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Le centre d’achat ne passera pas un mauvais quart d’heure

Claudine Hébert|Édition de la mi‑mai 2021

Le centre d’achat ne passera pas un mauvais quart d’heure

Le centre Eaton, à Montréal (Photo: 123RF)

IMMOBILIER COMMERCIAL. Fermeture complète, puis accès restreint ; les commerces dits non essentiels ont été parmi les plus touchés par les restrictions sanitaires. Ce qui ne veut toutefois pas dire que l’avenir des immeubles qui abritent ces commerces est compromis.

Vincent Chiara, propriétaire du Groupe Mach, est de ceux qui ne s’inquiètent pas du tout du sort des immeubles abritant ce type de commerces. À preuve, au moins 30 % du portefeuille immobilier commercial de l’entreprise – soit neuf millions de pieds carrés – est constitué de divers centres commerciaux tels le Carrefour de l’Estrie, le Carrefour Langelier, le Faubourg Delson et le Centre régional Châteauguay. Cette part pourrait même augmenter au cours des prochains mois, Vincent Chiara ayant récemment signalé son intérêt pour les centres commerciaux Laurier Québec (1,2 million de pieds carrés) et Place Sainte-Foy (près de 600 000 pieds carrés), appartenant tous deux à Ivanhoé Cambridge.

« Les espaces pour les commerces essentiels ou non continuent de présenter un avenir très intéressant, soutient le gestionnaire. Prenez l’exemple de l’engouement vécu en décembre dernier : les centres d’achat étaient bondés avant le reconfinement du temps des fêtes. »

 

Les centres commerciaux conservent leur attrait

Le Grand Montréal est le secteur au pays où les investissements dans les immeubles commerciaux voués au commerce détail ont même été les plus actifs au cours de l’année 2020, selon le plus récent rapport annuel de l’agence immobilière JLL. Les transactions impliquant ce type d’immeuble ont atteint un peu plus de 1 milliard de dollars (G$) pour l’année, précise cette agence de services immobiliers commerciaux. « C’est plus que toute autre ville canadienne », peut-on lire dans son rapport.

Le Carrefour Laval était justement impliqué dans une de ces transactions, Cadillac Fairview ayant cédé 50 % de ses parts à Gestion d’actifs TD pour plus de 252 millions de dollars en janvier 2020. Il s’agissait d’ailleurs de la deuxième plus importante transaction du classement « Les Affaires »-JLR de l’année.

À Groupe Altus, une firme de consultants immobiliers, on croit également au futur des centres commerciaux. « Pourvu que les propriétaires et les locataires perçoivent les signes que leur envoient les consommateurs », soutient Jean-François Grenier, son directeur principal des solutions analytiques.

Depuis 2010, dit-il, les études de la firme montrent que les dépenses pour les vêtements et autres articles de mode sont en déclin (au moins 159 $ par ménage), tout comme celles pour les articles électroniques (256 $ par ménage). « Pourtant, ces types de boutiques continuent d’occuper près des deux tiers de la superficie des centres commerciaux (63 %), signale l’expert en recherche commerciale. À elles seules, les boutiques de vêtements et de chaussures occupent même plus de 50 % de la superficie. Il y a une déconnexion quelque part. »

Ainsi, il n’est pas logique d’associer le déclin de certains centres commerciaux uniquement à la montée du commerce en ligne. À ce sujet, Jean-François Grenier suggère de jeter un coup d’œil du côté de TJX, qui détient les bannières Marshalls, HomeSense et Winners. « Les ventes annuelles, au Canada, sont passées d’un peu plus de 1 G$ à plus de 5 G$ en 15 ans, calcule-t-il. Et ne cherchez pas leur produit sur Internet ; si vous souhaitez dénicher leurs aubaines, la chasse au trésor se déroule en magasin. »

En fait, poursuit Jean-François Grenier, la clé des immeubles qui abritent des commerces non essentiels devra passer par l’expérience client. Que ce soit par la décoration ou la présence de lieux d’activités tels les cinémas, les restaurants et les parcours d’aventure. L’expert cite en exemple le Mail Champlain, à Brossard, une propriété de Cominar, qui a ouvert une succursale de murs d’escalades intérieurs Clip ’n Climb.

Les centres d’achat doivent être revisités, fait aussi valoir Vincent Chiara, car les commerçants ne peuvent plus imposer ce qu’ils veulent aux consommateurs. « Les commerçants qui réussissent, essentiels ou non, sont ceux qui ont compris la place que doit désormais occuper l’expérience client sous leur toit, explique-t-il. Et comme propriétaires, nous devons également nous adapter aux nouvelles réalités. »

« Les détaillants qui survivront à cette époque seront encore plus forts et plus créatifs pour attirer leur clientèle », poursuit Ruth Fischer, première vice-présidente et directrice générale de CBRE Québec.

La dirigeante de l’agence immobilière est même convaincue que les espaces commerciaux vont reprendre leurs activités de plus belle à la fin de la pandémie.

« Nous allons assister à une plus grande diversité de formules, croit-elle. Il ne serait pas étonnant que plusieurs espaces commerciaux situés en périphérie urbaine deviennent, faute d’espaces industriels, des centres de distribution. Les commerces qui vendent en ligne ont besoin de se rapprocher davantage de leur clientèle. »