils peuvent choisir cette carrière », avance-t-il.

En plus de s’appliquer à augmenter la diversité dans ses rangs, Davies a soutenu dernièrement à titre « pro bono » des causes liées à des questions de diversités ou de discrimination. Ces causes sont souvent amenées par les avocats, qui peuvent eux-mêmes provenir de la diversité ou se sentir particulièrement interpellés par ces sujets. 

Un avocat du bureau a par exemple représenté Égale Canada, une organisation de défense des droits des LGBTQ2 dans la contestation du Centre de lutte contre l’oppression des genres (CLOG) contre le gouvernement du Québec. Le CLOG tente de faire invalider onze articles du Code civil, qui portent entre autres sur l’inscription des naissances et des décès et les modifications de nom. En janvier dernier, la Cour supérieure du Québec a rendu un jugement qui tranchait largement en faveur du CLOG.

Deux avocates de Davies ont également accompagné des membres des équipes nationales de natation artistique du Canada dans une action collective intentée contre l’organisation Natation artistique Canada, en lien avec des abus et du harcèlement que des nageuses auraient subi de la part de personnes en situation d’autorité, dont des entraîneurs.

« Nous souhaitons bien sûr aider les victimes dans ces causes, souligne Me Johnson, mais aussi mettre notre expertise au service de changements sociaux ou organisationnels, afin de favoriser la diversité sociale et contrer la discrimination. »