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Cours 101 pour lancer un premier projet d’IA

Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑Décembre 2023

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. Les experts pressent les entreprises à faire le saut, mais par où commencer?

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. Les experts en intelligence artificielle (IA) pressent les entreprises de sauter sur la patinoire de l’IA, même si le coup de patin est hésitant, qu’il y a une partie en cours et que les règles du jeu seront sujettes à changement dans l’année à venir. Voici donc des conseils pour lancer un premier projet d’IA. 

« Aujourd’hui, une entreprise ne peut pas se permettre de ne pas avoir un pied dans l’IA, annonce Mike Cloutier, directeur des données et de l’IA de la firme de consultation Moov AI. Elle peut choisir l’intensité avec laquelle elle fait le saut, mais elle doit le faire. Il y a vraiment un sentiment d’urgence d’agir. Autrement, ses compétiteurs et le marché vont la devancer. » 

Hugues Foltz, vice-président directeur de Vooban, renchérit sur le dernier point. « Dans les années 1990, les entreprises les plus performantes étaient les data-driven companies ; elles prenaient des décisions basées sur les données. Aujourd’hui, nous sommes à l’ère des AI-driven companies. Les entreprises qui basent leurs décisions sur ce que les algorithmes leur suggèrent sont déjà plus performantes et seront presque impossibles à suivre dans quelques années. » 

Voilà pour l’urgence d’agir. Le directeur de Moov AI voit deux portes d’entrée à l’IA : la première voit des entreprises plonger très rapidement dans le bain (« parfois trop », concède-t-il) en cherchant à « créer de la valeur commerciale ». L’autre porte consiste à adopter une approche 360, en établissant d’abord les bases humaines et structurelles avant d’activer la valeur.

« Souvent, les entreprises vont commencer par l’un ou par l’autre, note Mike Cloutier. Or, si on s’inspire des chefs de file en intelligence artificielle, la meilleure stratégie est un mélange des deux méthodes : commencer à créer de la valeur pour un premier cas d’usage tout en bâtissant les fondations d’un déploiement de l’IA à l’échelle de l’entreprise. »

 

L’art de choisir son premier projet

Depuis le lancement de ChatGPT, Hugues Foltz a vu une augmentation du nombre d’entreprises qui songent à lancer un premier projet d’IA. « Ils se demandent par où commencer, comment générer de la valeur et comment gérer les risques associés à l’IA. Ce sont les bonnes questions à se poser. » 

Le choix du premier projet est critique, insiste le VP de Vooban. D’une part, le risque inhérent au projet doit être proportionnel à la maturité technologique de l’entreprise. D’autre part, il faut savoir « s’attaquer aux bons problèmes ». « Si on n’est pas en train de régler un problème d’affaires, que ce soit lié à la productivité, au manque de main-d’œuvre ou à un autre aspect de l’entreprise, on a manqué son coup. » 

Un premier essai couronné de succès servira à mobiliser l’organisation pour la suite. « Les entreprises veulent sécuriser une série de victoires avec des projets qui créent de la valeur commerciale, explique Mike Cloutier. Ces projets sont accompagnés d’un plan de communication bien ficelé pour faire rayonner et grandir l’IA dans l’organisation. »

 

Les fondations, un chantier à long terme 

Idéalement, la stratégie d’un rendement de l’investissement rapide devrait aller de pair avec une planification à moyen et à long terme, insiste le directeur de Moov AI. Pour jeter les fondations d’une pleine adoption de l’IA, le consultant voit trois axes à couvrir : celui humain (« s’entourer de gestionnaires de projets, de scientifiques de données, d’experts sectoriels, d’architectes d’infrastructures, etc. »), celui des infrastructures (« se doter d’une gouvernance des données et de règles éthiques ») et celui des processus (« comment va-t-on faire pour dupliquer un projet-pilote dans les autres unités d’affaires? »). 

L’enquête sur le marketing numérique 2023 de Varibase donne une idée de l’avancement du chantier de fondation au sein des entreprises québécoises : les trois quarts des répondants (74 %) n’ont toujours pas adopté de « stratégie claire et formalisée dédiée à l’intelligence artificielle », 55 % n’ont pas de personne responsable ou de division IA et 80 % n’ont pas adopté de politique formelle sur utilisation de l’IA. 

« Nous sommes en train de bâtir des applications avec une technologie inédite, qui aura des impacts en amont ou en aval de la chaîne de valeur, souligne Mike Cloutier. Tout projet doit être accompagné d’une démarche éthique qui est non négociable. » En même temps, le directeur de Moov AI rappelle qu’il n’y a pas de « recette magique » pour déployer l’IA. « Si on regarde le parcours des chefs de file, on se rend compte qu’ils jonglent entre l’art et la science pour propulser l’innovation dans leur entreprise. »