Avions militaires: retombées possibles de 5,2 G$ selon Bombardier
Charles Poulin|Publié le 10 juillet 2023Bombardier miserait sur l'intégration des systèmes de General Dynamics à sa plateforme de Global 6500 dans un éventuel appel d'offres du gouvernement canadien. (Photo: Bombardier)
Le Canada pourrait profiter de retombées économiques de 5,2 G$ si Bombardier obtenait le contrat aéronef multimission canadien (AMC) du ministère de la Défense du Canada, selon des chiffres présentés par l’avionneur québécois.
Ces chiffres sont tirés d’une étude la firme PricewaterhourseCoopers (PwC) préparée pour l’avionneur québécois. Le document fait partie de la démarche de Bombardier afin que le gouvernement canadien ouvre un appel d’offres pour remplacer les CP-140 Aurora actuellement utilisés par l’aviation royale canadienne (ARC) plutôt que de simplement donner un contrat de gré à gré d’une somme de 9 G$ avec le fabricant américain Boeing pour l’achat d’appareils Poseidon P-8A.
L’étude calcule que les retombées directement liées au contrat AMC seraient de 2,8 G$ en produit intérieur brut (PIB) si un éventuel appel d’offres était remporté par Bombardier et son partenaire, General Dynamics Mission Systems Canada (GDMS). Le nombre d’emplois soutenus serait de 22 650, et les revenus fiscaux supplémentaires pour le gouvernement sont évalués à 800 M$.
Bombardier insiste notamment qu’il y aurait des avantages à ce que le contrat soit accordé à une entreprise canadienne plutôt qu’à l’Américaine. L’expertise développée leur permettrait une « exportation potentielle » de 40 AMC vers les marchés internationaux, ce qui représenterait un PIB total de 5,2 G$ pendant la période nécessaire à la construction des appareils.
« Il est important de comprendre toutes les ramifications économiques de cette décision, soutient le vice-président Affaires gouvernementales et industrielles chez Bombardier, Pierre Pyun. Nous demandons de nouveau que soit mis de l’avant un processus compétitif, équitable et transparent avec un processus d’appel d’offres pour que le gouvernement ait le choix. Pour nous, il s’agit d’une occasion générationnelle, car le gouvernement ne remplace pas souvent ses appareils. »
Difficile à comparer
Boeing a récemment avancé le chiffre de près de 360 M$ par année en termes de retombées canadiennes liées à son appareil Poseidon P-8A.
Il demeure toutefois difficile de comparer les retombées avancées par Boeing et Bombardier et lesquelles seraient les plus avantageuses.
« Nous n’avons pas vu ce qui a été publié par Boeing, avance Pierre Pyun. Mais si je ne me trompe pas, ils n’indiquent pas la durée du programme ni son impact cumulatif. »
De la même manière, n’ayant pas tous les détails que fournirait un appel d’offres, il devient difficile pour Bombardier de fournir un prix précis pour les avions qu’ils entendent livrer si elle était sélectionnée.
« Nous ne sommes pas supposés être rendus là dans le processus parce que tout ce qui a été publié, ce sont des exigences de haut niveau, affirme Pierre Pyun. Pour pouvoir mettre de l’avant un prix, il faudrait un processus d’appel d’offres et des requis précis. Malgré ça, nous sommes absolument convaincus que nous serions compétitifs. »
Avantages
Bombardier a profité de l’occasion de la présentation du rapport de PwC pour mettre de l’avant ce qu’elle estime être les avantages de l’appareil qu’elle propose à l’ARC, en plus des bénéfices économiques.
Tout d’abord, la directrice Acquisition de contrats chez Bombardier Défense, Anne-Marie Thibodeau, remarque que la sélection du consortium de Bombardier et GDMS permettrait d’offrir à l’ARC une solution « pleinement canadienne ».
« Nous nous basons sur du contenu canadien existant, remarque-t-elle. Le produit et la main-d’œuvre seraient locaux, et il y aurait des bénéfices directs pour l’économie. »
Un autre aspect à considérer est celui des « capacités souveraines », ce qui veut dire, explique Pierre Pyun, qu’elle n’aurait pas à demander à une autre nation pour effectuer des modifications aux appareils.
« Avec la plateforme et les systèmes fabriqués au Canada, et je pense que très peu de nations ont la capacité de développer un avion de A à Z, précise-t-il. Il s’agit là d’une expertise stratégique qu’il est possible d’utiliser comme levier pour devenir des leaders dans le domaine. »
Bombardier soutient de plus que ses Global 6500 modifiés seraient des appareils modernes comparativement au P-8A de Boeing ou encore au CP-140, qui date des années 70.
« Ce que nous ferions, c’est prendre le système de GDMS et le mettre sur la plateforme Global 6500, explique Anne-Marie Thibodeau. Notre plateforme est moderne, fiable et elle est encore en production, alors que Boeing offre plutôt un produit en fin de vie. »
Boeing a effectivement laissé savoir qu’elle cesserait la production du P-8A après 2025 s’il ne recevait pas de nouvelles commandes.
Capacités
Bombardier tenait également à remettre les pendules à l’heure à propos de « fausses perceptions » qu’elle entend.
Le gouvernement vise une première livraison en 2032 et une dernière en 2037. Plusieurs observateurs semblent douter de la capacité de l’avionneur québécois de pouvoir livrer son nouvel appareil militaire à temps à cause des délais que pourraient créer l’intégration des systèmes de GDMS au Global 6500. Pierre Puyn dit toutefois être « totalement convaincu qu’on rentre dans ces échéanciers-là ».
Une autre perception qui s’est rendue jusqu’aux oreilles de Bombardier est celle que l’avion proposé par Boeing est déjà en service, alors que celui de l’entreprise québécoise devrait quant à lui passer par toutes les étapes de l’intégration des systèmes de GDMS à ses avions.
Bombardier se défend en affirmant réutiliser des technologies « complètement compatibles » et croire que, du côté technique, elle offre la meilleure solution pour répondre aux exigences de l’ARC.
« Nous offrons plutôt une solution à faible risque, estime Anne-Marie Thibodeau. Nous reprenons les mêmes systèmes (que ceux du CP-140) et nous les intégrons sur une plateforme moderne. »