APH Select, un programme phare qui a besoin d’une mise à jour
Charles Poulin|Édition de la mi‑octobre 2024Plusieurs promoteurs affirment que le programme leur ont permis de passer à travers les temps difficiles des dernières années. (Photo: 123RF)
IMMOBILIER RÉSIDENTIEL. Le programme APH Select de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) est celui par lequel jurent tous les promoteurs d’immeubles locatifs depuis le début de la pandémie. Hors APH Select, point de salut ! Mais doit-il être révisé pour conserver son efficacité ?
Il n’y a qu’à démarrer une conversation avec un promoteur immobilier ou un entrepreneur à propos d’APH Select pour comprendre son importance. Les chances sont bonnes pour qu’il vous avoue que le programme, qui a vu le jour en mars 2022, lui a sauvé la vie (professionnelle). Son arrivée coïncide d’ailleurs avec la première hausse du taux directeur de la Banque du Canada.
« S’il n’y avait pas eu ça, ça aurait été une catastrophe nationale, estime le PDG de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), Maxime Rodrigue. Une grande majorité de projets n’auraient pas vu le jour s’il n’y avait pas eu les programmes de la SCHL. Pouvoir avoir des projets amortissables sur 50 ans, c’est quand même un bel avantage. Des ratios de couverture de dette de 1,1, ça fait toute la différence. »
Traverser la tempête
Sans cibler particulièrement APH Select, la vice-présidente et directrice générale de la firme immobilière Rachel Julien, Mélanie Robitaille, croit que les programmes de la SCHL ont permis au secteur de la construction résidentielle de traverser la tempête de la hausse des taux d’intérêt. « Je ne crois pas qu’il était possible, ces dernières années, de faire des projets multirésidentiels locatifs au Québec sans compter sur un programme de financement de la SCHL, tranche-t-elle. Ça a sauvé le marché. »
Indexation
Le pointage pour se qualifier au programme APH Select (et ainsi avoir accès aux avantages financiers qu’il procure tels un ratio de couverture de dette plus bas et une période d’amortissement de 50 ans) est principalement axé sur l’abordabilité, l’accessibilité et l’efficacité énergétique.
Le problème actuel décelé par les acteurs de l’industrie de la construction est que les prix des loyers pour déterminer si un logement est « abordable » ou non sont calculés à partir des données du recensement de 2019. Donc avant la pandémie et la forte inflation des trois dernières années.
« C’est un programme efficace, mais il faudrait que les seuils d’abordabilité soient indexés, soutient David Fernandez, CPA, associé et chef des finances et des opérations à Maître carré. Depuis la pandémie, les prix ont explosé. Les seuils sont probablement en dessous de 30 %, ce qui représente les hausses de loyer que nous avons connues ces quatre dernières années, soit environ 5 % à 6 % par an. »
Le calcul actuel tient difficilement la route, croit pour sa part Mélanie Robitaille.
« Ce que moi je peux reprocher au programme, et c’est le seul reproche que je lui adresserais, c’est qu’on se base sur des revenus qui datent de 2019, affirme-t-elle. Pour qu’un logement soit abordable dans le Grand Montréal, il faut qu’il se retrouve sous la barre des 1090 $ par mois. »
Rachel Julien construit des logements dans lesquels sont inclus Internet, l’électricité, les électroménagers, les appareils de buanderie et le divan pour optimiser l’espace. Il devient alors impossible d’arriver sous la barre des 1090 $ avec les taux d’intérêt actuels et les coûts de construction, plaide Mélanie Robitaille.
« Il y a urgence à ce que les revenus qui sont utilisés aux fins de calcul d’un loyer abordable pour le programme APH Select soient revus à la hausse pour refléter l’ensemble des augmentations que notre société a subies depuis 2019, avance-t-elle. Parce que, dans le fond, l’objectif derrière tout ça, c’est que notre programme puisse fonctionner, être utilisé au maximum. »
Sinon, chaque année qui passe transforme APH Select en un programme qui est moins attrayant pour les entrepreneurs, note-t-elle.
« Il faudrait que ce soit mis à jour le plus rapidement possible, si on veut que le programme soit utilisé à son plein potentiel, observe David Fernandez. Je connais peu de projets de 200 logements ou plus qui ne passent pas par le programme APH Select. Sans lui, c’est très difficile d’avoir un montage financier qui se tient. »
Des améliorations potentielles
L’APCHQ participe régulièrement à des rencontres avec la SCHL et le gouvernement fédéral. Son PDG affirme que des améliorations pourraient survenir.
« Sachant aussi que des rôles d’évaluation des propriétés ont monté de 30 %, 40 % voire de 60 % à certains endroits, je pense que la moindre des choses serait qu’on indexe les seuils, croit Maxime Rodrigue. Je ne pense pas que ce soit exclu de ce que la SCHL veut mettre de l’avant. Je crois qu’ils sont rendus là. Chaque fois qu’on rencontre la SCHL ou le gouvernement du Canada, ils sont très, très au fait de ce qui pourrait être fait et ils veulent le faire. »