Quatre conseils pour se faire financer son projet en IA
Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑Décembre 2022Sylvain Carle, partenaire du fonds de capital de risque dédié aux technologies vertes Innovobot (Photo: courtoisie)
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. Lorsqu’une entreprise décide de commercialiser une solution d’intelligence artificielle, elle s’aventure dans un marché émergeant parfois mal compris des investisseurs et dont les règles sont sujettes à changement. Voici des conseils provenant d’experts et d’entrepreneurs pour vous guider dans vos démarches de financement.
1. Faire une veille des programmes
Le Québec et le Canada sont particulièrement choyés en termes d’aide à l’innovation. Il existe une variété de programmes permanents ou temporaires, ciblant une variété de technologies, de secteurs d’activités et de maturités d’entreprise.
« Il faut éviter de porter des œillères et d’avoir une approche trop restrictive dans sa recherche », dit Nancy Laramée, directrice des partenariats de l’Institut de recherche et de transfert en intelligence artificielle Ivado. La directrice cite en exemple l’entreprise de technologie agricole Logiag, qui a obtenu du financement lié à l’innovation « numérique » (par PROMPT, Ivado et le Mitacs) alors que sa solution s’inscrit plus précisément dans le créneau des technologies « vertes ».
2. Développer ses compétences d’entrepreneur
De plus en plus de chercheurs en IA se laissent tenter par l’appel entrepreneurial et décident de commercialiser eux-mêmes le fruit de leur recherche. Ils doivent développer de nouveaux réflexes et compétences propres au monde des affaires.
« Si on amène une technologie dont personne n’a besoin, ça ne marche pas, prévient Sylvain Carle, partenaire du fonds de capital de risque dédié aux technologies vertes Innovobot. Il faut vraiment valider notre produit sur le marché, en parlant à des clients potentiels pour trouver quelles sont les vraies applications de notre technologie. »
L’ange investisseur rappelle que de nombreuses ressources existent pour aider un chercheur à développer son côté entrepreneur, qu’il s’agisse d’un incubateur ou d’un programme de coaching entrepreneurial. Il invite aussi les chercheurs à s’entourer d’autres entrepreneurs pour mieux comprendre la culture et les défis de ce monde particulier.
3. Comprendre le cadre réglementaire
Nous en parlions en début d’article : les entreprises de technologie de pointe évoluent dans un marché en constant changement. Tant sur le plan législatif que du point de vue de la demande des institutions, des entreprises et des consommateurs. De plus en plus d’États adoptent des lois pour encadrer l’intelligence artificielle et la valorisation des données. Par conséquent, les entreprises doivent pouvoir démontrer à leurs investisseurs ou leurs clients potentiels qu’elles font une utilisation éthique et responsable de l’IA.
En environnement, le cadre réglementaire est aussi très important. « Si une entreprise de technologie verte évolue dans un territoire où il y a un marché de crédits carbone, c’est important pour elle de comprendre que si elle aide une organisation à réduire ses émissions, il y a du financement qui sera relié à cela, explique Sylvain Carle. Et donc, ça doit faire partie du modèle d’affaires de ces entreprises. »
C’est en prenant connaissance d’un cadre changement de réglementation dans l’industrie maritime que l’entreprise True North Marine a décidé de miser le développement d’une solution d’IA visant à réduire l’empreinte carbone des navires de charge. « La plupart des entreprises ont besoin de réduire leurs émissions de 50 % d’ici 2050, ce signifie environ 2-3 % par année, illustre-t-il. Et pour eux, c’est un changement qui est gagnant-gagnant. Lorsqu’ils diminuent leurs émissions, ils réduisent leur facture d’essence par le fait même. »
4. Ne pas attendre d’avoir le produit « parfait »
Une erreur commune des scientifiques est de vouloir avoir un produit « parfait » avant de le présenter sur le marché, note Sylvain Carle. « L’entrepreneuriat est une démarche itérative, rappelle-t-il. L’idée n’est pas donc de demander cinq millions de dollars à un investisseur et de le revoir dans cinq ans. L’entrepreneur doit exposer son hypothèse de départ et ensuite dire quelles étapes il entend suivre pour la valider. »
D’ailleurs, il existe différentes stratégies pour obtenir des fonds tout en développant une solution d’IA. Par exemple, Lux Aerobot est parvenu à financer la conception de certaines composantes de sa plateforme stratosphérique en participant à des projets de recherche.
« Faire des projets de recherche, des projets de démonstration et des projets pilotes est ce qui nous a permis de démontrer notre technologie, tout en bâtissant de la propriété intellectuelle et en faisant entrer de l’argent pour continuer à avancer », raconte Vincent Lachance, cofondateur de l’entreprise. Faire entrer de l’argent, rappelle-t-il, est « le nerf de la guerre » pour toute entreprise, peu importe son secteur d’activités !