Le restaurant comptoir santé La Vie La Vie a modifié son site web afin de créer une boutique en ligne et de lancer un service de livraison sept jours sur sept. (Photo: courtoisie)
IMMOBILIER COMMERCIAL. Les restaurants font généralement partie des éléments clés qui animent les artères commerciales. Malgré la fermeture de leur salle à manger en ces temps de la COVID-19, des restaurateurs ont décidé de braver la tempête.
Ouvert en 2015, le restaurant comptoir santé La Vie La Vie n’a jamais vendu autant de kilos de Général Tao au-delà du grand Saint-Hyacinthe depuis les deux derniers mois. Grâce à son service de livraison, né de la COVID-19, l’établissement de cuisine végétalienne de l’avenue Saint-Simon compte désormais des clients réguliers à Beloeil, Sherbrooke et même Montréal.
« J’ai toujours été à mon meilleur lorsque j’ai un genou à terre », soulève d’un ton ironique le propriétaire Joe Omobono. Ayant survécu à un cancer colorectal de stade 4 il y a 13 ans, cet entrepreneur n’en est pas à sa première « crise ».
Dès l’annonce de la fermeture de toutes les salles à manger du Québec, Joe Omobono a modifié son site web afin de créer une boutique en ligne et de lancer un service de livraison sept jours sur sept. « Le restaurant avait déjà un comptoir pour la vente de plats à emporter. Et je venais juste d’investir 5500$ en février dans un équipement pour emballer des plats sous vide. Un investissement qui s’est révélé très bénéfique. »
L’équipe du restaurant qui comptait sept employés a tout de même été réduite à trois. Les revenus du restaurant ont également fondu de 30 %. Malgré tout, le proprio est content. « Ce sont au minimum 400 à 500 nouveaux clients qui se sont ajoutés depuis le 23 mars dernier et nous bénéficions de la collaboration du concessionnaire Nissan de Saint-Hyacinthe qui nous a prêté un Nissan Rogue. Ce qui nous donne un bon coup de main. »
Percée en épicerie
Dès l’annonce de la fermeture des salles à manger, l’équipe du restaurant Le Coup monté, à Repentigny et l’Assomption, a dû réagir rapidement.
« On s’est posé la question si cela valait le coup de rester ouvert ou non. Quelques calculs et prévisions sommaires nous ont convaincus qu’il fallait trouver une solution. On ne pouvait prendre le risque de perdre le lien avec nos clients. Une fermeture complète aurait nui à tous les efforts que nous avons mis pour bâtir notre réputation depuis l’ouverture de la succursale de Repentigny en 2014 », mentionne Simon Fichault, un des trois copropriétaires.
L’équipe du Coup monté a donc ajusté sa formule en mode plat pour emporter. Seule la succursale de Repentigny est demeurée ouverte pour la vente directe de prêt-à-manger. Ce qui a permis de conserver 10 des 25 emplois de l’entreprise.
Ce nouveau concept a même permis le lancement d’un projet qui mijotait dans la tête des proprios depuis un an : une percée dans les épiceries. Le propriétaire du Métro Fogarty, à Charlemagne, a été le premier à vendre de l’osso buco, le boudin, le foie gras au torchon et les jolis cup cake ça va bien aller de la maison. « Grâce aux contacts de cet épicier, nous avons eu nos entrées dans les Métro de Joliette et de Mascouche. Ces ventes représentent maintenant plus de 60 % de nos revenus, qui ont tout de même fondu de 25 % depuis la crise de la COVID-19.
En ces temps de pandémie, regrette-t-on l’ouverture de la 2e succursale à l’Assomption en 2018 qui compte 80 places assises ? « La salle à manger est fermée, mais pas la cuisine qui nous est bien utile pour la préparation des plats vendus en épicerie. D’ailleurs, cette adresse située au centre-ville de l’Assomption a contribué à doubler notre clientèle. Une clientèle qui nous est demeurée fidèle pendant la pandémie », maintient Simon Fichault.
Couvrir les frais fixes
Si François Audette, copropriétaire du restaurant Les Canailles, de la rue Ontario Est, à Montréal, continue de concocter ses tartares de saumon, ses bavettes et sa légendaire crème brûlée, ce n’est pas du tout pour une question de profitabilité.
Comme plusieurs restaurateurs qui ont fait le choix de poursuivre leurs opérations en mode pour emporter, c’est avant tout un moyen de continuer de payer les frais fixes du local. « Nos ventes de plats représentent à peine 50 % des revenus que rapportait le restaurant avant le début de la pandémie », soutient le restaurateur Audette. C’est tout juste si ces revenus permettent de payer les fournisseurs, le loyer du local de 50 places assises, le gaz, l’électricité, l’Internet et le salaire de deux des huit employés que comptait le resto. Des frais qui frôlaient les 8000 $ par mois, dit-il.
Enfin, couverture des frais fixes ou pas, le propriétaire du restaurant Les Vilains garçons, de la Promenade du Portage, à Gatineau, se demande, pour sa part, s’il a pris la bonne décision de maintenir ses activités. « La vente de plats pour emporter et par livraison du jeudi au dimanche correspond à peine à 35 % des revenus de mon entreprise avant la COVID-19. C’est à peine 5 % de plus du montant pour lequel le gouvernement accorde de l’aide financière pour les loyers. Je me demande si les efforts valent la peine », indique le copropriétaire Cyril Lauer. Au moment d’écrire ses lignes, l’entrepreneur, qui détient un 2e resto, le Yzu, une cantine asiatique rue Laval (complètement fermé en raison de la pandémie), poursuivait sa réflexion.