Selon le rapport de la firme de services immobiliers CBRE, pour le premier trimestre de 2024, le taux d’inoccupation est passé à 18,1 % pour la région de Montréal. La donnée poursuit ainsi sa croissance, elle qui oscillait autour de 10 % avant la pandémie. (Photo: 123RF)
IMMOBILIER COMMERCIAL. Le lent retour des travailleurs dans les entreprises pèse sur les taux d’inoccupation des espaces de bureaux de la grande région montréalaise, qui ne cesse de croître depuis le début de la pandémie même si quelques signes positifs pointent à l’horizon. Les investisseurs en immobilier commercial n’ont donc plus le choix : ils doivent adapter leurs stratégies.
Selon le rapport de la firme de services immobiliers CBRE, pour le premier trimestre de 2024, le taux d’inoccupation est passé à 18,1 % pour la région de Montréal. La donnée poursuit ainsi sa croissance, elle qui oscillait autour de 10 % avant la pandémie.
La firme JLL note quant à elle que le taux de vacance a augmenté dans tous les sous-marchés sauf celui de l’est de l’île, et la région montréalaise a fait face à un treizième trimestre consécutif d’absorption négative.
Signes encourageants
Il y a quand même quelques signes encourageants. La disponibilité (17,7 %) a diminué pour une première fois en six trimestres au centre-ville de Montréal, souligne CBRE. Du côté d’Avison Young, on note que le taux de disponibilité a diminué de 90 points de base et que l’espace disponible en sous-location est resté stable à 15,7 %.
« Pour les actifs de bureau, au début de 2023, c’était un peu plus lent et compliqué parce que les entreprises hésitaient toujours à prendre des décisions relativement à l’équilibre télétravail/retour au bureau, explique Patrick Laurin, associé, directeur général et chef des solutions corporatives pour le Québec chez Avison Young. Dans la deuxième portion de 2023, plus particulièrement au quatrième trimestre, on a vu la cadence s’accélérer sur ces prises de décisions, avec une emphase à essayer de ramener davantage les employés au bureau. »
Pour l’instant, remarque-t-il, la tendance se stabilise autour de trois jours au bureau, en milieu de semaine. Il note lui aussi certains signes encourageants, mais préfère attendre pour voir si les tendances observées au premier trimestre se poursuivront.
Mieux, mais encore lent
Le président et fondateur du Groupe Mach, Vincent Chiara, perçoit également ces signes positifs, mais trouve tout de même que le Québec et le Canada sont en retard sur le reste du monde quant au retour des employés dans les bureaux.
« Ça va mieux, on commence à le voir, soutient-il. Dans notre portefeuille, nous avons des dépenses de 90 % d’occupation. Donc, ce n’est pas un problème d’occupation contractuelle. Je fais la distinction entre ce qui est contractuellement engagé et ce qui est physiquement occupé. Et pour ça, nous sommes entre 50 % et 60 % d’occupation, ce qui est beaucoup mieux qu’en 2021, où nous étions plus près du 40 % à 45 %. »
Cette longue et lente progression contraste avec ce qui est vécu en Asie, en Europe et dans plusieurs villes américaines, croit-il.
« Au Canada, on traîne de la patte, avoue-t-il. On a de la difficulté à ramener nos gens au bureau. Premièrement, on n’impose pas aux travailleurs le retour au bureau. Personne ne rend ça obligatoire, comme JP Morgan l’a fait aux États-Unis. Ce n’est pas dans notre culture. »
Diminutions et rabais
Le premier vice-président aux services consultatifs et transactionnels chez CBRE, Jeremy Kenemy, mentionne que le nombre de pieds carrés moyens par transaction est généralement à la baisse pour le début de 2024 même si l’activité est à la hausse.
« Les propriétaires donnent également de grosses allocations et des mois de loyer gratuits, observe-t-il. Dans une transaction récente, nous avons obtenu une allocation pour aménagements locatifs de 100 $ le pied carré. Il y a quatre ans, c’était très bien d’avoir 50 $ le pied carré. »
Valorisation en forte baisse
Vincent Chiara et Jeremy Kenemy anticipent de fortes baisses de valorisation des actifs à venir en raison de ce lent retour dans les bureaux québécois.
« Les acheteurs ne sont pas intéressés en ce moment à acheter cette catégorie d’actifs, laisse tomber Vincent Chiara. Évidemment, le taux d’inoccupation s’ajoute à ça, tout comme les loyers qui baissent, les conditions de loyer et contractuelles qui jouent en faveur des locataires. Ça vient jouer sur les valeurs. »
Il prédit donc une nette diminution dans les valeurs des actifs qui sont sur le marché, variant de 35 % à 50 % dans certains cas.
Le faible volume de transactions des derniers mois n’a pas encore permis de cristalliser ces pertes de valorisation d’actifs, mais dès qu’il y aura une reprise, Jeremy Kenemy s’attend à voir des diminutions de valeur de 20 %, 30 %, voire de 40 %.
« Quand les acheteurs feront leurs évaluations d’immeubles, ils auront de nouveaux comparables, souligne-t-il. À ce moment, ça va devenir plus évident pour tout le monde que les valeurs ont diminué. »