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Jongler avec la rareté

Emilie Laperrière|Édition de février 2022

Jongler avec la rareté

On compte actuellement moins de 30 000 propriétés actives — soit sur le marché —, alors que ce chiffre était de 75 000 à la fin de 2018. (Photo: 123RF)

IMMOBILIER RÉSIDENTIEL. Quiconque cherche actuellement une maison dans la province le sait: il y a peu de propriétés sur le marché. Toutefois, après une année record de constructions et de demande extrêmement forte, la hausse des taux d’intérêt devrait calmer le jeu immobilier en 2022, selon les experts interrogés par Les Affaires.

«Depuis environ 10 ans, la construction ne suffit pas à la demande par rapport à la croissance démographique, notamment en raison de l’immigration, relève Charles Brant, directeur du Service de l’analyse du marché à l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ). C’est encore plus vrai pour l’unifamiliale, très recherchée depuis le début de la pandémie.»

L’analyste ajoute que la crise sanitaire a réduit l’offre d’au moins la moitié. «La situation a permis une baisse assez importante des taux d’intérêt, et le gouvernement a offert beaucoup d’aide financière aux ménages, souligne-t-il. Les gens ont aussi pu épargner davantage»et cet argent en surplus a souvent servi à acquérir un nouveau domicile.

Selon Statistique Canada, le taux d’épargne des ménages oscillait en effet autour de 3% au pays avant la COVID-19. Au deuxième trimestre de 2021, il avait bondi à 14,2%.

Dominic St-Pierre, vice-président et directeur général de Royal LePage au Québec, remarque que l’on compte actuellement moins de 30 000 propriétés actives — soit sur le marché —, alors que ce chiffre était de 75 000 à la fin de 2018.

«Le marché roulait déjà à haut régime, mais la pandémie a mis le feu aux poudres, constate-t-il. Ça a changé les besoins d’habitation de tout le monde en même temps. Du jour au lendemain, la maison est devenue non seulement notre milieu de vie, mais aussi notre lieu de travail, l’école et un centre de divertissement.»

 

Ralentissement en vue

On a dénombré 67 962 mises en chantier au Québec l’an dernier. L’Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec (APCHQ) en prévoit 56 000 en 2022, soit une baisse de 18%.

«Les coûts de construction ont augmenté de manière significative au cours de la dernière année, dit Paul Cardinal, directeur du Service économique de l’APCHQ. Le prix des maisons a connu une hausse d’environ 20% à cause de l’envolée du prix du bois.»En parallèle, la hausse des taux hypothécaires «refroidira la demande du côté des maisons unifamiliales et des copropriétés», croit-il.

Le marché locatif a de son côté enregistré un record absolu en 2021, grâce à la construction de 35 600 logements. «Ça fait plusieurs années que la cadence s’accélère dans ce secteur, mais je pense que ça ralentira cette année, entre autres en raison de la hausse des loyers, avance Paul Cardinal. J’entrevois une baisse de 25%.»

Le déplacement de la ville vers la banlieue et les centres régionaux, plus abordables pour ceux qui optent pour le télétravail, devrait se poursuivre. «Trois-Rivières devrait mieux s’en tirer. Gatineau et Sherbrooke aussi», estime Paul Cardinal.

 

Se préparer

Après en avoir rêvé pendant cinq ans, Carl-Éric Faubert est par exemple sorti de la ville pour se rapprocher de la nature. «Le mode de travail hybride me permettait de garder mon emploi même si j’habitais plus loin», raconte l’employé d’Espace pour la vie, dans l’est de Montréal.

Neuf mois, 12 visites et deux offres d’achat refusées plus tard, sa patience a payé. Il est désormais propriétaire d’une maison jumelée à Sainte-Adèle, dans les Laurentides.

Dans un marché en surchauffe, le nouveau propriétaire recommande de faire affaire avec un courtier immobilier. «Comme je n’avais jamais acheté de propriété auparavant, je ne connaissais absolument pas le marché. J’ai été extrêmement bien accompagné par l’agente qui m’avait été recommandée par un ami, assure-t-il. Elle a vraiment bien compris mes besoins et m’a donné de très bons conseils.»

La suggestion fait évidemment plaisir au directeur général de Royal LePage, qui croit qu’il faut «plus que jamais»faire appel à un courtier. «Pour trouver LA propriété, il faut être très bien organisé, rappelle Dominic St-Pierre. Il faut s’assurer d’avoir en main une préqualification hypothécaire et une liste des éléments non négociables pour nous.»Les futurs acheteurs doivent aussi être prêts à agir vite, «parce que les propriétés s’envolent comme des petits pains chauds».

Autrement, il n’existe pas de trucs magiques pour acquérir sa demeure de rêve. «S’ils existent, j’aimerais bien le savoir, plaisante Dominic St-Pierre. Pendant la pandémie, je cherchais une nouvelle maison et je n’ai pas réussi à avoir celle que je voulais, malgré mes connaissances du marché.» Ce dernier compatit d’ailleurs avec les autres acheteurs. La patience est de mise.