Bien que les artères commerciales du Vieux-Québec, du Vieux-Montréal et la rue Sainte-Catherine allaient plutôt bien avant la COVID-19, ces zones qui vivent du tourisme risquent de subir les contrecoups de la pandémie. (Photo: 123RF)
IMMOBILIER COMMERCIAL. L’attrait croissant pour l’achat local et le soutien des municipalités et des organismes économiques pour la revitalisation de leur centre-ville pourraient améliorer le sort des commerçants ayant choisi de s’établir sur une artère commerciale.
Déjà malmenées par des taxes et des prix de loyer de deux à trois fois plus élevés que d’autres secteurs, les artères commerciales ont été durement touchées par la pandémie. Au plus fort de la crise, plus de 80 % des commerces des principales artères commerciales de la province ont été obligés de fermer leurs portes.
Glenn Castanheira, directeur chez Ryan Affaires publiques
Depuis, la réouverture de ces commerces reprend lentement. «L’épisode de la COVID-19 pourrait servir la cause de ces commerçants qui ont choisi de s’établir sur une artère commerciale au coeur de leur quartier ou de leur ville», soutient Glenn Castanheira, directeur chez Ryan Affaires publiques. En 2019, ce consultant expert en affaires commerciales urbaines a visité près d’une cinquantaine de villes de la province pour évaluer ce type d’immobilier.
Plusieurs commerçants, explique-t-il, ont bénéficié de la volonté des consommateurs d’acheter local depuis le début du confinement. «Ce qui démontre un fait : les commerces situés sur des artères qui répondent d’abord aux besoins locaux, tout en bénéficiant d’un achalandage mixte de travailleurs et de touristes, ont de meilleures chances de s’en sortir», observe l’expert.
L’avenue Cartier, à Québec, qui affichait un enviable taux d’inoccupation de 3 % avant la COVID-19 est justement un bel exemple d’artère commerciale qui devrait rebondir rapidement. «Notre artère baigne dans un quartier qui regroupe plus de 35 000 résidents, 10 000 travailleurs et quelques milliers de touristes pendant l’été. Grâce à cette mixité de clientèle, près de 40 % de nos 200 commerces et services ont pu garder leurs portes ouvertes pendant le confinement», signale Jean-Pierre Bédard, directeur général de la Société de développement commercial (SDC) Montcalm (Quartier des arts), qui englobe l’avenue Cartier. Il précise que près de 75 % de la clientèle du quartier est avant tout locale.
Les entreprises des principales artères commerciales des centres-villes de Baie-Saint-Paul, de Saguenay (section Chicoutimi) et de Magog devraient également bien s’en tirer, croit Glenn Castanheira. La plupart des commerces de ces artères, soulève-t-il, répondent aux besoins de leur population dans un court rayon et ne dépendent pas d’une clientèle de passage.
Des fermetures à venir
Attention, des fermetures sont toutefois à prévoir. «Au moins 30 %, et peut-être même jusqu’à 50 % des commerces qui se trouvent sur des artères commerciales ne survivront pas à la situation liée à la COVID-19», dit-il.
Qui sera le plus durement touché ? «Toutes les villes du Québec qui souffrent d’une armature commerciale déficiente, comme c’est le cas à Montréal, à Laval et à Longueuil», répond Glenn Castanheira.
Bien que les artères commerciales du Vieux-Québec, du Vieux-Montréal et la rue Sainte-Catherine allaient plutôt bien avant la COVID-19, ces zones qui vivent du tourisme risquent de subir les contrecoups de la pandémie, craint le consultant. Ce sont des pôles suprarégionaux.
Maxime Fabi, directeur général du Groupe Faro, peut en témoigner. Ce commerçant, qui a ouvert une succursale Brûlerie Faro, rue Sainte-Catherine, à Montréal, en 2018, demeure très sceptique quant à l’éventuelle reprise des activités. «Même si nous parvenons à rouvrir cette succursale, j’appréhende un achalandage qui sera loin de justifier le prix que je paie pour le loyer.»
Cet entrepreneur discute actuellement avec le locateur pour trouver un nouveau terrain d’entente. Sa suggestion : réduire le prix du loyer et l’ajuster régulièrement en fonction du retour de la clientèle.
À quand une loi?
Contrairement aux Allemands, qui disposent d’une loi fédérale afin de mieux orchestrer leur développement commercial, le Québec et ses municipalités n’ont jamais mis en place de telles mesures d’urbanisme, déplore le consultant Glenn Castanheira. Beaucoup de commerçants, dit-il, dont les villes ont développé de nouvelles zones commerciales à grande surface près de leur centre-ville, risquent, eux aussi, d’être affectés par les retombées de la pandémie. «De plus, la fiscalité municipale québécoise date de Mathusalem. Par conséquent, il arrive régulièrement qu’un petit commerçant installé au centre-ville paie trois fois plus cher en taxes le pied carré qu’une grande surface. C’est inconcevable !»
La situation pourrait néanmoins s’améliorer avec la création du Regroupe- ment des sociétés de développement commercial du Québec, en octobre 2019. L’organisme réunit actuellement une cinquantaine de SDC.
En attendant, de l’avis de Glenn Castanheira, la COVID-19 donne une belle occasion aux villes, aux municipalités et aux quartiers de faire leurs devoirs et clairement déterminer les catégories d’artères pour en assurer leur diversification et leur viabilité. «Les artères commerciales composées à 80 % de bars, de restaurants et de crèmeries ont paru pendant des années comme étant des rues en santé. Aujourd’hui, leur manque de diversité montre à quel point ces artères sont à un cheveu de s’effondrer si rien n’est fait.»