Des solutions pour stopper l’hémorragie des artères montréalaises
Claudine Hébert|Édition de mai 2020Un des principaux problèmes de Montréal, c’est le grand flou autour de la situation exacte de la vitalité de ses artères. (Photo: 123RF)
IMMOBILIER COMMERCIAL. Réduction de l’étalement commercial, meilleure mixité de commerçants et surtout la création d’un registre commercial sur la teneur et les conditions des baux de locations à l’échelle montréalaise et provinciale afin d’y voir plus clair… voilà entre autres quelques-unes des priorités qui ont découlé d’une vaste consultation publique menée l’hiver dernier auprès des commerçants, des autorités politiques et des citoyens des 19 arrondissements de Montréal.
Dirigé par la Commission du conseil sur le développement économique, urbain et de l’habitation, l’exercice visait à identifier des pistes de solutions à la problématique des locaux vacants sur les artères commerciales du territoire montréalais. À l’aide d’un sondage (plus de 4000 répondants) et de rencontres dans tous les arrondissements, cette consultation a accouché de 38 recommandations qui ont été adoptées par la Commission le 7 mai dernier. Des recommandations qui reposent maintenant dans les mains du comité exécutif de la Ville.
« En ces temps de COVID-19, nous espérons que ces recommandations ne finiront pas sur une tablette », s’exclame Billy Walsh, le président de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal (ASDCM). Formé en juin 2007, cet organisme regroupe aujourd’hui 20 sociétés de développement commercial (SDC), lesquelles totalisent près de 12 500 commerces et places d’affaires. Il s’agit du plus important regroupement d’entrepreneurs de l’agglomération montréalaise. « Le taux d’inoccupation étant déjà élevé sur plusieurs artères, la mise en application de ces recommandations doit être prise très au sérieux. Sinon la situation risque d’empirer », poursuit Billy Walsh qui est aussi directeur général de la SDC Promenade Wellington.
Absence de données
Un des principaux problèmes de Montréal, c’est le grand flou autour de la situation exacte de la vitalité de ses artères, soulève Richard Ryan, président de la commission. Richard Ryan est aussi conseiller de ville du district Mile-End.
Richard Ryan, conseiller de la ville, district du Mile End
« Nous estimons que le taux moyen d’inoccupation des locaux commerciaux oscille actuellement entre 13 % et 14 %. Dans les faits, nous ignorons quelle est la véritable réalité », reconnaît Richard Ryan. Les quelques données sur le marché de l’immobilier commercial, dit-il, proviennent de firmes privées et ne concernent que certains secteurs du centre-ville. « Comme plusieurs villes au Québec, Montréal souffre d’un cruel manque de données et de balises standardisées pour analyser en profondeur sa réelle situation commerciale. Qui sont les principaux propriétaires locateurs, quels sont leurs locaux vacants, quels sont les baux et les conditions de location ? Actuellement, c’est un vrai charivari. Il est donc fortement recommandé que la ville se dote d’un registre à cet égard », indique-t-il.
Trop de commerces?
L’étalement commercial constitue aussi un enjeu majeur. Selon le rapport de l’ASDCM présenté lors de la consultation publique, la superficie commerciale de la région métropolitaine a augmenté de 144 % entre 1980 et 2015. Elle est passée de 18 300 000 pieds carrés à 44 600 000. « Pour la même période, peut-on lire dans le rapport, la population montréalaise n’a cru que de 43 % et son pouvoir d’achat est demeuré presque inchangé. »
« En fait, soutient Billy Walsh, la croissance de la superficie commerciale est telle que Montréal possède aujourd’hui un ratio de pieds carrés commerciaux par habitant démesurément élevé. Pour chaque montréalais, il existe en moyenne 35 pieds carrés de commerces. À titre comparatif, le ratio pieds carrés par personne n’est que de 7 pieds carrés en France et 3 pieds carrés en Allemagne », dit-il.
Le conseiller Richard Ryan craint d’ailleurs la venue d’un développement tel le Royalmount qui se traduira par l’ajout de plus de 1 million de pieds carrés commerciaux sur le territoire. « Cet ajout pourrait entraîner des pertes de ventes de 5 % à 10 % pour les actuels commerces du centre-ville », soulève-t-il.
Enfin, pour assurer la vitalité de ses artères commerciales, Montréal doit se doter d’un outil de développement urbanistique, soutient l’une des recommandations présentées au comité exécutif. « L’avenir des artères des quartiers centraux de Montréal reposera en grande partie sur l’achat local et d’un coup de main de la part de la Ville pour aider les entreprises à entamer leur virage numérique si ce n’est déjà fait », signale Richard Ryan.
Les gens, poursuit-il, réclament désormais des rues piétonnières. Et les batailles pour le stationnement, comme cela a déjà été le cas pour le Plateau Mont-Royal, ne figurent plus parmi les principaux enjeux de la vitalité commerciale de la plupart des quartiers. « Les commerçants sont de plus en plus conscients de l’avantage de bénéficier d’une clientèle locale forte et d’offrir une agréable expérience de consommation à leur communauté. En somme, ce n’est pas l’artère où les voitures roulent à plus de 50 km/h qui va contribuer à cette expérience », conclut le conseiller Ryan.