«[Les repreneurs] ne doivent pas oublier pourquoi ils ont acquis l’entreprise et la vision stratégique qu’ils ont développée en amont», selon Vincent Lecorne, PDG du CTEQ. (Photo: courtoisie)
TRANSFERT D’ENTREPRISE: GROS PLAN SUR LE REPRENEURIAT. L’excitation est à son comble: la reprise a été conclue et l’aventure à la tête de l’entreprise commence, mais la réalité rattrape rapidement le repreneur. Il faut maintenant gérer.
S’embourber dans les opérations quotidiennes constitue alors un danger. « Je n’aurais jamais pensé que les tâches administratives allaient me prendre autant d’énergie et me causer autant de stress. Je les avais sous-estimées », confie Steve Legault, qui a pris la tête de Normex Metal à La Sarre, en Abitibi, avec deux autres personnes.
Ce problème, le PDG du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ), Vincent Lecorne, l’identifie comme l’un des enjeux majeurs après une reprise. « Ce qui ressort beaucoup avec les nouveaux propriétaires, c’est la difficulté de ne pas sombrer trop vite dans l’écueil de la gestion, observe-t-il. Ils ne doivent pas oublier pourquoi ils ont acquis l’entreprise et la vision stratégique qu’ils ont développée en amont. »
D’où l’importance d’être bien épaulé. « Le meilleur conseil que je pourrais donner, c’est de s’entourer de professionnels, car on ne connaît pas tout. Bien souvent, on sait le métier, mais on peut avoir des lacunes en gestion et s’enfoncer rapidement », précise Steve Legault, dont l’entreprise compte 45 employés. Il s’est donc tourné vers un cabinet comptable ainsi que vers le Réseau des SADC et CAE (Sociétés d’aide au développement des collectivités et Centres d’aide aux entreprises).
Ce constat est encore plus vrai lorsqu’il ne s’agit pas d’une reprise par des employés.
Les nouveaux dirigeants doivent alors souvent se familiariser avec les lois et règlements du secteur. « Un gros défi des entrepreneurs, c’est la paperasse administrative, affirme Pascal Harvey, directeur général du Réseau des SADC et CAE. C’est fou comme cela étouffe les entrepreneurs. Il en a moins qu’avant, mais il en faudrait encore moins. »
Même s’il n’existe pas un programme gouvernemental à proprement dit visant à aider les repreneurs après un transfert d’entreprise, les SADC, CAE et le CTEQ proposent de l’accompagnement. Celui-ci peut consister en une aide financière pour le développement de l’entreprise ou encore un apport en ressources humaines (conseillers fiscaux, consultants, psychologues industriels, etc.).
Passer le flambeau
L’engagement de l’ancien propriétaire au cours des années qui suivent la reprise est aussi gage de réussite. Il peut faciliter les contacts avec les fournisseurs et les clients, ainsi que donner son avis sur les décisions à prendre pour que l’entreprise progresse.
Cette formule a bien fonctionné chez Construction Gauthier, à Saguenay. « Je suis demeuré à la direction du développement des affaires, mentionne Richard Gauthier, qui a cédé l’entreprise familiale à son fils, son neveu et deux autres employés en 2018. Je suis resté impliqué en transférant mon réseau de contacts et mon savoir à la prochaine génération. »
« C’est un scénario gagnant-gagnant », estime Richard Gauthier. En effet, en plus des bénéfices évidents pour l’entreprise, celui qui la cède en tire aussi des avantages. C’est une façon douce de couper le cordon et d’occuper ses journées en attendant de se découvrir d’autres passions. C’est aussi un moyen de s’assurer de la santé financière de l’entreprise, dont dépend en quelque sorte la finalisation des derniers paiements prévus lors de l’achat.
« On voit souvent des cas où il y a de belles histoires de collaboration entre l’ancienne et la nouvelle génération », assure Vincent Lecorne.