Immobilier commercial: «Les meilleurs jours sont à venir»
Claudine Hébert|Édition de la mi‑octobre 2024Les baisses consécutives du taux directeur redonnent du pep à l’industrie. (Photo: Adobe Stock)
IMMOBILIER COMMERCIAL. Le casse-tête financier dans lequel est plongé l’immobilier commercial depuis mars 2022 semble tirer à sa fin. Personne ne crie encore victoire, mais le moral des troupes est positif.
« Les meilleurs jours sont à venir », soutient Alison Chave, vice-présidente principale et cocheffe nationale du financement à JLL Canada.
Depuis deux ans, les taux demandés par les institutions financières et autres investisseurs pour les prêts terrain et prêts de construction oscillent aisément entre 8 % et 12 %. De quoi refroidir les ardeurs des promoteurs immobiliers commerciaux. « Juste au Québec, les mises en chantier en immobilier commercial ont chuté de façon spectaculaire depuis 2022 », observe la gestionnaire de JLL qui baigne dans l’industrie depuis 30 ans.
Selon Mark Sinnett, associé, vice-président exécutif et chef de l’équipe des marchés des capitaux au Québec, à l’agence Avison Young, ce sont près de 50 % des projets en immobilier commercial qui n’auraient pas vu le jour, faute de financement.
L’augmentation rapide des taux d’intérêt après la pandémie a été très brutale pour la plupart des projets d’achats de terrain et de nouvelles constructions. Cette situation s’est traduite par une forte pression sur les profits et a nécessité une augmentation importante des liquidités au moment de négocier avec les prêteurs. « Ce qui ne s’était pas vu depuis la crise économique en 2008 », fait remarquer Mark Sinnett.
Jusqu’à 50 % de liquidité
Avant la hausse des taux, la part de liquidité pouvait représenter de 20 % à 25 % pour la plupart des projets d’acquisitions et de construction. « Depuis deux ans, cette part a facilement grimpé entre 30 % et 35 % pour la plupart des prêts. On a même vu des cas où plus de 50 % de liquidité était exigé », renchérit l’évaluateur agréé Martin De Rico, président et associé de la firme DeRico Experts-conseils,
à Québec.
Il faut savoir que les prêteurs calculent le montant de leur prêt en fonction du ratio de couverture de la dette, soit le revenu net divisé par les remboursements annuels du prêt, explique Alison Chave. « Lorsque les taux augmentent, les remboursements de prêts grimpent eux aussi. Du coup, les ratios prêt-valeur (RPV) ont considérablement fondu, passant dans certains cas de 75 % à 55 % de la valeur d’un immeuble », souligne Alison Chave.
Qui dit prêt moins élevé que prévu, dit plus de capitaux propres, ce qui contribue à augmenter la dette. Depuis mars 2022, moment où les taux ont commencé à grimper, JLL a d’ailleurs reçu plus de demandes qu’à l’habitude de la part des promoteurs pour trouver des investisseurs en équité. Même scénario à l’agence Avison Young, où l’on a reçu une bonne demi-douzaine de demandes à cet effet au cours des 12 derniers mois. « En temps normal, on en reçoit une, maximum deux par année », avise Mark Sinnett.
Des baisses de taux à venir
Heureusement, les trois baisses consécutives du taux directeur, qui pointe actuellement à 4,25 %, ont redonné du pep à l’industrie. « On espère que la Banque du Canada va poursuivre sur cette lancée d’ici décembre », indique Martin De Rico. Plusieurs experts (dont lui-même) s’attendent à deux baisses consécutives de 0,50 %. Ou du moins une baisse d’au moins 0,75 % avant la fin de l’année. « Ces baisses pourraient contribuer à une reprise dynamique des activités dès le début de l’année 2025 », estime l’évaluateur agréé.
Un avis que partage Alison Chave. « Les dernières baisses de taux vont aider les ratios prêts-valeurs à remonter. Elles vont permettre au marché de retrouver son équilibre et accroître, du coup, les transactions d’immeubles commerciaux », dit-elle. Jusqu’ici, l’incertitude entourant les valeurs immobilières a été un problème majeur autant pour les investisseurs, les évaluateurs et les prêteurs, ajoute la gestionnaire. « Néanmoins, nos courtiers en investissement perçoivent déjà une hausse de l’activité immobilière », dit-elle.
Des signes de reprise
Les effets des récentes baisses se font déjà ressentir sur le marché. Selon les plus récentes données du groupe d’analyses immobilières Altus portant sur le deuxième trimestre de l’année 2024, le secteur industriel de la grande région de Montréal a enregistré un volume de transactions de 1,5 milliard de dollars, soit une augmentation de 58 % par rapport à l’année précédente. Les immeubles de vente au détail ont, eux aussi, connu une augmentation. Leur volume de transactions de 561 millions de dollars (M $) représente une hausse de 12 % par rapport à l’année précédente.
Seul le marché des bureaux tire encore de la patte. Son volume de transactions de 158 M $ correspond à une baisse de 59 % en un an.