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Pour germer, l’innovation requiert plusieurs acteurs

Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑Décembre 2023

Pour germer, l’innovation requiert plusieurs acteurs

Le concept de « ferme verticale » est rentable en lui-même, et ce, même s’il est déployé avec une intervention humaine, assure Yves Daoust. L’utilisation de l’IA vise à aller chercher un 20 % de rentabilité supplémentaire afin de rendre le projet à la fois commercialisable et exportable. (Photo: courtoisie)

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. L’équipe de Ferme d’hiver répète à qui veut l’entendre qu’un projet d’innovation « ne peut se faire seul » et que « la collaboration est la clé ». Nous avons rencontré ses membres pour mieux comprendre comment ils sont parvenus à mettre en place leurs partenariats de recherche et d’affaires, et ce qu’ils en ont tiré.

Ferme d’hiver est une entreprise d’« agtech » fondée en 2018, avec l’ambition de développer un procédé d’agriculture « verticale » pour faire pousser des fruits ou des légumes en toute saison, dans une salle où tous les paramètres de croissance sont contrôlés par l’intelligence artificielle (IA). « Notre objectif est d’offrir aux maraîchers une technologique “clé en main”, leur permettant d’avoir une production constante, prévisible et saine tout au long de l’année », explique Daphné Mailhot, directrice de la commercialisation de Ferme d’hiver.

Le fondateur et chef des technologies, Yves Daoust, a d’abord prouvé son concept par une culture de fraises dans le cadre d’un projet-pilote mené dans une petite ferme laboratoire à Candiac. Fort de ce succès, l’entrepreneur a établi un premier partenariat d’affaires en s’associant, puis en rachetant l’ancienne ferme familiale que ses parents avaient vendue 40 ans plus tôt. « Nous voulions démontrer la fiabilité de notre procédé à l’échelle industrielle, explique-t-il. Les Serres Vaudreuil sont devenues un centre d’innovation où nous confrontons nos idées à la réalité des maraîchers. »

 

Une rentabilité dopée à l’IA

Le concept de « ferme verticale » est rentable en lui-même, et ce, même s’il est déployé avec une intervention humaine, assure Yves Daoust. L’utilisation de l’IA vise à aller chercher un 20 % de rentabilité supplémentaire afin de rendre le projet à la fois commercialisable et exportable.

À terme, les algorithmes modélisés par Ferme d’hiver doivent permettre à un maraîcher de déterminer les conditions optimales de croissance de sa culture verticale (exposition au soleil, au vent et à la pluie), puis de les automatiser de manière mécanique, dans une boucle de rétroaction.

Pour développer ce volet essentiellement technologique, Ferme d’hiver a établi deux types de partenariats de recherche. Le premier vise à résoudre des problèmes ponctuels à court terme, en passant par le programme de recherche collaborative du Mitacs. « Quand tu endosses un étudiant du Mitacs, il fait sa thèse de maîtrise ou de doctorat sur ton problème d’affaires. En 2019, nous avons reçu un étudiant de l’ETS qui avait une maîtrise en efficacité énergétique. Cette personne a fait la modélisation énergétique de notre système et nous l’avons embauché par la suite. Ç’a été extrêmement rentable pour nous, car il comprenait notre procédé de A à Z. »

L’autre type de partenariat réside dans des chaires de recherche. Il a pour objectif de résoudre des défis d’innovation plus importants. « La littérature existante nous explique comment une fraise fonctionne dans un champ ou dans une serre, mais pas à l’intérieur, dans un environnement entièrement contrôlé », explique Yves Daoust.

L’équipe de Ferme d’hiver a donc entrepris de modéliser le comportement du fameux plant d’intérieur en lui créant un « jumeau numérique » afin de comprendre l’effet de chacun des stimuli. Cette étape a été rendue possible grâce à la participation des professeurs en modélisation logicielle Houari Sahraoui et Eugène Syriani, du Département d’informatique et de recherche opérationnelle de l’Université de Montréal. En cours de route, l’entreprise a aussi bénéficié du savoir de chercheurs associés aux universités HEC Montréal, Laval et McGill.

 

Trouver des maîtres d’œuvre

Passant de la théorie à la pratique, Ferme d’hiver est actuellement en train d’opérationnaliser sa boucle de rétroaction avec deux partenaires industriels principaux : Collabora, qui se spécialise en dispositifs de caméra fixe et en lunettes de réalité augmentée pour observer la croissance des plants, et Axceta, qui accompagne les entreprises qui veulent bâtir des plateformes d’Internet des objets.

« Nous faisons du codéveloppement de produits, où tout le monde assume ses dépenses, explique Yves Daoust. Dans le cas de Collabora, nous avons obtenu une subvention conjointe, qui n’implique aucun lien d’affaires. Dans le cas d’Axceta, nous les avons embauchés selon une entente très favorable pour nous, parce qu’ils récupèrent l’usage du code développé pour d’autres clients, incluant d’autres types d’exploitation agricole. »

Depuis le début du projet, le défi est d’arrimer la technologie à la réalité agricole. « Notre stratégie est de mettre en place une dynamique de développement de produits avec des gens dont les visées et le mode de pensée sont agricoles », résume le chef de la technologie de Ferme d’hiver.