Jean Bédard, PDG du Groupe Grandio (Photo: courtoisie)
IMMOBILIER COMMERCIAL. Financer l’ouverture de restaurants lorsque les taux sont élevés constitue un exercice qui demande un peu plus d’agilité. « Même, beaucoup d’agilité », témoigne le PDG de Groupe Grandio, Jean Bédard.
Son entreprise a récemment annoncé l’ouverture de trois nouvelles adresses dans le futur basilaire commercial du complexe résidentiel à usages mixtes, Maestria Condominiums, situé au centre-ville de Montréal. Outre les bannières Iru Izakaya et Chez Lionel, l’infrastructure accueillera la toute première succursale du Cochon Dingue à ouvrir ses portes hors de la région de la Capitale-Nationale. Ces restaurants ouvriront entre le printemps et l’automne 2025.
Toutefois, avant d’accueillir leurs premiers clients, les trois futurs restaurants feront l’objet d’un montage financier qui nécessite plus de 2 millions de dollars d’investissement chacun, avise Jean Bédard. Soit une somme qui varie entre 400 $ et 450 $ le pied carré. De l’argent qui ne tombe pas du ciel.
Mise de fonds élevée
« Même si nous avons une très bonne relation avec l’institution financière Desjardins qui, soit dit en passant, nous a grandement aidés lors de la privatisation de l’entreprise en 2022 — et nous accorde des préautorisations de prêts sans trop de délais —, l’ouverture d’une nouvelle bannière ne s’effectue pas sur un coup de tête », poursuit le restaurateur qui compte plus de 30 années dans le domaine.
Avant la pandémie, il était possible de verser une mise de fonds correspondant à un montant entre 10 % et 15 % de la valeur du produit pour démarrer un projet. Depuis la hausse rapide des taux, l’équité requise atteint facilement, selon les localisations, entre 30 % et 35 % des coûts pour chacun des projets, explique Jean Bédard.
Une équité à laquelle il faut ajouter le coût des matériaux, celui de la main-d’œuvre et de toute la préparation des aménagements et de la formation du personnel entourant l’ouverture. « Il n’y a pas si longtemps, ouvrir une Cage-Brasserie sportive pouvait nécessiter entre huit et dix semaines de préparation. Aujourd’hui, le même projet peut facilement exiger 12, 14, voire 16 semaines. Ce qui fait augmenter les coûts », concède le dirigeant dont le groupe compte plus
de 4000 employés et 64 restaurants.
La part du promoteur
Par conséquent, le groupe a intérêt à bien choisir chaque emplacement et à bien s’entendre avec le propriétaire des immeubles où il décide jeter l’ancre. « Il y a une quinzaine d’années, ouvrir un restaurant, notamment dans un endroit très porteur, pouvait se décider en une nuit de sommeil. Depuis la pandémie, chaque décision prend 6, 9, parfois jusqu’à 12 mois avant de lui donner le feu vert », raconte-t-il.
Les promoteurs immobiliers qui souhaitent attirer les populaires bannières de l’entreprise sont, eux aussi, invités à prendre part à l’investissement, avertit-il. Le groupe Devimco, promoteur du complexe Maestria, a offert une allocation locative très intéressante afin de convaincre Grandio. Pour sa part, Grandio s’engage à respecter des baux d’au moins 15 ans pour chacune de ses nouvelles adresses.
Ces conditions offertes par Devimco avaient déjà incité Grandio à ouvrir trois restaurants (La Cage-Brasserie sportive, Chez Lionel et Iru Izakaya) au cœur du complexe Solar Uniquartier, à Brossard, en 2022. Initialement installé au Quartier Dix30, de l’autre côté de l’autoroute 10, le restaurant La Cage-Brasserie sportive a fait l’objet d’une relocalisation. « Ce qui a été une excellente décision. Le restaurant n’a jamais été aussi occupé », soulève le PDG de Grandio.
Des espaces qui ont la cote
À propos des trois adresses de Grandio, situées au complexe Solar Uniquartier, elles occupent des espaces au rez-de-chaussée des deux tours de bureaux érigées sur la rue de l’Éclipse. Construits dans les cinq dernières, ces deux immeubles voisins de 8 et de 13 étages totalisent près de 400 000 pieds carrés qui sont loués à plus de 90 %, signale Philippe Bouchard, vice-président aux finances à Groupe Devimco.
Outre La Cage-Brasserie sportive, on y retrouve des locataires de qualité, tels que l’Université de Montréal, des firmes d’avocats et des institutions financières. Les deux immeubles sont même reliés au REM ainsi qu’au hall d’entrée de l’hôtel Courtyard par Marriott Montréal-Brossard, qui dispose de multiples espaces de réunion.
Malgré ces performances locatives, le prêt construction des deux tours n’a toujours pas été converti en prêt à terme. « On attend encore le bon moment. Mais ça s’en vient », partage Philippe Bouchard. Selon ce gestionnaire financier, les beaux jours des prêts à terme pour les immeubles de bureaux devraient être de retour d’ici 2025. Au plus tard, 2026. Le taux directeur de la Banque du Canada a fondu de 0,75 % depuis cet été… et il pourrait bien subir une autre cure minceur de 0,75 % d’ici Noël. À suivre.