La demande pour de plus grandes superficies destinées à la distribution, l’entreposage et la logistique contribue à rehausser la valeur des terrains industriels des grandes zones urbaines. (Photo: 123RF)
IMMOBILIER COMMERCIAL. L’essor du commerce électronique, la volonté de concentrer les actifs, les faibles taux d’intérêt : depuis 2016, les nouveaux bâtiments colossaux destinés à la distribution ont la cote pour plusieurs raisons. Varennes a vu s’élever les centres de distribution de Jean Coutu (860 000 pieds carrés, incluant le siège social) et de Costco (550 000 pi2). Beauharnois a accueilli le gigantesque bâtiment de distribution d’IKEA, d’une envergure de plus de 1,2 million de pieds carrés. Du côté de Drummondville, le quincaillier Canac augmente de 60 % la superficie de son centre de distribution, pour atteindre près de 560 000 pi2.
Même la Ville de Granby – qui se montre généralement frileuse quant à ces grandes surfaces, selon le directeur général de Granby Industriel, Patrick Saint-Laurent – a permis à la chaîne de supermarché Avril de construire un centre de distribution et de logistique de près de 120 000 pi2 sur son territoire. La superficie du terrain (462 000 pi2) permettra aussi des agrandissements, mentionne M. Saint-Laurent.
«On sent une plus grande ouverture de la part des villes qui sont situées en bordure des principaux axes routiers», observe Caroline Gagnon, vice-présidente, Développement économique, chez Stratégies immobilières LGP. Cette entreprise travaille actuellement avec une dizaine de municipalités situées à proximité des autoroutes 30, 40 et 55 afin de les aider à valoriser leurs espaces à vocation industrielle encore vacants.
«Ces villes souhaitent toutes attirer des entreprises de 50, 100, 200 employés et plus. Mais où ces entrepreneurs vont-ils trouver de la main-d’oeuvre si les entreprises déjà en place dans ces parcs industriels peinent à en trouver ?», note Mme Gagnon. Elle explique que cette situation «incite plusieurs gestionnaires de parcs industriels à réviser leurs critères de sélection en faveur des centres de distribution, des entrepôts et des centres de logistique, y compris des centres de données. Des immeubles qui rapportent à la vente ainsi qu’en taxes foncières». En fait, les municipalités recherchent un meilleur équilibre pour leur développement économique, résume-t-elle.
Des parcs très ouverts
Parmi les villes très réceptives aux centres de distribution, on trouve notamment Lévis, Drummondville, Portneuf, Saint-Raymond et Windsor. Il y a aussi Salaberry-de-Valleyfield, dont la proximité des autoroutes 20 et 30 en fait une zone privilégiée pour ce type d’immeubles industriels. «Mais attention, on ne veut pas de « parcs à trucks » chez nous ! On veut de vrais centres de distribution», avertit Yvon Daoust, directeur du développement économique de la municipalité. Ces immeubles doivent avoir une emprise au sol minimale correspondant à plus ou moins la moitié du terrain acheté, précise-t-il.
Depuis deux ans, la Ville a vendu près de la moitié des quelque 9 millions de pieds carrés de ses aires industrielles qui étaient prêtes à recevoir des entreprises. Ces ventes se sont déjà traduites par deux nouveaux centres de distribution et de logistique sur le territoire campivallensien, affirme M. Daoust. Il s’agit du centre de distribution de PétroLub, un distributeur accrédité de Petro-Canada (40 000 pi2), et de l’entreprise OK Pneus, qui s’apprête à construire un centre de distribution de plus de 200 000 pi2.
Et ce n’est pas fini. La société CSX a annoncé, en décembre 2018, la vente de sa gare intermodale, qui s’étend sur près de 3,3 millions de pieds carrés contigus. Le secteur avait bénéficié d’un investissement de plus de 100 millions de dollars en 2015. L’immense complexe a été acheté par le Canadien National (CN) cet été. «De plus, le CN s’est porté acquéreur de la ligne ferroviaire Massena de CSX, qui compte plus de 350 km de voie entre Salaberry-de- Valleyfield et Woodard, situé au nord de Syracuse dans l’État de New York, souligne M. Daoust. Compte tenu de son expertise dans le transport des marchandises, le CN va pouvoir développer le site prometteur du parc industriel et portuaire Perron, bien alimenté en eau brute et en électricité.»
Des prix à la hausse
La demande pour de plus grandes superficies destinées à la distribution, l’entreposage et la logistique contribue à rehausser la valeur des terrains industriels des grandes zones urbaines. Pour la première fois en 20 ans, le prix moyen de ce type de terrains a d’ailleurs connu, en 2018, une augmentation plus rapide que celui des terrains commerciaux et à vocation résidentielle, soutient Mme Gagnon. «Il faut maintenant payer en moyenne entre 15 $ et 25 $ le pied carré sur l’île de Montréal. Le prix moyen oscille entre 7 $ et 19 $ sur la Rive-Nord et la Rive-Sud. Pour les aubaines à moins de 5 $ le pied carré, les entreprises doivent désormais chercher des terrains à plus de 60 minutes de la métropole.»
«Cette pression se fait ressentir sur le taux de disponibilité des immeubles à vocation industrielle, qui n’a jamais été aussi bas, à 3,2 %», signale Avi Krispine, vice-président des opérations et directeur général de CBRE au Québec. Ce qui fait de Montréal un marché qui commence à ressembler à celui de Toronto et de Vancouver, ajoute-t-il.
Même le prix des loyers bruts grimpe. «De 2000 à 2015, ces prix sont demeurés stables. Depuis trois ans, la valeur de location au pied carré pour les immeubles industriels a augmenté de 20 %, pour se situer à 6,12 $ en moyenne, relate M. Krispine. Du jamais vu ! Et ça ne fait que commencer.»