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Immobilier: la seule baisse des taux ne suffit pas

Charles Poulin|Édition de la mi‑octobre 2024

Immobilier: la seule baisse des taux ne suffit pas

Les délais sont plus longs qu’auparavant pour la construction de nouveaux projets, dénoncent les observateurs du milieu. (Photo: 123RF)

IMMOBILIER RÉSIDENTIEL. Un bas taux, c’est bien beau, mais ce n’est pas suffisant à lui seul pour porter l’industrie de la construction résidentielle à bout de bras. D’autres solutions doivent être appliquées pour accélérer les mises en chantier et ainsi ramener une certaine abordabilité sur le marché québécois.

Le principal point sur lequel tous s’entendent : il faut réduire les délais.

« Le principal enjeu, ce sont les longs délais avec les villes, pour l’obtention de permis, l’approbation de projets, laisse tomber David Fernandez, CPA, associé et chef des finances et des opérations à Maître carré. Qui dit longueur dit plus de temps. Qui dit plus de temps dit que ça coûte plus cher parce qu’on roule sur nos prêts plus longtemps. »

Un promoteur qui achète un terrain pouvait espérer, il y a quelques années, pouvoir « avoir une pelle dans le trou » dans un délai de 18 mois. Aujourd’hui, on parle plus de 24 à 36 mois… si un moratoire sur les changements de zonage ne bloque pas tout simplement la construction.

Toujours complexe

Mélanie Robitaille, vice-présidente et directrice générale de la firme immobilière Rachel Julien, note positivement la volonté de la Ville de Montréal, qui veut établir une cible de 120 jours pour la délivrance d’un permis de construction pour un projet conforme.

Le hic ? Pour les projets d’envergure, le terme « conforme » ne s’applique… jamais.

« Tous les projets d’envergure sont des projets qui vont être dérogatoires, que ce soit pour la marge de recul, pour le taux d’implantation, les hauteurs, le nombre d’étages, les usages, explique-t-elle. Ce que ça veut dire, c’est qu’en amont, je dois changer mon zonage. Je dois faire soit une modification à mon plan d’urbanisme, soit une modification au zonage en arrondissement. Et ça, ce sont des délais qui sont vraiment très longs. C’est la raison pour laquelle on se retrouve avec des projets qui prennent six, sept ou huit ans avant de voir le jour. »

« Chaque délai nous éloigne de notre volonté collective d’avoir des projets abordables », avance Mélanie Robitaille.

Le PDG de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), Maxime Rodrigue, espère que les municipalités québécoises utiliseront leur nouveau « superpouvoir » accordé par la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, soit de déroger à leurs propres règles d’urbanisme afin d’accélérer les mises en chantier.

« C’est désormais dans les mains des élus, plaide-t-il. Il faut qu’ils se servent de ça et qu’ils comprennent l’importance de loger des gens ainsi que l’urgence de le faire. »

Maëlle Boulais-Préseault, économiste chez Desjardins, note que d’autres mesures aussi ont été mises de l’avant par les municipalités. Plusieurs ont adopté des mesures pour encourager la construction, comme des crédits de taxes ou des incitatifs financiers.

« Ça a beaucoup aidé et on le voit dans les chiffres, avoue-t-elle. Le gouvernement provincial aussi a essayé d’assouplir un peu la réglementation à certains égards pour encourager la construction. Ce sont tous des aspects qui font que la construction résidentielle reprend. »

Abolir la TVQ

L’abolition de la taxe de vente du Québec (TVQ) sur les logements neufs reste un sujet chaud pour les entrepreneurs et les promoteurs. Et pour cause : ils estiment qu’elle ajoute environ 10 % de coûts supplémentaires à leurs projets et nuit à l’abordabilité.

« L’autocotisation de TVQ pour laquelle notre gouvernement provincial n’a pas fait de pas dans le sens d’autres provinces canadiennes, c’est un geste qui pourrait faire une réelle différence, soumet Mélanie Robitaille. La taxe de vente au provincial, sur un projet locatif, c’est à peu près 10 % de surcoût qu’on a et qui se retrouve définitivement dans le loyer du logement par la suite. »

Main-d’œuvre recherchée

Si la reprise de la construction résidentielle se poursuit, il faudra travailler du côté de la main-d’œuvre, préviennent les personnes interviewées par Les Affaires.

« Il y a déjà un problème de main-d’œuvre, et nous sortons tout juste d’une année où les mises en chantier ont atteint un creux historique, remarque David Fernandez. Là, on risque d’accélérer la cadence. Il va y avoir davantage de besoins de travailleurs. Il faut former plus de travailleurs et s’assurer que la main-d’œuvre immigrante transfère vers le secteur de la construction. »