(Photo: 123RF)
Las Vegas — «C’est un thermomètre émotionnel», résume Antony Perzo au sujet d’Emobot, un appareil capable d’analyser les émotions des humains, l’un des derniers champs d’application conquis par l’intelligence artificielle (IA) au CES, le salon des technologies de Las Vegas.
Emobot, qui ressemble à une enceinte ou à une sculpture minimaliste, fait de la «veille émotionnelle en continu» grâce à une caméra et des micros, explique le jeune directeur technologique de cette entreprise française.
Il sert à détecter d’éventuels troubles psychiatriques chez les personnes âgées, comme la dépression ou l’anxiété.
Posé sur un meuble, le robot passe sa journée à surveiller les expressions du visage, les mouvements de la personne, le ton de sa voix pour repérer d’éventuels changements significatifs du comportement et ainsi éviter des hospitalisations d’urgence.
Antony Perzo et les trois autres cofondateurs d’Emobot espèrent apporter une réponse aux risques liés à la solitude et à la désertification médicale.
Leur appareil, déjà testé dans des EHPAD et chez des particuliers, doit permettre d’ajuster des traitements et thérapies sans attendre la prochaine visite du psychiatre.
Les algorithmes sont capables «d’analyser les microexpressions faciales» qui reflètent les émotions humaines, elles-mêmes un miroir de notre «état psychologique et psychiatrique», détaille l’ingénieur.
Dans le domaine de la santé, l’IA, capable de récolter et d’analyser en temps réel des volumes importants de données, sert depuis longtemps à réaliser de nombreux diagnostics, des cancers aux analyses d’urine.
«En tant qu’humains, nous ne pouvons tout simplement pas traiter toutes les informations que nous générons. Nous avons besoin d’aide», constate Steve Koenig, vice-président chargé de la recherche à la Consumer Technology Association (CTA), qui organise le CES.
Corps, esprit, IA
L’expression «intelligence artificielle» est remise en cause par de nombreux scientifiques, qui y voient avant tout un outil de marketing pour les entreprises. Au CES, des brosses à dents aux tracteurs, rares sont les gadgets et services qui n’ont pas d’IA.
Nufa se définit par exemple comme un «pionnier de la transformation du corps par l’IA»: cette application mobile propose aux utilisateurs de retoucher leur photo pour se visualiser avec un corps mince et athlétique, et se motiver à suivre un plan sur 90 jours pour obtenir ce résultat «dans la vraie vie».
Mais l’IA «n’est pas seulement un mot à la mode pour remporter son bingo du CES», remarque l’analyste indépendant Avi Greengart.
Cette technologie «est utilisée dans les caméras des smartphones. Dans les usines pour repérer les produits défectueux. Dans l’agriculture pour identifier les mauvaises herbes et les asperger de désherbant. L’IA est là, et bien là.»
Emil Jimenez a fondé MindBank Ai dans une «quête d’immortalité», «pour que (sa) fille puisse toujours poser une question à son papa».
Son application permet d’enregistrer ses réponses à des questions personnelles (par exemple: «Que signifie aimer pour vous?») afin de «sauvegarder à jamais votre esprit sur le cloud».
Mais au-delà de cette ambition, le service a conquis son public sur la promesse de mieux se connaître soi-même… de son vivant. L’appli comporte un modèle psycholinguistique qui analyse les mots des utilisateurs pour décoder leurs émotions.
Foule sentimentale
L’IA peut aussi servir à comprendre les émotions de la foule. L’outil Ask Polly, de l’entreprise canadienne Advanced Symbolics, réalise des études de marché en quelques minutes.
L’utilisateur lui pose une question — par exemple, «Est-ce le bon moment pour acheter un appartement?» ou «Les criminels mineurs doivent-ils aller en prison?» — et le programme scanne les réseaux sociaux (Twitter, TikTok, Reddit et Instagram) pour analyser l’opinion publique, finement et à grande échelle.
En 2022, les algorithmes de création automatisée ont suscité l’émoi, notamment ceux de la société californienne OpenAI avec GPT-3 pour la génération de textes, et DALL-E pour la génération d’images.
La start-up française Imki a conçu un spectacle son et lumière pour le Théâtre antique d’Orange où les graphismes interactifs ont été réalisés grâce à des programmes de ce genre.
«Cela permet de créer du contenu vite avec des coûts de production très réduits. Le directeur artistique a un choix d’images très large en très peu de temps», souligne Marie Lathoud, directrice marketing d’Imki.
Elle voit dans l’IA un outil au service des artistes.
Saket Dandotia, directeur des opérations de Magnifi, reconnaît que l’IA générative représente une «menace pour les designers, qu’elle va remplacer», à l’instar des robots dans les usines.
Son équipe a créé Strobe, un logiciel de création automatisée de vidéos. «Pour nous, l’IA est une immense opportunité, qui va transformer toute l’industrie créative», a-t-il indiqué.