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Pas de répit pour le repreneuriat en pandémie

Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑mai 2021

Pas de répit pour le repreneuriat en pandémie

Certains repreneurs s’intéressent énormément aux entreprises touristiques, aux commerces de proximité et au secteur de l’agroalimentaire. (Photo: 123RF)

TRANSFERT D’ENTREPRISE: GROS PLAN SUR LE REPRENEURIAT. La pandémie de COVID-19 ne semble pas avoir ralenti le phénomène du repreneuriat en région au Québec. Bien au contraire.

« C’est une tendance nouvelle ; il y a un engouement pour les régions. Il y a beaucoup d’entreprises qui se vendent, c’est le même phénomène que pour les maisons ! » s’exclame Hélène Deslauriers, conseillère spéciale au Réseau des SADC et CAE (Sociétés d’aide au développement des collectivités et Centres d’aide aux entreprises).

Selon elle, les repreneurs s’intéressent surtout aux entreprises touristiques, aux commerces de proximité et au secteur de l’agroalimentaire. « En agriculture, il y a beaucoup de relève familiale, précise la conseillère. De manière générale, il y a beaucoup d’employés qui veulent être leur propre patron. »

Cet engouement pour le repreneuriat est bien réel, d’après le PDG du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ), Vincent Lecorne. « Cela semble s’accélérer, note-t-il. Il y a eu le choc du printemps 2020, puis on a vécu une reprise en automne. Et ce printemps, on sent que les appels et les inscriptions repartent. Le CETQ est très occupé ces temps-ci. »

Vincent Lecorne souligne que les différentes aides gouvernementales d’urgence permettent de soutenir une bonne partie de l’économie. « Cela offre des occasions d’affaires », fait-il remarquer.

Un avis partagé par la directrice générale de la SADC d’Abitibi-Ouest, Thérèse Grenier.

Thérèse Grenier, directrice générale de la SADC d’Abitibi-Ouest (Photo: courtoisie)

« Les programmes gouvernementaux ont beaucoup aidé, mentionne-t-elle. Il existe des conditions de financement facilitantes, comme des garanties de prêts qui favorisent l’entrepreneuriat. »

D’ailleurs, le nombre de prêts attribués par les SADC du Québec a augmenté dans les dossiers de reprise : il y en a eu 354 entre avril 2019 et mars 2020, contre 590 pour la même période en 2020-2021.

 

« Certains sont fatigués »

Le grand nombre de déménagements en région a probablement été favorisé par les mesures sanitaires qui ont affecté davantage les grands centres et qui ont accru le désir de vivre loin du bruit de la ville, augmentant le bassin de repreneurs potentiels. Mais la pandémie a aussi entrainé une lassitude chez certains dirigeants qui songeaient peut-être déjà à laisser leur entreprise.

« Il y a eu un essoufflement, car relancer une entreprise après une pause, c’est beaucoup de travail, constate Thérèse Grenier. Certains pensaient peut-être à la relève dans cinq ans et c’est officiel que cela a accéléré la transition. »

La crise sanitaire a aussi bouleversé les façons de faire des affaires. « Ce qui caractérise la période de pandémie, c’est l’intégration des technologies dans le modèle d’affaires des entreprises, affirme le directeur général de la SADC des Îles-de-la-Madeleine, Daniel Gaudet. Il y a 60 dossiers d’entreprises qui misent sur le commerce électronique dans ma région. C’est énorme pour notre bassin de population. »

Dans un contexte de transition technologique et de la montée en popularité rapide du commerce en ligne et du télétravail, il n’est pas surprenant que davantage de propriétaires de PME plus âgés aient envie de passer le flambeau. « Avec la pandémie, certains sont fatigués. Ils ont dans la soixantaine et ils ne veulent plus se battre pour faire face à de nouveaux défis technologiques et s’attaquer à de nouveaux marchés », remarque Vincent Lecorne.

Sur le terrain, ceux déjà engagés dans une reprise ont parfois été freinés par la COVID-19. « La pandémie nous a retardés d’environ huit mois, estime Steve Legault, qui a repris Normex Metal à La Sarre, en Abitibi, avec deux autres personnes. On devait faire faire une étude environnementale par SNC Lavalin, mais c’était impossible pour eux de se déplacer pour venir faire l’analyse de sol durant le confinement. »

Malgré ces embûches, il semble que de nombreux jeunes reviennent en région et en profitent pour reprendre des entreprises existantes. « Les repreneurs sont un peu plus jeunes qu’avant. Et c’est mieux ainsi. Il y aura une pérennité plus durable si c’est une personne d’une trentaine d’années qui reprend l’entreprise plutôt qu’une personne un peu plus âgée », fait remarquer Hélène Deslauriers avec optimisme.