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L’art de séduire les locataires de centres commerciaux

Claudine Hébert|Édition de la mi‑mai 2022

L’art de séduire les locataires de centres commerciaux

Le Carrefour de l'Estrie appartient au Groupe Mach depuis 2019. (Photo: courtoisie)

IMMOBILIER COMMERCIAL. Les propriétaires des immeubles de bureaux ne sont pas les seuls qui remettent en question leurs méthodes de location. Les propriétaires de centres commerciaux le font déjà depuis près d’une dizaine d’années. En effet, selon des gestionnaires qui supervisent ce type de transactions, il existe des moyens pour demeurer attrayant.

Parlez-en à Marie-Andrée Boutin, vice-présidente exécutive et cheffe du développement à Cominar. Elle et son équipe s’apprêtent à louer plus de 250 000 pieds carrés de superficie en 2022.

Vous avez bien lu: Cominar n’est pas mort. Malgré la mégatransaction historique de 5,7 milliards de dollars qui a permis à un consortium mené par Canderel d’engloutir le portefeuille de la fiducie de placement immobilier en février dernier, le nom de la société demeure bien vivant. Le consortium de Canderel a d’ailleurs confié à son équipe de direction la gestion des activités de Cominar, dont la location de ses immeubles commerciaux.

Donc, Cominar a développé des recettes pour attirer et maintenir les locataires sous le toit de ses immeubles. Maîtriser les données est la principale, note Marie-Andrée Boutin. «Quelle que soit l’adresse des espaces commerciaux, il faut bien comprendre leur ADN. Avant de recruter un locataire, il faut aussi avoir en main toutes les données concernant les heures et les jours d’achalandage du centre commercial. Quel est son type de clientèle? Quels sont les commerces qui suscitent le plus de trafic?»

Pour attirer un locataire majeur, Cominar peut également investir entre 250 000$ et plus d’un million de dollars en aménagement, mentionne-t-elle. «Lorsque nous ciblons un client, nous devons avoir tout en main pour lui montrer que nous avons l’espace idéal qui permettra à son organisation d’afficher une saine croissance.»

En 2021, elle et son équipe ont loué plus de 520 000 pieds carrés d’espaces commerciaux sur l’entièreté du portefeuille de Cominar avant la vente. «Cela n’égale pas les résultats des belles années, durant lesquelles Cominar louait annuellement entre 600 000 et 650 000 pieds carrés, reconnaît Marie-Andrée Boutin. Mais c’est tout de même 10% de plus qu’en 2019, année qui précède la pandémie.» 

Cette performance s’explique notamment par le virage de diversification entrepris au début de 2020. «Au cours des deux dernières années, plus de 65% des espaces ont été loués à des détaillants de biens essentiels (épicerie, pharmacie…), d’articles et accessoires de sport ainsi qu’à des bannières de quincailleries», précise-t-elle. Plusieurs de ces nouveaux locataires ont signé des baux de 10 ans et plus. Certains occupent les locaux laissés vacants par la fermeture des magasins à rayons Sears.

 

Il y a aussi les pop-up

À l’agence de courtiers immobiliers JLL, où les équipes travaillent à la fois pour des propriétaires et des locataires (restaurateurs et détaillants), la maîtrise des données figure, elle aussi, parmi les principaux éléments clés de la location d’espaces commerciaux. «L’ouverture d’esprit des deux parties favorise également la signature d’ententes, fait remarquer Manon Larose, vice-présidente senior du secteur du commerce de détail. Le modèle des boutiques “pop-up”, qui permet des locations d’espaces sur une durée de moins de 18 mois, en est un bel exemple.»

JLL représente entre autres le détaillant Levi’s. En 2020, elle a convaincu le propriétaire du Carrefour de l’Estrie, à Sherbrooke, et du centre commercial Les Rivières, à Trois-Rivières (le Groupe Mach), d’accueillir l’enseigne américaine pour un an. «Le concept de la boutique “pop-up” donne l’occasion au détaillant de tester l’adresse en temps réel. Cette stratégie lui permet de minimiser les risques et les erreurs que pourrait générer le choix d’une mauvaise adresse, explique Manon Larose. Il permet aussi de créer un effet halo (attirer une nouvelle clientèle) au sein du centre commercial qui profite aux boutiques voisines.»

Dans les deux cas, ajoute-t-elle, l’expérience s’est révélée concluante. «Une fois l’entente “pop-up” terminée, le détaillant Levi’s a non seulement conservé le même local, il a confirmé une entente permanente de plus de cinq ans aux deux endroits», signale la courtière qui a supervisé une bonne dizaine d’ententes du même genre au cours des deux dernières années. Elle tient à préciser que ce modèle demeure du cas par cas. Il n’y a pas de règles établies ; cela demande tout simplement de la flexibilité de la part des deux parties.

«En résumé, l’une des meilleures stratégies pour trouver des locataires est de ne pas attendre que le téléphone sonne, affirme la gestionnaire. Il faut aller au-devant des clients et être à l’écoute de leurs besoins. En fait, il faut déjà connaître leurs besoins avant même de les avoir comme clients. Ce qui fait partie de la maîtrise des données.»