«Avec la COVID-19, j’ai vu des centaines de clients qui n’avaient jamais franchi la porte de la boutique auparavant. Les gens redécouvrent le secteur», selon Dominique Lauriault, propriétaire, café La Brûlerie. (Photo: courtoisie)
IMMOBILIER COMMERCIAL. Pendant le confinement, certains commerces situés au cœur de leur centre-ville devenu presque désert ont réussi, tant bien que mal, à tirer leur épingle du jeu. De Gatineau à Québec, en passant par Sherbrooke, portrait de trois commerçants demeurés ouverts grâce à leur formule hybride.
Un confinement qui a donné des ailes
Jamais, depuis l’ouverture du café La Brûlerie, en 1997, les affaires n’auront été aussi bonnes pour ce commerce de la rue Saint-Joseph, à Gatineau (secteur Hull). Le propriétaire, Dominique Lauriault, ne s’en cache pas. « Depuis le confinement, les gens ont davantage pris goût à l’achat de produits locaux. Du coup, mon chiffre d’affaires a grimpé d’au moins 50 % », indique le commerçant qui a pu conserver l’ensemble de ses cinq employés. Deux, craignant les risques, ont demandé de rester à la maison.
Certes, la plateforme de commerce en ligne, dont le volume de ventes mensuelles a décuplé, passant de 400 $ à plus de 4 000 $, a contribué au succès de l’entreprise malgré ces temps de crise. Dominique Lauriault demeure toutefois convaincu que c’est avant tout son modèle hybride de café-marché santé qui lui a permis d’être épargné. « Nous avons été la toute première maison de torréfaction à s’être installée en Outaouais. Au fil des années, j’ai tenu à bonifier l’offre commerciale. Aux quelque 70 variétés de grains de café et accessoires pour le préparer, se sont ajoutés du thé, des bières de microbrasseries, des suppléments, des produits pour le corps, du pain, des fromages, des huiles et des vinaigres, des épices et même de la crème glacée », soulève l’entrepreneur.
Établi dans un des cinq secteurs du centre-ville de Hull actuellement visé par des efforts de revitalisation, Dominique Lauriault est conscient de ne pas avoir choisi la plus sexy des localisations en ville. « Mais avec la COVID-19, j’ai vu des centaines de clients qui n’avaient jamais franchi la porte de la boutique auparavant. Les gens redécouvrent le secteur, ce qui pourrait éventuellement se traduire par l’arrivée d’autres commerçants », dit-il.
Heureusement qu’on vendait des grains de café!
Si la dizaine de cafés gérés par la famille Fabi-Robert n’avaient vendu que des boissons, des soupes et des sandwichs, aucun d’entre eux n’aurait sans doute pu garder ses portes ouvertes pendant le confinement. « En fait, nous avons pu maintenir les opérations de trois de nos dix succursales (à Sherbrooke, à Laval et à Québec) grâce à leur section de vente de machines, d’accessoires et de grains de café. Un volet diversifié qui représentait déjà plus 30 % du volume des ventes respectives de ces succursales », indique Maxime Fabi, copropriétaire et directeur général du Groupe Faro.
Bien que l’entreprise essuie une importante perte de revenus, le Groupe Faro garde le moral. (Photo: courtoisie)
Bien que l’entreprise essuie une importante perte de revenus d’au moins 30 % à cause de la situation actuelle – les fermetures temporaires des succursales de la rue Queen, à Lennoxville, de la rue Sainte-Catherine, à Montréal, ainsi que des cinq comptoirs en entreprise font leur effet –, le Groupe Faro garde le moral.
Les ventes en ligne, signale Maxime Fabi, ont explosé de 400 % dès la mi-mars. « Ces ventes ont encore bondi de plus de 115 % au lendemain du lancement du Panier bleu. Cette présence en ligne nous a d’ailleurs permis de maintenir à 50 % nos activités de production. »
Au départ, ajoute-t-il, seulement 10 % des 104 employés ont pu demeurer au travail. Ils sont maintenant plus d’une trentaine. « Avec le déconfinement, nous espérons que l’achalandage nous permettra de doubler notre personnel actuel d’ici la fin de l’été », conclut Maxime Fabi.
Deux minutes de bonheur
Lors de l’annonce du confinement généralisé, les propriétaires du Morena, une petite épicerie traiteur avec section restaurant aux saveurs italiennes de l’avenue Cartier, à Québec, auraient pu tout simplement mettre les clés sous la porte et attendre la reprise des activités. Au lieu de cela, Ariana Morales et Vito Natrella ont décidé de se retrousser les manches.
« Il n’était pas question de fermer notre commerce. Nous avons la chance d’être situés dans un si beau quartier. Ç’aurait été dommage de jeter l’éponge », soulève Ariana Morales.
Dès le 16 mars au matin, le couple a donc mis la section restaurant derrière lui afin de se concentrer sur la vente des produits de la boutique (café italien, huiles, vinaigres, pâtisseries, pâtes fraîches et sèches, vins importés…) et de plats à emporter. Dès la semaine suivante, le service de livraison à domicile et un site transactionnel en ligne étaient mis en place. « Nous avons également changé nos menus, adapté nos plats en formule repas complets. On a même un haut-parleur extérieur, dont on a un peu monté le volume, pour offrir de la musique d’ambiance aux gens qui viennent attendre en ligne », raconte Ariana Morales.
Malgré ces initiatives, certains dommages collatéraux n’ont pu être évités. Les deux propriétaires, en affaires depuis 2006, ont dû mettre à pied temporairement 20 de leurs 24 employés. Deux d’entre eux ont pu être réembauchés à temps plein depuis le week-end de Pâques. Les revenus de l’entreprise ont également fondu d’au moins 20 %.
Quoi qu’il en soit, le couple ne regrette nullement sa décision. « Nous voyons plusieurs nouveaux visages. On estime avoir augmenté de 20 % notre clientèle pendant le confinement. De plus, il faut voir le sourire des gens. Tous ceux qui viennent à la boutique nous remercient d’être restés ouverts. Ils restent seulement deux minutes à l’intérieur, mais, disent-ils, c’est un deux minutes de bonheur. »