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Immobilier: de bonnes affaires en vue?

Claude Fortin|Édition de la mi‑octobre 2022

Immobilier: de bonnes affaires en vue?

Le recul du prix des résidences unifamiliales s’observe déjà dans certains marchés, comme en périphérie de Montréal. (Photo: 123RF)

IMMOBILIER RÉSIDENTIEL. Les hausses récentes du taux directeur de la Banque du Canada changent la donne dans le marché immobilier du pays. La croissance des prix des résidences ralentit déjà dans certains secteurs et les analystes s’attendent à ce qu’ils reculent de 15 % à 25 % au cours des prochains mois. Cette correction offre-t-elle des occasions d’affaires à saisir ? Oui, mais pas tant que ça, pas partout, et pas pour tout le monde. 

Le marché immobilier avance en ordre dispersé au Québec. Le recul du prix des résidences unifamiliales s’observe déjà dans certains marchés, comme en périphérie de Montréal. « Là où il y a eu le plus d’excès », souligne Charles Brant, directeur du Service de l’analyse du marché à l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec. À d’autres endroits, les baisses de prix tardent à se manifester. C’est le cas dans le Bas-Saint-Laurent et sur la Côte-Nord, « toujours dans l’effervescence des deux dernières années », observe Dominic St-Pierre, vice-président et directeur général de Royal LePage au Québec. 

Tôt ou tard, cependant, l’ajustement du marché immobilier gagnera l’ensemble de la province, estiment les experts consultés par Les Affaires. Il ne faut toutefois pas s’attendre à des chutes de prix spectaculaires, préviennent-ils.

 

L’importance des liquidités

La baisse de prix du secteur résidentiel devrait atteindre 10 % en 2022, pour ralentir graduellement et atteindre 20 % en 2023, croit Charles Brant. Tous ne pourront pas en profiter, estime toutefois l’analyste. « Il existe une frange d’acheteurs en moyens qui ont pu attendre et qui vont bénéficier de conditions de marché beaucoup plus confortables », dit-il. 

Les gens qui ont les moyens, qui sont capables de déposer la mise de fonds nécessaire pour amortir l’effet de la hausse des taux d’intérêt seraient d’ailleurs de plus en plus nombreux. Selon Luc Poupart, président et chef de la direction de Via Capital, le Québec vit, depuis cinq ans « le plus important transfert intergénérationnel de patrimoine. Les baby-boomers forment la génération qui a accumulé le plus de richesses dans l’histoire du Québec, et là, cette richesse se transfère. On parle de sommes astronomiques qui ont des effets sur la consommation et l’immobilier », dit-il.

 

De bonnes affaires? 

Des occasions intéressantes pourraient se trouver sur les marchés moins touchés par l’effervescence des deux dernières années. C’est le cas des marchés centraux, par exemple. « Les endroits, comme l’île de Montréal, ont connu une certaine désaffection durant la pandémie. L’île, en particulier le centre-ville de la métropole, devrait connaître plus d’engouement au cours des prochaines années », croit Charles Brant.

La difficulté qu’éprouvent certains propriétaires actuels à supporter la hausse des taux d’intérêt pourrait aussi profiter à certains acheteurs. « C’est sûr qu’il va y avoir une hausse du nombre de reprises de finance, mais ce ne sera pas si important que ça », estime Dominic St-Pierre. « Quand on parle avec nos partenaires des banques, ils ne semblent pas très inquiets de ça. » 

D’autres, comme Jacques Neault, conseiller en placement chez Valeurs mobilières Desjardins, se montrent plus inquiets. « La hausse des taux d’intérêt va faire très, très mal », dit-il. « Leurs paiements hypothécaires vont facilement augmenter de 30 %, 40 % ou 50 % », croit le conseiller de Desjardins.

 

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Contenir la spéculation 

La modification de la Loi de l’impôt sur le revenu, au fédéral, qui vise à décourager les transactions spéculatives dans le secteur immobilier résidentiel [les flips], reçoit un accueil mitigé des experts consultés par « Les Affaires ». La mesure entrera en vigueur le 1er janvier prochain. Elle prévoit que, sauf exception, le revenu tiré de la vente d’un immeuble résidentiel dans les 12 mois de son acquisition s’ajoutera au revenu ordinaire du vendeur. Il sera ainsi taxé au taux marginal d’imposition du vendeur, plutôt que comme un gain en capital, dont la moitié seulement est imposable. « Que se passe-t-il si je vends après 12 mois et un jour ? » demande François Des Rosiers, professeur titulaire au Département de finance, assurance et immobilier de l’Université Laval. « L’Agence du revenu du Canada (ARC) pourra y voir un flip, signale Tommy Gagné-Dubé, professeur adjoint au Département de fiscalité de l’Université de Sherbrooke, mais c’est elle qui devra en faire la preuve, pas le contribuable. » 

François Des Rosiers se questionne également sur la cible que vise le fédéral. « On veut empêcher la spéculation pure, c’est-à-dire quelqu’un qui achète et qui revend sans rien faire, très peu de temps après », explique le professeur. « Mais que se passe-t-il avec ceux dont le travail est d’acheter, de remettre en état l’actif et de le revendre ? Ce n’est plus de la spéculation, c’est de l’investissement », remarque François Des Rosiers. Selon Tommy Gagné-Dubé, il s’agit peut-être d’un premier pas pour le fédéral. « Est-ce qu’il s’agit de la première étape avant plus de contrôle ? C’est possible », dit-il.